Caractère:

« Hein ? Parler de moi... Buoh... Y a pas grand chose à dire... »

Ivan tend le micro à sa jumelle adorée.

« Tiens, réponds, toi, moi je sais pas quoi leur dire...
- Vanya ? Je l'adore, la question se pose pas, mais parfois, ça serait bien qu'il mette ses neurones en mode ON et qu'il arrête de se fier à son instinct capricieux. Parce que le pire, c'est qu'il est loin d'être bête ! Et même, parfois, il a des réactions instinctives mais juste parfaites quoi. Il peut être très perspicace concernant les gens, aussi, et c'est même parfois un peu étonnant selon les gens en question. Et puis y a des fois où il se plante complètement, son « instinct-animal-tu-peux-pas-comprendre », comme il dit. Parce qu'il a tendance à partir au quart de tour en fonction de son ressenti, sur une impulsion, et c'est pas toujours aussi fiable qu'il le dit. La preuve avec ses yeux, ses tympans, ses membres quoi...
- Oooookay... Ca va aller, je vais me débrouiller... »

Il a récupéré le micro d'un coup, plaqué une main sur son front et soupiré lourdement.

« D'abord, mon instinct va très bien.
- C'est pour ça que t'as fini en chevreuil, ouais...
- Hum... T'as pas mieux à faire ? Je vais finir tout seul, vaque à tes occupations, je t'en prie...
- Ouais, ouais... J'ai du travail. Moi aussi je t'aime Vanouchka... »

Il l'a regardée partir, un grand sourire enfantin sur le visage. On ne dirait pas comme ça, que ce n'est qu'avec elle qu'il est comme ça. D'ailleurs regardez, elle est partie, et il est déjà redevenu neutre et sérieux...

« Hé, la voix off, tu voulais que je parle ou je te laisse faire ? ... Bon bah je vais le faire donc. Parler de moi, c'est pas mon truc en fait. Pfff... Je râle un peu contre ma soeurette, mais je peux pas vraiment dire qu'elle ait complètement tort. N'empêche que j'ai vraiment un cerveau. Et un certain instinct. 'M'a sauvé la vie quelques fois, déjà. 'Fin bref. C'est vrai aussi que j'ai pas cette relation avec beaucoup de monde. Pour les autres, je suis plutôt une ombre en fait. Ou un fantôme, comme vous voulez. Ca me va, je suis pas vraiment un homme d'action, plutôt observateur, et pour la peine, c'est ce que je fais de mieux. Observer, rester dans l'ombre et apporter les informations à qui de droit... »

Son regard se perd un instant dans le vide, et l'espace d'une seconde, peut-être qu'un début de sourire pointe sur ses lèvres. D'émotion aussi ? De tendresse ? Ca n'est, à l'évidence, pas de sa jumelle qu'il s'agit... Et ça reste furtif, et aussitôt il redevient neutre.

« Bref. Y a sans doute une chose à savoir : je suis au service de la reine, et sous les ordres de Marius. C'est mon devoir, et rien ni personne ne m'empêchera de mener à bien ma mission. Contrairement à mon chef, je ne suis pas vraiment du genre à blesser ou tuer de sang-froid, encore moins à aimer ça, j'en ai pas la force à mon grand dam. Ca m'empêche pas de le faire si besoin, mais ça n'empêche que c'est pas vraiment ce que je préfère. En tout état de cause, je trouverai un moyen de pourrir la vie de ceux qui se mettent en travers de mon chemin, ça je peux vous l'assurer. La vengeance est un plat qui se mange froid, il paraît. Je vous assure que ça peut aussi se faire glacé. Et le froid, ça m'a jamais dérangé... Enfin ça ne m'empêche pas de faire ce qu'on me demande. Simplement si je peux éviter de devoir trancher une gorge, ça m'arrange. Et si y a pas le choix... Bah les ordres sont les ordres, c'est tout. »

Il ne dit rien de plus, mais son regard se détourne étrangement...

« Ca vous va là pour les grandes confidences ? »

Manifestement, elles sont terminées : il a reposé le micro et est reparti... sans doute faire ce qu'il a à faire, lui aussi...

Particularités:

Puisqu'il faut faire une liste alors... Mais vous en avez pas marre d'être aussi curieux ?

Je suis bourré d'habitudes à la con. Je me lève toujours à la même heure, je me prépare toujours de le même manière, fait les choses dans le même ordre. Pourtant à côté de ça, je suis assez... bordélique. Mais c'est mon bordel organisé. Et j'aime pas qu'on y touche, sous peine que je m'y retrouve plus en fait. Ca a l'air débile, mais c'est pourtant bien comme ça. C'est des tas dans tous les coins, mais je sais ce qu'il y a à tel endroit. Et si on y touche, réellement, je m'y retrouve plus. Pire. Si j'essaie de vraiment ranger les choses comme il faut, je suis incapable de retrouver ce que j'ai « rangé ». Et je déteste perdre du temps comme ça à chercher un truc que je suis sûr d'avoir « rangé quelque part ».

Pourtant, du temps, j'en perds parfois. Bon, d'accord, souvent. A chaque fois que les sommations ne fonctionnent pas, et qu'aucune autre solution que l'exécution sommaire n'est possible. Ce qu'il y a à faire, je le fais, la question se pose pas. Je laisse toujours une chance, mais faut pas croire que je ne mette pas mes menaces à exécution. Rapidement. Je ne m'attarde pas, clairement, parce que ce n'est pas vraiment un acte qui me plaît, et oui, c'est un euphémisme. Je ne supporte pas le sang, déjà à voir, mais encore moins sur moi. Si bien qu'à chaque fois, j'ai tout un rituel, pour me « purifier » disons. En fait, c'est surtout qu'il me faut un bon moment avant de ne plus avoir le sentiment d'avoir douze litres d'hémoglobine sur les mains...

Et puis, ce qu'on croit au premier coup d'oeil, c'est que je suis un peu une crevette en fait. Enfin j'exagère un peu, je suis pas rachitique, je suis pas ridiculement petit, mais je suis très très moyen en réalité, si bien qu'on se méfie... Et pas plus endurant qu'un autre, loin de là. C'est sans doute un truc assez notable, ce côté... insignifiant. Mais ça m'arrange bien au fond, c'est plutôt un avantage pour moi. On m'oublie et je peux observer plus facilement. On imagine pas ce que je peux déceler ni faire, comme ça.

Parce que pour le coup, je ne suis pas si insignifiant. Pas pour rien que je fais partie de la garde... Les « bons » traitements du Seigneur Duca m'ont doté d'yeux particuliers, qui me permettent de voir avec une acuité décuplée, de déceler le moindre mouvement, et même, d'appréhender en un instant une situation donnée, de visualiser les choses dans leur ensemble, et de trouver certaines parades, portes de sorties... les actions les plus efficaces, parfois aussi. Le « hic » si on peut dire, avec ces yeux bioniques, c'est qu'ils sont devenus plus froids encore qu'auparavant. Implacables. Si bien que c'est sans doute, avec ma capacité à rester stoïque et à ne pas montrer grand chose en règle générale, ce qui crée la peur chez les gens qui croisent – malheureusement pour eux – ma route. C'est terrifiant, n'est-ce pas, d'avoir le sentiment que celui qui vous fait face ne ressent absolument rien ?

C'est faux cela étant, et si on était doté des mêmes implants que moi, on s'en rendrait compte. Si on avait les tympans même implants mécaniques qui ont remplacé les miens d'origine et qui me permettent d'entendre le son le plus infime, on entendrait mon cœur, à ces moments-là, qui bat la chamade. Personne ou presque ne s'en rend compte, pourtant, et moi, ces jolies petites améliorations me permettent d'entendre d'éventuelles embuscades, entre autres, toujours... Bref. La sentinelle. C'est moi. Mais... Je serais pas là où je suis si je n'étais que ça, n'est-ce pas ?

Parce que non, je ne suis pas que ça. Je n'ai, en fait, pas que ça. Pas que ces yeux et ces tympans améliorés. Mais même si ça ne se voit pas au premier coup d'oeil parce que c'est facilement dissimulé sous mes vêtements, et que ces améliorations ne sont pas démesurées non plus, c'est sans le moindre doute plus dû à mes bras et mes jambes que je peux servir la cause. Contrairement à d'autres de mes petits camarades, ça n'est pas sur la force que l'inventeur a travaillé avec moi, mais sur la rapidité, la précision, et l'agilité aussi. Je vous déconseille d'essayer de me prendre de vitesse, pour la peine. D'essayer de vous enfuir non plus, d'ailleurs. Certes, je ne suis pas l'armoire à glace qui vous bloquera le passage. Mais je vous rattraperai, ça, c'est une certitude. Et vu la rapidité et la précision de certains mouvements, je doute fortement que vous réussissiez à éviter mes lames.

Je crois que c'est de ça, sans doute, qu'on parle peut-être le plus me concernant. Ces yeux glacés, tout autant que ces larmes acérées. Personne ne sait ou ne se souvient de ce que j'étais avant, cependant. Un jeune homme changé en chevreuil, ce n'est pourtant pas si courant... Mais allez savoir qu'il s'agit de moi. Ma sœur, évidemment, ne l'a pas oublié... Pas plus que moi. Tout comme je n'oublierai jamais la peur qui m'a étreint, lorsque j'ai été chassé, littéralement, par ce roi qui a ensuite voulu épouser ma jumelle. Et depuis... Il y a cette terreur qui ne me quitte pas, dès lors que je me trouve face à une arme à feu, un mousquet par exemple.

Ukrainien de naissance, ayant toujours vécu en Europe de l'Est, j'ai plutôt l'habitude du froid, qui ne m'a jamais dérangé. Je crois que j'aurais plus de mal avec la canicule, mais j'ai jamais trop eu l'occasion de tester à vrai dire, mais comme j'ai vite besoin de beaucoup m'hydrater dès qu'il fait un peu plus chaud bah... Je crois que c'est clair quoi. En tous les cas, j'ai jamais vraiment eu de mal à supporter le froid, ça c'est une certitude.

Et même si les circonstances n'ont pas forcément été idéales... J'aime la Roumanie. Et j'aime la place que j'ai à présent. Masochiste ? Certains le pensent sans doute. Mais sincèrement, après tout ce que nous avons vécu, ma sœur et moi, aujourd'hui, on ne s'en sort pas si mal, et c'est grâce à ce pays, grâce à ce que je suis devenu aussi, donc grâce au Seigneur Duca. Grâce à ma position sous les ordres de Marius. A qui d'autre voulez-vous donc que je sois loyal ?

Enfin pour les petits détails plus ou moins... insignifiants... Je porte essentiellement du bleu, ma couleur favorite. Ses dérivés, du gris et du blanc un peu aussi. Il peut y avoir des exceptions, bien sûr, mais y a peu de chances que vous me voyiez avec des vêtements rouge pétant ou jaune canari. Même pas en rêve. Et sous ceux-ci, juste sous mon cou légèrement sur la gauche, se trouve tatoué une carte : le 9 de Pique.

Moi je ne suis qu'une ombre, un fantôme, une présence à peine réelle, qu'on oublie à l'instant où son regard s'est posé sur elle. J'imagine que certaines personnes trouveraient ça triste, chercheraient à changer cet état de fait. Je ne fonctionne pas comme ça, bien au contraire. Ca m'arrange de passer inaperçu. Je suis là, et on ne me voit pas. Au contraire de moi, qui vois tout. Entends tout. Enregistre tout. Les yeux et les oreilles de ma hiérarchie. Dévoué corps et âme à la cause de la Reine et à ceux qui la représentent.

A vrai dire, la cause... Et bien c'est pas le plus important pour moi, mais ça, c'est une chose dont personne ne se rend réellement compte et dont je ne parle pas, d'ordinaire. La seule à obtenir parfois quelques confidences – parfois – c'est elle, cette beauté tout aussi blond platine que moi, dont les yeux clairs renvoient aux lagons des miens. Ma sœur, ma jumelle, ma moitié. Ma bonne conscience peut-être aussi. Peut-être que je ne serais pas là, aujourd'hui, si je l'avais écoutée et pas mon instinct auquel je me fie peut-être parfois un peu trop. Mais au final, je sais pas si ça m'arrangerait tant que ça de ne pas être passé sous les doigts de Duca. Je sais que ça l'ennuie, que j'aie « changé » comme elle dit. D'autant plus qu'elle se sent quelque peu responsable, j'en suis conscient. Mais je crois qu'elle sait aussi bien que moi que s'il y a quelqu'un avec qui je ne changerai jamais, c'est bien elle. Ne serait-ce que parce que je lui dois la vie, en fait. Et puis elle est ma seule famille, ça ne peut pas s'effacer comme ça. Pour rien, ni pour personne. Et même si je suis très attaché à et respectueux de ma hiérarchie, je ne suis pas sûr que je pourrais faire un choix entre elle et eux, si il m'était demandé. Mais je pense que mon supérieur me connaît suffisamment pour savoir que je leur suis dévoué, mais qu'elle, elle reste « off limits », comme ils disent je crois de l'autre côté de la mer.

Dans une autre vie, elle est restée près de moi, même si j'ai changé de forme, d'humain à animal, traqué par les chasseurs, et elle, à aucun moment elle ne m'a abandonné, pas même quand un roi lui a demandé sa main. Ici, aujourd'hui, j'ai à nouveau changé, et une fois de plus, elle est toujours là. La première fois, c'est parce que je ne l'ai pas écoutée que je me suis retrouvé dans cette fâcheuse position. Ici, c'est parce que j'ai pris sa place. Je sais qu'elle s'en veut, pour ça. Mais moi je m'en veux de ne pas être arrivé plus tôt. De ne pas être celui qui a planté cette lame dans le corps de cet homme sans vergogne. Et parce que j'aurais préféré qu'elle n'eût jamais ce sang sur ses mains blanches, et parce que moi qui déteste pourtant ça, j'aurais réellement voulu être celui qui eût fait payer à cette ordure le mal qu'il comptait lui faire. Quand les autorités ont débarqué, je lui avais pris le couteau des mains. Officiellement, c'est moi le meurtrier. J'ai protégé ma sœur, de façon assez atroce compte tenu du nombre de fois où la lame s'est enfoncée dans son corps, un acte de folie passagère induit par la terreur pour ma jumelle, qu'ils ont dit. Et j'ai été puni pour ça, parce que tuer un homme reste un crime, même pour sauver quelqu'un d'autre. Pas une seconde je n'ai regretté de l'avoir fait, cet « échange ». Pas même lorsque je souffrais sous les traitements... particuliers... qu'on nous infligeait à l'asile. Parce que jamais je n'aurais pu souhaité qu'elle soit à ma place. J'aurais fait n'importe quoi pour la protéger. Et pour qu'elle n'ait pas ce sang sur ses mains, aussi. Si je pouvais revenir en arrière, je n'hésiterais pas une seconde, de sorte à être là plus tôt, et à lui éviter tout ça.

« Vanouchka ? »

Regardez-la. Regardez son sourire. Ca vaut bien toutes les tortures du monde.

« Marius t'accapare aujourd'hui ou je peux te monopoliser quelques heures ? »

On n'a pas du tout les mêmes affectations, bien évidemment. Et je sais qu'elle a ses secrets aussi, parce qu'elle n'est sans doute pas arrivée ici sans histoire. Mais je ne peux pas vraiment m'en plaindre, j'ai ainsi près de moi les personnes les plus importantes à mes yeux. Et aujourd'hui, particulièrement, c'est important que nous soyons ensemble, évidemment. Notre anniversaire n'arrive qu'une fois par an, après tout...

« Je te suis, sestrička... »