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 Eugene ... Boyne

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Nathanael Keynes
Nathanael Keynes
Nombre de messages : 607
Date d'inscription : 12/02/2014


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MessageSujet: Eugene ... Boyne   Eugene ... Boyne EmptyLun 29 Déc 2014 - 20:29



❝ Eugene "Gene" Boyne ❞
avec Kevin Zegers



carte d'identité.
nom › Boyne ∙ prénom(s) › Eugene ∙ date et lieu de naissance › Banlieue de Manchester, le 14 février 1984 ∙ âge › 30 ans ∙ nationalité(s) › Anglaise ∙ orientation sexuelle › Joker ? ∙ statut › Célibataire ∙ études/métiers › ici ∙ quartier › un des quatre ∙ groupe › un des quatre ∙ caractère › Farouche, indépendant, sensible, cache son manque de confiance en lui sous des airs arrogants, plus endurant et résistant qu'il n'y paraît, tant mentalement que physiquement


tics&manies.
questions.

se mordille facilement les lèvres, pour tout un tas de raisons connues de lui seul ∙ chante sous la douche - et uniquement ∙ est extrêmement pudique et évite toute situation où il pourrait devoir se trouver en tenue disons... légère ∙ refuse qu'on approche ses cheveux avec une paire de ciseaux et pourrait devenir violent, même s'il s'agissait d'une mauvaise blague...

si j'étais...
un prénom › N'importe lequel, juste, pas Eugene.
un animal › Un chat noir.
une saison › L'hiver.
un objet › Son blouson de cuir.
une chanson › Alone in Heaven ▬ Sonata Arctica.
une odeur › Celle d'un temps de neige.
un livre ›
un pays › La Finlande.
un film ›
un personnage fictif › Sherlock Holmes.
un sentiment › La mélancolie.
un des quatre éléments › Air.
une citation › .
Quand et de quelle façon êtes-vous arrivé à Longside Creek ?
La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici. La réponse ici.

Que pensez-vous de cette ville ?
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Où et comment vous voyez vous dans six ans ?
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La tempête vous a-t-elle touché personnellement ?
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hors rp.
prénom/pseudo › Eastern Cookie/ECK ∙ âge › mamie ∙ fille ou garçon › ben... mamie ∙ grâce au règlement, je sais que... › il ne faut pas me prendre pour une poire ∙ comment as-tu connu WAN ? › par ma soeurette ∙ autres comptes › nope ∙ tes premières impressions › je suis un peu perdue, mais ça va s'arranger... ∙ d'autres commentaires › vous voulez un cookie ?





Dernière édition par Aaron Greystoke le Lun 29 Déc 2014 - 21:49, édité 2 fois
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Nathanael Keynes
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MessageSujet: Re: Eugene ... Boyne   Eugene ... Boyne EmptyLun 29 Déc 2014 - 20:29


❝ une citation ❞



histoire.
Dans cette partie, il vous faudra rédiger l'histoire de votre personnage, sous la forme de votre choix. Cette histoire peut se présenter sous forme de RP, de journal intime, d'une série de flash-back, d'une histoire linéaire ... ou autre chose encore, vous avez carte blanche. Cependant il y a tout de même quelques règles à respecter, en effet dans votre histoire devront apparaitre :

    ● les évènements principaux de la vie de votre personnage ● la façon dont il est éventuellement arrivé à Longside Creek, et ce qu'il pense de cette ville ● les principaux traits de caractère de votre personnage ● une évocation, même brève, de ses liens principaux (si vous avez choisi un scénario)

Votre histoire devra faire un minimum de 40 lignes, afin que votre personnage a pu être développé de façon convenable pour que l'on puisse en savoir assez sur lui. La largeur du modèle de présentation n'étant pas immense, ces 60 lignes peuvent facilement être atteintes, même pour ceux pour qui la présentation n'est pas le moment le plus palpitant de l'inscription. Par ailleurs, un niveau convenable en orthographe est exigé dans cette partie, aussi n'hésitez pas à vous relire, et à passer votre texte dans Word ou bien sur le site bonpatron afin de laisser le moins de fautes possibles dans votre histoire.



- Regarde, Rosalie. Voilà ton petit frère, Eugène."
Elle n'avait que trois ans à l'époque, et pourtant, ce souvenir est aussi clair dans son esprit que si elle l'avait vu la veille avec ses yeux d'adulte. Déjà, elle a promis qu'elle prendrait soin de lui "pour toujours", ignorant que cette promesse, elle la tiendrait très longtemps.
Mais Rosalie a commencé à grandir, et son frère avec elle. Leur mère ne s'était jamais totalement remise du baby blues qui suivit la naissance, plongeant petit à petit dans la dépression, les médicaments, puis l'alcool qui était le meilleur remède du monde. Mais Rosalie, elle, adorait jouer à la petite maman. A la grande sœur protectrice. Son petit frère était son monde. Et trop régulièrement, elle devait s'interposer entre son frère et son père. Jamais elle ne comprit pourquoi leur paternel vouait une telle colère à son cadet. Le tenait-il pour responsable de la déchéance de leur mère ? Elle ne voulait pas y croire.
Cette injustice toucha profondément Rosalie ; elle était là pour son frère, mais ça ne l'empêchait pas d'être battu avant son intervention. Une colère sourde grondait en elle, un sentiment d'une noirceur qui lui faisait peur à elle, mais dont elle ne montrait jamais rien. Très rapidement, elle décida de devenir policière, pour arrêter leur père de manière plus définitive. Elle espérait aussi, sans doute, que ce métier lui apprendrait à gérer cette colère et cette irrépressible envie de violence qui lui nouait parfois les tripes. Cette envie de rendre coup pour coup à tous ceux qui s'en prenaient à elle ou à Eugène. Elle jalousait ses camarades dont les parents étaient aimants, ceux qui n'avaient qu'à se soucier de la tenue qu'ils allaient mettre le lendemain… Elle aspirait à ce genre de vie, il fallait l'avouer, mais chacun avait son échappatoire…


* * *


- Tu ne pivotes pas assez sur ta hanche. Tu es trop sèche ! Détend toi, Oz, sinon tu finiras par te faire mal !
Rosalie inspirait profondément, trop rapidement, et ses poings frappaient le sac d'entrainement de cette petite salle des bas fonds. Son sanctuaire. Là où elle venait chaque fois que la pression scolaire devenait trop écrasante. Là où elle venait pour se défouler. Celui qui la laissait venir frapper le sac de sable n'était pas un vrai prof de boxe, mais Clarence s'était pris d'une certaine amitié pour cette môme de treize ans si studieuse, mais tellement en colère. Cela ne faisait que la troisième fois qu'elle venait ici, et en général, les autres gars la laissaient se défouler dans son coin, là où elle ne gênait personne – là où personne ne s'occupait d'elle, à vrai dire. Rosalie frappait, y mettait toute cette haine qui grondait en elle, et une fois qu'elle était fatiguée et vidée, elle reprenait ses affaires et rentrait chez elle. Elle défendait Eugène, lui souriait, le rassurait, le soignait, et travaillait dur. Ce petit moment défouloir n'avait lieu qu'une fois par semaine, mais elle se rendait bien compte que c'était déjà trop.
La quatrième fois qu'elle vint, le responsable de ce squat vint la trouver avant qu'elle ne martyrise le sac.
- Hey, gamine. Raconte-moi ce qui te met tellement en colère.
- Je suis pas là pour parler, mais pour frapper là-dedans.
Clarence n'ajouta rien, et la laissa. La fois suivante, il tenta une nouvelle approche, en vain. Et celle d'encore après. Jusqu'au jour où elle eut quatorze ans, et que personne ne pensa à son anniversaire – ni sa famille, ni ses amis. Un coup dur… Tout le monde préférait être obnubilé par la chute de sa mère ; plus de peur que de mal, mais du coup, on préférait s'occuper d'elle plutôt que de la petite Rosalie.
- Allez, Oz. Raconte-moi, aujourd'hui.
Et avant même qu'elle ne puisse prendre conscience de quoi que ce soit, tout sortit. Rosalie frappa le sac. Parla de son frère battu. Frappa. Parla de son rêve de rendre à son père chaque coup. Frappa. Hurla sa frustration de n'être personne, d'être si nulle. Frappa. Pleura de ne plus savoir quoi faire de cette vie. Frappa. Rêva de tout quitter. Frappa. Pleura. Hoqueta. Tomba. Et pour la première fois, quelqu'un fut là pour elle, pour la prendre dans des bras réconfortants, la bercer, et la rassurer sur son avenir. Et Rosalie toléra ce contact si inédit, accepta de montrer ses larmes et d'inonder le maillot sale de Clarence. Elle pleura et manqua de s'endormir d'épuisement, se sentant soudain comme une coquille vide. Clarence se contenta de la bercer ; s'il n'avait pas l'habitude de gérer ce genre de crise, il se montra d'une bonté et d'une patience qui lui valurent quelques railleries, plus tard, des habitués qui étaient présents.
Mais pour Rosalie, ce fut le début d'une amitié précieuse.
Les notes de l'adolescente continuaient à être excellentes, et elle ne venait plus que deux fois par mois dans ce petit squat pour y apprendre quelques rudiments de boxe. Ce n'était sans doute par le sport tel qu'on l'enseignait, mais au moins, elle avait quelque chose qui n'appartenait qu'à elle, et qui lui permettait de se détendre bien plus qu'avec un livre. Mais la vie, chez elle, ne changeait pas…
Ce fut le destin qui décida de pimenter tout cela.

* * *


Depuis qu'elle fréquentait le squat où elle pouvait boxer, Rosalie semblait plus détendue, plus libre. Son entourage pouvait ressentir cette nouvelle sérénité qui semblait l'entourer d'un halo contagieux. Elle parvenait à conjuguer tout ce qui faisait sa vie tourmentée. Ses amis l'appréciaient pour le soutien qu'elle leur apportait, tant au niveau moral que scolaire ; Eugène, elle l'espérait, l'appréciait pour sa présence, et parfois sa prévenance ; au squat, on aimait ce petit bout de demoiselle au caractère bien trempé, et toujours avide d'apprendre à faire mieux. Finalement, il n'y avait qu'une personne qui ne l'aimerait pour rien au monde : elle-même.
Après tout, ses parents avaient fait de sacrés ravages. Quand Rosalie débarrassait les bouteilles vides pour les remplacer par des pleines, ou pour nettoyer le vomi qui maculait ses vêtements ou qui manquait de l'étouffer, sa mère prenait consciencieusement le temps de lui rappeler qu'elle n'était rien. Qu'elle ne serait jamais personne. Qu'elle pouvait aller crever en Enfer que ça lui serait bien égal. Rosalie tentait de combattre cette fatalité trop ancrée en elle en se rendant utile auprès des autres. Et elle aurait tant aimé se vanter d'y parvenir ! Son petit frère était sa seule fierté : elle avait besoin de lui que lui d'elle, et cela suffisait à la maintenir sur le droit chemin.
Mais Oz n'était rien, rien qu'une ombre qu'on ne voyait que lorsqu'on cherchait à la voir. Et ce funeste jour, on ne la vit pas. On ne la chercha pas. Elle qui venait au squat après que sa mère lui ai jeté toutes ses bouteilles à la figure, après que son père ait déchiré ce superbe t-shirt à peine rapiécé que Lola lui avait donné de bon cœur, elle qui voulait juste se sentir entourée de gens qui ne demandaient jamais rien en retour, qui ne la jugeaient pas. Les flics ne la virent pas, alors qu'elle se dirigeait vers la salle. Ils l'ignorèrent quand ils entrèrent de force, et ne se soucièrent absolument pas de ce témoin oculaire. Rosalie s'était arrêtée, cachée derrière un fourgon blindé de police, pour voir tous ces monstres frapper, et parfois même tirer sur ses amis. Ceux qui étaient transportables, dans un état misérable, furent jetés comme des moins que rien dans les fourgons, les autres laissés sur place sous la surveillance d'un unique flic dont le muscle du bras était plus gros que la tête de Rosalie. Choquée, elle croisa le regard maintenant borgne de Clarence, lorsqu'il fut embarqué, et elle comprit et appliqua rapidement le "fuis !" qu'il articula silencieusement.
Elle n'entendit plus jamais parler de lui, ni d'aucun de ses camarades de boxe. Le journal relata dans les faits divers qu'un gang avait provoqué la police pour une histoire de drogue, et qu'ils avaient été appréhendés et arrêtés, puis emprisonnés. Deux jours durant, la haine de la jeune fille se concentra comme une boule dure dans son estomac ; personne ne put l'approcher ni l'atteindre, pas même son père qui, pour la première fois, avait voulu lever la main sur elle.
Ses belles illusions venaient d'être brisées : ainsi, même les flics pouvaient être pourris. Grand Dieu, comme elle pouvait les haïr ! Ces gens n'avaient rien fait de mal, à personne, alors pourquoi eux ? C'était d'une telle injustice !! Les livres et les journaux devinrent son défouloir, ses études devinrent la cible de sa haine ; ses devoirs étaient toujours aussi bons, mais sa plume vengeresse. Des semaines à ce régime ne purent pas passer inaperçues. C'est son professeur d'histoire qui la prit à part, une fois ; à une question toute simple à laquelle il attendait, au mieux, trois lignes de réponse, Rosalie avait rédigé quatre pages, où elle jugeait et punissait l'injustice subie par tel personnage historique. Et d'ailleurs, son sermon commença ainsi :
- Vous ne pouvez pas ainsi juger, avec les lois de notre époque, ce qui s'est passé il y a plusieurs dizaines d'années.
Vous ne pouvez pas juger… Oh, elle avait l'habitude qu'on lui dise ce qu'elle n'était pas. Mais pourtant, cela provoqua un déclic chez elle. Les yeux brillants, un fin sourire étira ses lèvres, et elle écouta religieusement le reste du discours de son professeur, y réagissant parfois, et ce fut une joute verbale si intéressante qu'elle en rata son cours suivant, sans s'en soucier. Pour la première fois depuis la disparition de Clarence et de toute sa bande, elle voyait une lumière dans les ténèbres. Elle serait juge. Bien entendu, il y avait de la corruption aussi dans le milieu du droit… Mais en tant que juge, elle serait celle qui aurait le dernier mot.

* * *


Le lycée. Une période très difficile pour Rosalie, même si elle n'en montrait jamais rien – à qui aurait-elle pu se confier ? Ici, ses vêtements trop pauvres ne passaient pas inaperçus, ni ses cahiers qui dataient de l'année précédente, afin de ne pas gaspiller la moindre feuille. Point de lecteur MP3 dans ses oreilles, mais un vieux walkman à cassettes qu'elle chérissait plus que tout – mais d'un côté, elle adorait sa vieillerie, et toute l'histoire qu'elle représentait. Rosalie essayait de faire comme si elle s'en fichait, trouvant régulièrement du soutien auprès de son professeur de droit, M. Grogan.
C'était un jeune homme diplômé depuis moins de cinq ans, mais qui parfois quittait son grand cabinet de New York, pour honorer le lycée qui l'avait diplômé de quelques cours – une classe, une fois par semaine, avec pas mal de distanciel. Durant quatre ans, Rosalie but chacune de ses paroles, se nourrit de ses sourires et des attentions particulières qu'il avait pour elle, et seulement elle, s'enivra de leurs nombreux échanges par email. Du moins le voyait-elle ainsi. Pendant quatre ans, elle entretint pour son professeur de sept ans son aîné un amour à sens unique si dévorant qu'elle refusa toutes les autres avances qu'on pouvait lui faire. Il était procureur, beau comme un dieu à ses yeux, extrêmement doué, et avec une façon de parler unique. Il suffisait de peu de choses pour qu'il parvienne à convaincre son auditoire. Il était dangereux, et Rosalie le savait sans que sa petite voix intérieure ne le lui souffle. Mais elle l'aimait et en plus, ils risquaient de travailler dans la même branche, peut-être même de se confronter l'un à l'autre ? Pour un peu, elle changerait d'avis pour être avocate, juste pour se trouver contre lui.
Aussi, quand il lui proposa un stage dans son cabinet si elle validait son diplôme, Rosalie ne put que se donner un peu plus à fond dans ses études, intervenant souvent trop tard dans les accrochages entre Eugène et leur père, à son grand désarroi. Bientôt, tout ceci serait terminé. Si elle validait son année, elle partirait à New York, et là-bas, elle et Eugène pourraient commencer une nouvelle vie. Et alors, ils deviendraient quelqu'un. Et elle serait près de l'homme avec qui elle espérait faire sa vie – après tout, il n'était "que" fiancé, pas encore marié, il pouvait changer d'avis, non ? Elle avait tout pour elle, et ils semblaient avoir un bon feeling, ensemble… S'il n'avait pas un léger béguin pour elle, pourquoi lui aurait-il demandé à elle, et pas à Lesly qui était la tête de la classe, si elle voulait ce poste dans son prestigieux cabinet ? Pourquoi l'aurait-il invitée à danser un slow lors de la soirée qui fêtait les résultats fraîchement annoncés ? Et puis, son ton, lorsqu'il lui avait reposé la question, lors de cette fameuse danse, était sans équivoque, et rappelait trop une demande en mariage :
- Veux-tu me suivre à New York et travailler dans l'un des plus prestigieux cabinets de procureurs ?
Sa voix avait tremblé, quand elle avait réussi à prendre la parole :
- Oui… Oh oui !
Et avant même d'y avoir réfléchi, Rosalie s'était dressée sur la pointe des pieds pour l'embrasser tendrement sur les lèvres. La prise d'Hayden, sur ses hanches, s'était légèrement raffermie, sous la surprise, et la jeune femme se rendit compte de sa bourde, et sépara leurs visages, rouge comme une pivoine, avant de s'enfuir et de quitter la soirée, rentrant à pieds.
Le vrombissement d'une voiture de luxe retentit derrière elle tandis qu'elle accélérait le pas, et Hayden l'interpela. Son sourire était charmant, les jambes de Rosalie flageolaient bien malgré elle. Il lui proposa de la raccompagner, afin qu'il ne lui arrive rien – ce qu'elle accepta avec gratitude. Il y eut un silence pesant dans la voiture, jusqu'à ce qu'ils arrivent devant la misérable bicoque où elle vivait. Hayden lui caressa la joue du revers de la main, et lui sourit.
- Je pars demain matin pour New York. Je sais que tu as décroché une bourse d'étude, mais entre nous, ce ne sera pas suffisant pour vivre là-bas… Et visiblement, tes parents ne t'aideront pas à payer ton billet d'avion.
Rosalie rougit brusquement, honteuse. Ah, voilà un détail auquel elle n'avait pas pensé ! Allait-elle finir sa vie comme serveuse dans ce fast-food miteux ? Ses yeux menacèrent de laisser couler quelques larmes, et Hayden l'obligea à relever le menton :
- Je ne t'imaginais pas si émotive. Ce n'est pas bon pour ton futur job, tu sais ? Contrôle-toi un peu plus. Je te paierai l'avion, et ton appartement. Je ne peux pas laisser un tel talent être gâché. Et puis, j'ai cru comprendre que tu ne serais pas contre ma compagnie, en dehors des heures de travail…
Elle rougit à nouveau, pâlit, rougit. Mais ne baisse pas le regard, cette fois. A son tour, il l'embrassa du bout des lèvres.
- Je t'enverrai un taxi ici, à 6h30. Ne préviens pas tes parents, tu ne leur manqueras sans doute pas.
Rosalie eut alors un hoquet, et elle regarda son amant dans les yeux :
- Eugène ! Mon frère… Je ne peux le laisser ici…
- Tu viendras seule, Rosalie.
Son ton était sans équivoque. L'effroi se lisait dans les yeux de la jeune fille, paniquée. Une partie de ses projets s'envolait.
- Je ne peux pas l'abandonner. S'il vous plaît… Il est bosseur, il se fera tout petit et discret.
- A toi de voir. Mais il n'y aura qu'une seule place dans ce taxi et dans mon avion. Si tu n'es pas à l'aéroport à 8h, je saurai quel choix tu as fait. Mais comprends bien que ce serait dommage de rater ta vie, de ne pas saisir l'opportunité que je t'offre.
Il l'embrassa une dernière fois avant qu'elle ne descende de la voiture. Elle rentra chez elle, ne reçut nulle félicitation de la part de ses parents – qui devaient sans doute ignorer ce qui s'était passé aujourd'hui. Seul Eugène fut là. Comme toujours.
Rosalie ne dormit pas de la nuit. Elle ne pouvait pas abandonner son frère. Mais elle le devait. C'était impossible. Mais une telle occasion ne se représenterait jamais… Pour une fois, elle pouvait penser à elle, et seulement à elle. On lui offrait la chance de devenir quelqu'un, de briller enfin. Mais il était impensable de laisser Eugène ici. Elle compta toutes les économies qu'elle conservait dans une vieille boîte à chaussures, mais il n'y aurait jamais assez pour un aller simple pour New York. Et puis, une pensée la traversa : et si son cadet refusait de la suivre là-bas ? Cette pensée l'obséda une bonne heure… Elle n'était pas sa mère, elle était sa sœur, et ce n'était pas à elle de décider du chemin qu'il devait prendre. Rosalie, honteuse, chercha à enfermer la petite voix intérieure qui lui assénait qu'elle se cherchait une excuse pour partir. Cinq heures du matin, n'y tenant plus, la jeune fille se mit à son bureau et commença une lettre. La jeta. Recommença. La jeta, et la recommença. Encore, et encore, sans jamais parvenir à un résultat qui trahisse combien tout cela lui était douloureux mais nécessaire. Finalement, elle fit une dernière lettre, sans doute trop froide, trop distante… Elle y avait enlevé toutes les promesses qu'elle voulait lui faire, mais qu'elle n'était pas sure de pouvoir tenir… Mais elle reviendrait pour lui ; elle ne l'avait pas dit dans sa lettre, mais elle le sauverait, elle ferait tout pour. 6h30, elle boucle sa valise en silence, prise parfois de nausée tant elle se sentait coupable pour son frère. Mais elle ne pouvait plus faire marche arrière… Elle laissa la lettre sur le lit d'Eugène, endormi – elle ne serait pas là, au matin, pour le bercer après ses cauchemars, ni pour lire la tristesse et la colère quand il lirait sa lettre… Mais elle refusa de faire marche arrière. Même si elle ne put s'empêcher de pleurer silencieusement durant tout le trajet en taxi.

* * *


Hayden ne lui avait pas dit que le voyage se ferait dans son jet privé. La surprise fut agréable, le voyage confortable… Ils discutèrent beaucoup, et les moments qu'il consacrait à ses affaires dans son coin, elle les passait à réviser ses cours pour se préparer à la rentrée scolaire.
Lors d'une de leurs conversations, Hayden lui assura une place dans une université prestigieuse, au rythme soutenu : elle pouvait être juge en quatre, cinq ans, si elle le souhaitait.
- Quatre ans ?
Elle avait pâlit. Hayden ne semblait pas comprendre pourquoi et l'interrogeait du regard.
- C'est que… Vous pouvez me prendre en stage tant de temps ? Sans parler… de…
- Tu n'as pas à t'en faire. Je crois que tu n'imagines pas complètement dans quel monde tu vas atterrir, Rosalie. Et j'ai largement les moyens de t'entretenir, ne t'inquiète pas.
Ca aussi, ça lui faisait peur. Elle ne voulait pas vivre à ses crochets. Elle avait peur qu'il ne lui en demande trop. Elle l'aimait, c'était vrai, mais que se passerait-il le jour où il se lasserait d'elle ? Ou le jour où sa future femme découvrirait qu'il a une maîtresse ? Car c'est ce qu'elle allait être, n'est-ce pas ? Hayden chassa toutes ses sombres pensées d'un baiser chaste, d'un second qui le fut un peu moins… Et malgré sa gêne et ses états d'âme, Rosalie ne pouvait nier son désir pour lui… Les onze heures de vol passèrent finalement très rapidement, et Hayden lui paya une chambre d'hôtel pour les deux nuits à venir, en attendant de lui trouver un appartement.
Comment décrire ce qui se passa quand Rosalie vit l'appartement que son ex professeur mit à sa disposition ? C'était simple : la pièce la plus petite – les WC individuels – était plus grande que la chambre qu'elle avait chez ses parents. Il y avait un salon, une chambre à coucher avec dressing, un bureau plein sud, une cuisine aménagée, une salle de bain immense. A peine eut-elle posée son sac misérable sur une chaise qu'elle craignait de salir que Hayden la conduisit faire du shopping. Dans un sourire, il la taquina :
- Pas question que tu apparaisses en haillons dans mon cabinet. Tu te dois d'être impeccable. Considère que ce sera prélevé sur ton salaire des deux premiers mois, si ça peut te permettre de ne pas être gênée…
C'était tellement tentant… Rosalie choisit deux tailleurs qui lui allaient comme un gant, et mettait sa silhouette en valeur comme jamais – Hayden en rajouta une douzaine. Après cela, il l'amena dans un autre magasin, pour ses vêtements de détente. Là encore, elle ne prit que deux tenues, mais il la poussa à en prendre davantage. "Imagine que tu peux prendre tout ce qui te plaît…" Il ne fallut pas le lui répéter trois fois : dès qu'elle abandonna tous ses principes, elle n'hésita presque plus. Elle se découvrit une passion aussi nouvelle que dévorante pour les chapeaux, bonnets et autres casquettes. Cette première journée, elle se constitua une collection d'une quinzaine de couvre chefs différents, avant que Hayden ne l'amène chez une esthéticienne afin de se faire pomponner et maquiller, et de repartir avec une mallette qui lui permettrait de faire la même chose chez elle. Quand Rosalie se regarda dans le miroir, elle était une personne méconnaissable.
- Et c'est ainsi que tu devras te présenter au cabinet, dès demain. Tu entres dans un monde qui se base beaucoup sur les apparences : un procureur, ou un juge, ne sera jamais pris au sérieux en débardeur – jean. Je te présenterai Jo, mon assistante ; elle viendra t'apprendre comment te tenir, comment te comporter, et peut-être même te donner quelques cours de diction.
Cette dernière remarque, elle la prit excessivement mal : quoi, elle parlait mal ? Il lui parla de beaucoup de choses, diverses et variées, dans le taxi qui les ramenait chez elle. Elle retint avec une facilité déconcertante les deux digicodes différents, identifia les trois clefs nécessaires à l'ouverture de la porte de l'appartement et celle pour l'ascenseur, et redécouvrit cet espace si grand qu'elle en avait le vertige. Hayden l'aida à s'installer, attentif à ses envies, même si Rosalie ne savait pas trop comment combler tous ces placards. Il se montra cependant patient, et prévenant, s'amusant de ses maladresses, de sa gêne. Il commanda de la nourriture pour eux deux, et tandis qu'ils attendaient leur repas, firent l'amour passionnément sur le lit aux draps frais. Durant le repas, Hayden lui parla de choses plus terre à terre ; le compte bancaire qu'elle devrait ouvrir dès le lendemain, les papiers dont elle aurait besoin pour son inscription à la faculté, les fournitures scolaires, etc… Beaucoup de choses dont elle avait du s'occuper chez elle, mais Hayden crut bon de préciser – et grand bien lui en fit ! – qu'il lui fallait des affaires neuves, pas de la récupération qui la ferait passer pour une pauvre – qui ferait tâche autant à la fac que dans son cabinet.
Rosalie, qui avait du économiser toute sa vie sur tout, pourrait se livrer à tous les excès dont elle n'avait jamais osé rêver. Quand Hayden partit, elle ne put cependant se résoudre à jeter les restes du repas du soir, les gardant pour le lendemain ; elle pouvait bien faire encore ses deux repas avec… Mais maintenant qu'elle était seule, plus obnubilée par l'homme qu'elle aimait, elle se mit à réfléchir, et la première chose qu'elle fit fut de se diriger vers le téléphone ; elle composa les premiers chiffres du numéro de chez ses parents, mais ne put se résoudre à le terminer, honteuse. Ses parents se ficheraient pas mal qu'elle ait fuguée – mais Eugène, comment réagirait-il ? Il serait sans doute en colère, sans nul doute. Alors, à la lumière de la petite lampe de son immense bureau, elle prit une feuille neuve, un stylo à plume, et commença une longue lettre par ces mots : "Mon très cher Eugène". Elle y expliqua tout, jusque dans les moindres détails : le pourquoi de son départ, le pourquoi de son abandon qui lui brisait le coeur. Elle s'excusa un nombre incalculable de fois, et tâcha même quelques mots de ses larmes. Puis, sans se relire, après avoir vidé son cœur sur ces feuilles, elle les cacheta dans une enveloppe, inscrivit l'adresse au recto, et hésita avant de mettre la sienne à l'arrière, avec la date, prise d'une impulsion.
Elle n'enverra jamais cette lettre. Ni toutes les suivantes qu'elle écrivit. D'ailleurs, avec le temps, elle finit par abandonner les lettres pour écrire une sorte de journal intime, pour son frère. Peut-être qu'un jour, elle les lui donnerait. Peut-être. Peut-être pas…

* * *


L'entrée à la faculté ne fut pas évidente. Son inscription fut rapide – et elle étonna même les gens qui s'occupèrent de son dossier tant elle s'était montrée méticuleuse et ordonnée, et elle profita des quelques jours de vacances pour découvrir New York, ses boutiques, sa population. L'accent américain faisait très régulièrement sourire l'anglaise, se moquant parfois intérieurement de certains d'entre eux. Hayden reviendra la voir une fois, avec un ordinateur portable flambant neuf. Rosalie n'ose comprendre ou expliquer – et encore moins croire - la chance qu'elle a. Elle appréhende cette bestiole si nouvelle pour elle, se l'approprie, se renseigne. Très rapidement, la voilà passionnée par la sécurité de ses données, la façon de protéger son ordinateur et toute intrusion. Elle qui déteste l'injustice télécharge illégalement, pour la première fois – mais pas la dernière – tout ce qu'elle ne connait pas. Hayden lui a bien dit que tout se jouait sur les apparences ? Que se passerait-il si elle avouait ne jamais avoir vu les derniers films à la mode ? Écouté les artistes si tendance ? En quatre jours, elle s'abreuve de toute cette culture, l'apprécie plus ou moins, se forge une personnalité, un caractère… Et nom de Dieu, comme elle se sent vivante !
C'est après que cela commença à se gâter. Elle ne connaissait personne, ne savait pas comment s'intégrer aux différents groupes déjà formés. Il lui fallut plusieurs jours, et ce premier cours qui devait les préparer à la rédaction de tous les supports de présentation de leur stage d'étude, pour que tout le monde commence à voleter autour d'elle. En particulier cette fille, l'archétype même de la pompomgirl méprisable, qui vint la voir en couinant :
- Tu as décroché un stage chez Grogan & Mc Kellen ? Mais comment est-ce possible ? Mon père, qui est à la tête d'une banque nationale, n'a jamais réussi à m'y faire entrer. En plus, toi qui veux être juge, qu'est-ce que tu fiches dans un cabinet de procureurs, c'est ridicule.
Rosalie aurait voulu disparaitre, baisser le regard face à cette fille trop intimidante. Elle fit cependant une énorme erreur. Le menton fièrement relevé, elle haussa une épaule :
- Peut-être qu'ils jugent les capacités et la vitesse d'apprentissage plutôt que le portefeuille de papa-maman pour prendre leurs stagiaires.
Dès ce moment, ce fut foutu : Lindsay détesta Rosalie de toute son âme, et tenta de lui pourrir la vie autant que possible. Mais ce qu'elle ignorait, c'est que la jeune fille avait l'habitude de ce genre d'injustices, et qu'il en faudrait davantage que l'imagination puérile et stérile d'une gosse de riche pour réellement la toucher. La situation, au mieux, était gênante ; au pire, elle envoyait Lindsay sur les roses pour qu'elle lui fiche la paix pendant quelques jours. Le plus marrant dans tout cela, fut que sa rivale cherchait tellement à la pourrir qu'au bout de quatre mois de cours, elle manqua d'être envoyée, par son père, dans une autre école. Dès cet instant, Lindsay cessa de harceler Rosalie pour se consacrer à ses études et son job.
Et aucun des deux n'étaient évident. Rosalie travaillait comme une dingue pour tenter de tout concilier ; des heures soit dans son bureau, soit à la bibliothèque – elle n'arrivait toujours pas à se résoudre à acheter ses propres livres, trop chers – pour approfondir tous les sujets qu'ils voyaient en cours et ne pas être larguée ; des heures au bureau chez Grogan & Mc Kellen, où elle avait des tâches très diverses et variées. Et puis, sa vie amoureuse, à laquelle elle aurait aimé consacrer davantage de temps. Hélas, Hayden passait de plus en plus de temps avec sa fiancée, à planifier leur mariage, leur lune de miel. Rosalie ne savait pas si elle devait être jalouse de cette femme. Après tout, son amant lui offrait bien plus d'attention qu'elle n'en avait jamais eue, et cela lui suffisait. Au fond, elle en voulait peut-être plus. Mais ça, c'est quelqu'un d'autre qui le lui apporta.

* * *


Elle s'appelait Emily. Et pour une fois, ce n'est pas un homme, mais une femme qui entrera dans sa vie pour y semer la zizanie. Elles se rencontrèrent alors que Rosalie rentrait d'une journée particulièrement difficile, et que celle qui se révéla être sa voisine venait d'être lâchement abandonnée par son sac en papier rempli de courses. Dans un élan des plus naturels, elle lui vint en aide, dégainant de son sac à main un sac en tissu soigneusement plié, mais suffisamment volumineux pour qu'elle puisse porter ses commissions. Elles firent ainsi connaissance toutes les deux, autour d'un café chez Emily.
Il y avait quelque chose d'irrésistible chez cette rouquine, qui fit battre le cœur de Rosalie. Une envie irrépressible de la protéger, d'être là pour elle, comme elle l'avait été pour son frère. Ce soir-là, elles n'échangèrent que des banalités, s'exclamèrent plusieurs fois quand elles se trouvaient des points communs – elles fréquentaient deux écoles séparées par deux rues, aimaient manger chinois… Rosalie regagna son appartement, en face, flottant sur un petit nuage : elle en avait l'intime conviction, elle venait de se faire une amie précieuse et fidèle, comme elle en avait rarement eues. Elle ignorait si elle devait s'y accrocher, ou au contraire, s'en méfier comme de la peste. Mais les premiers examens du semestre approchants, elle ne se posa pas trop la question et se focalisa sur ses révisions. Elle ne quittait son bureau que pour se laver, aller chercher le repas ou une nouvelle bouteille d'eau dans son frigo, et sa pause se résumait à écrire à son frère, tard le soir.
La vie continua son cours ; Rosalie valida tous ses modules de premier semestre haut la main, faisait du bon boulot au travail, se rapprochait de plus en plus d'Emily, qui devint très rapidement sa meilleure amie, et sa relation avec Hayden était au beau fixe, malgré la date du mariage qui s'approchait de plus en plus. Cela pouvait choquer les gens, mais Oz préférait ne jamais penser à cette femme, qui serait sans doute malheureuse d'apprendre cela. Elle ne voulait pas que la future Mme Grogan la voie comme un parasite à écraser à tout prix : Rosalie aimait Hayden, mais acceptait de ne pas être la seule femme à le rendre heureux ; il la couvrait de cadeaux, et elle serait bien bête de refuser, n'est-ce pas ? Elle menait un train de vie tellement fou qu'elle en aurait été offusquée, à l'époque de Manchester. Aujourd'hui, ce n'était rien que du très banal pour elle, même si elle gardait toujours une certaines réserve quant à ses dépenses. Elle passa une semaine de vacances en Floride avec Emily après les examens de fin de première année, puis retour au bureau. Il fallait bien qu'elle gagne sa pitance ! Bien qu'elle ne soit que stagiaire, et régulièrement reléguée au travail de secrétariat, elle y apprenait beaucoup. Cet été-là, elle put suivre une des procureures sur toute la durée de l'affaire – une affaire qui mit Rosalie profondément mal à l'aise. Licenciement abusif d'une employée suite à sa grossesse. Et elle devait voir, comprendre, comment on pouvait défendre un tel patron malgré l'injustice de la situation.
Elle en vit, des choses, durant cette affaire : un patron envahissant, violant plus que de raison a vie privée de ses employés par tous les moyens possibles ; des employés modèles étouffés, qui faisaient de leur mieux et étaient malgré tout critiqués en permanence. Pour Rosalie, cela ne faisait aucun doute : le patron que son cabinet défendait était en tort, et devait le payer. Mais le cabinet Grogan & Mc Kellen gagna sans le moindre effort, à sa grande consternation. Sa surprise ne passa pas inaperçue aux yeux de son mentor provisoire, et Katherine prit le temps de lui expliquer des tas de détails : la façon de se tenir, l'importance du ton, des mots, des détails. Trouver le point faible et l'exploiter. Ne surtout pas chercher à trop attendrir le jury, et encore moins le juge : "trop de mièvrerie finit par agacer tout le monde et attirer le ressentiment" – elle avait levé son verre de vin sur ces mots, visiblement fière d'elle. Rosalie regarda le fond de son cocktail sans alcool, et fronça les sourcils :
- Mais… Tu n'as aucun scrupule ? Aucun remord pour cette employée qui voulait juste fonder une famille ?
Un concept étranger à Rosalie, quelque chose qu'elle n'imaginait pas… Mais ça sentait tellement l'injustice, cette histoire, qu'elle avait du mal à digérer ces dernières semaines. Katherine la regarda, un brin surprise :
- Du remord ? Tout dépend du point de vu. Pour cette femme, évidemment que c'est injuste. Elle aurait voulu son bébé, et être payée comme si elle bossait. Mais pour son patron, n'est-ce pas injuste ? De payer une employée qui n'est pas là, et qui ne reviendra pas pendant plusieurs mois ? Cela implique l'embauche de quelqu'un à former, qui refusera de laisser le poste au retour de la nouvelle maman – sans parler de tous les problèmes que ce genre de femme rapporte. (elle prit une voix geignarde) "Mais la nounou part à 17h, je ne peux pas faire d'heures supp ! Mon bébé est malade, je dois partir !" Tu vois le genre ? Il est toujours possible de s'arranger avec ses supérieurs pour concilier vie pro et vie de famille : cette bonne femme a voulu faire un coup dans le dos de son patron et récolter le beurre et l'argent du beurre. Ça ne marche pas comme ça.
Elle finit son verre de vin d'une gorgée, et en commanda un autre. Rosalie ne savait pas si elle devait accepter ou réfuter ce qu'elle venait d'entendre, effarée.
- Attention… Je lis sur ton visage comme dans un livre ouvert…
Rosalie sursauta, et leva les yeux vers la jeune femme, l'interrogea du regard :
- Et ?
- Et tu veux être juge. Tu dois être neutre. Écouter les deux parties. Ne pas te laisser envouter par les beaux mots de l'un ou l'autre avocat. Tu dois être convaincue au moment de rendre ton verdict qu'il est le bon. Le boulot de l'avocat et du procureur, c'est de te faire pencher de notre côté. Tu ne dois pas avoir de cas de conscience. Enfin, tu es encore jeune, et débutante… C'est normal que tu rêves d'un monde aussi beau que dans un roman à l'eau de rose.
- Je n'ai jamais lu de romans à l'eau de rose… Mais quand même… Tu as peut-être raison. L'injustice est des deux côtés, selon le point de vue. Mais cette femme, comment vas-t-elle nourrir et élever son enfant, sans ce travail ?
- Elle se débrouillera. C'est ce que font toutes les mamans pour leurs rejetons.
Rosalie essaya d'imaginer ce qu'aurait été sa vie si sa mère avait pu être comme ça… Mais n'y parvint pas. Cette histoire fut la première d'une longue série. Petit à petit, elle se retrouva à rédiger des plaidoyers, des rapports de procès, avec toujours quelqu'un par-dessus son épaule pour vérifier son travail, et prendre le temps de le corriger avec elle. Sa seconde année d'études commença, et elle parvint avec difficulté à tout gérer en même temps. Hélas, au mois de novembre, trop de choses lui tombèrent dessus en même temps : trois grosses affaires qu'elle devait suivre de loin au cabinet, une quatrième sur laquelle elle travaillait à temps presque plein avec Keir Mc Kellen – et l'homme, âgé d'une cinquantaine d'années, lui foutait une frousse de tous les diables – et les examens qui se profilaient à l'horizon. Arriva ce qui devait arriver, elle tomba malade. Pourtant, malgré la fièvre, les courbatures, les nausées, les vertiges, jamais Rosalie n'abandonna. Jusqu'au jour où ses crampes d'estomac furent tellement fortes qu'elle décida d'aller consulter aux urgences. Signe du destin ? Il n'y avait pas grand monde, et on la prit rapidement en charge. Après quelques examens d'usage, une infirmière l'amena pour faire une échographie, et le verdict fut sans appel ; sourire radieux, elle tourna l'écran vers Rosalie qui pâlit en manqua de tomber dans les pommes. Elle s'était attendue à n'importe quoi – une tumeur, un cancer, n'importe quoi ! – mais à la place, elle vit, horrifiée, l'image de deux fœtus que le moniteur lui renvoyait. Alors le sourire de l'infirmière s'estompa, petit à petit.
- Ce n'est pas une bonne nouvelle… ?
- Retirez-moi ça tout de suite de là.
- Ce n'est… pas une décision à prendre sur un coup de tête.
- Croyez-moi : elle est mûrement réfléchie depuis longtemps. Retirez-moi ces… choses !
L'infirmière se leva, maugréant dans sa barbe des choses qui auraient pu lui valoir un procès. Rosalie se fichait pas mal de passer pour un monstre insensible, ou pour la femme superficielle qui veut conserver sa ligne. Prostrée sur la table d'examen, la tête entre les mains et le cœur battant à une vitesse folle, elle était maintenant prise de nausées à cette idée d'être enceinte. Comment ça avait pu arriver ? Enfin non, pas ce "comment" là, elle savait comment faire les bébés… Mais pourquoi ? Ils se protégeaient. Ça n'aurait jamais du arriver ! Elle prit son téléphone et téléphona au cabinet pour demander sa journée parce qu'elle n'allait vraiment pas bien et qu'elle avait besoin de repos selon le médecin. La secrétaire nota et lui souhaita bon rétablissement avant de prendre froidement l'appel suivant. Au moins, Rosalie avait sa conscience tranquille à ce niveau là.
L'infirmière revint avec un verre d'eau, un gobelet de cachets, et lui indiqua une chambre seule. Un médecin l'y attendait, et il lui fit un long sermon, sur l'importance de la vie, sur le fait qu'avorter était condamnable – "mais je ne vous juge pas" – et que ça ne serait pas sans conséquence sur ses grossesses suivantes. C'est en le regardant droit dans les yeux, sans hésiter une seconde, que Rosalie but les médicaments. Elle lut le dédain dans le regard de l'homme, mais peu lui importait : elle ne pouvait ni ne voulait d'enfants. Surtout pas de Hayden. Ils étaient amants, et il n'était pas question qu'elle fasse de la concurrence à son épouse – épouse qui elle, peinait visiblement à être engrossée…
Rosalie souffrit le martyr, tandis que les spasmes dans tout son être étaient douloureux. Trois longues heures à ce régime, avant que les fœtus ne quittent son corps. Elle ne tira même pas la chasse d'eau, prenant ses affaires pour rentrer chez elle en taxi, le plus vite possible. Etrangement, la première chose qu'elle fit ne fut pas d'appeler Hayden, ni même d'aller trouver refuge chez Emily ; la première chose qu'elle fit fut de se faire couler un bain brulant, de déposer sur un plateau le Caramel Macchiato qu'elle avait pris au Starbucks avec un donut, et tandis que l'eau coulait, elle prit un crayon, ouvrit son journal intime, et écrivit :
Mon très cher Eugène,
Aujourd'hui, j'ai avorté.
Et elle se retrouva incapable d'écrire davantage. Non pas parce qu'elle était horrifiée, ou qu'elle regrettait sa décision. Mais que pouvait-elle écrire de plus ? Tout son corps lui faisait encore un mal de chien, aussi laissa-t-elle le journal sur son bureau ; peut-être trouverait-elle, plus tard, quoi y ajouter. Parler de la vie qu'auraient eue les jumeaux ? Quelle drôle d'idée. Dire qu'elle regrettait ? Pas du tout. Justifier son acte ? Hey, son frère et elle avaient eus la même vie ; il était sans doute le plus à même de comprendre pourquoi elle refuserait à jamais d'avoir le moindre enfant. Leur modèle parental avait été tellement désastreux qu'elle ne pouvait imaginer être une bonne mère.
Elle n'entendit pas Hayden entrer, alors qu'elle somnolait dans son bain chaud. Rosalie se détendait enfin, se sentait plus sereine, et moins courbaturée. Elle avait toujours un teint un peu gris, mais nul doute que le lendemain, tout irait mieux. Hayden entra dans la salle de bain, un bouquet de fleurs dans la main.
- Il parait que tu es malade ?
Il déposa un baiser sur son front, et elle sourit :
- Ca va mieux… Je reviendrai travailler demain sans problème.
- Ce n'est pas ce qui m'inquiétait le plus… Tu n'es pas contagieuse, au moins ?
Elle sursauta :
- Contagieuse ? C'était rien, Hayden, vraiment. C'est fini, maintenant.
- Tu ne m'en diras pas plus, n'est-ce pas ?
- Tout à fait.
Il l'embrassa à nouveau, et elle eut la confirmation d'avoir fait le bon choix. Et Hayden ne l'aurait jamais su, si ça n'avait tenu qu'à elle. Il avait commandé à mangé, augmenté un peu le chauffage, préparé deux tasses de lait chaud à la cannelle… Hélas, il crut bon d'aller déposer le bouquet de fleurs sur son bureau, après qu'elle se soit installée sur le grand fauteuil du salon, emmitouflée dans une couverture polaire. Les événements du jour l'avaient fatiguée plus qu'elle ne l'aurait cru, car à peine installée, elle piqua rapidement du nez… Et sursauta brusquement quand Hayden débarqua en furie dans le salon.
- Tu as avorté ?!
- Quoi ?
Il avait vu son journal, et s'ensuivit une dispute – la première – d'une violence inouïe. Il lui fit une montagne de reproches, essaya de la faire culpabiliser… Pour Hayden, elle venait de le trahir : elle savait combien c'était important pour lui, d'avoir un enfant. Elle aurait du lui en parler. Rosalie de lui rétorquer qu'elle n'était pas sa femme, qu'elle n'avait aucune obligation vis-à-vis de lui, et surtout pas celle de porter d'enfants dont elle ne voulait pour rien au monde. Encore quelques cris, et voilà que Hayden part en claquant la porte, passant furieux devant le pauvre livreur incrédule et qui ne savait pas vraiment quoi faire… Rosalie ne se sentait toujours pas coupable d'avoir choisi cet avortement sans en avoir parlé à son amant ; mais la peur de peut-être perdre Hayden lui fendait le cœur. Et, accessoirement, peut-être perdrait-elle tout : son job, son appart…
C'est Emily qui finit par entrer, portant les deux pizzas que le pauvre livreur avait laissé sur le pas de la porte, et qui se dirigea sans un mot vers son amie. Et toujours en silence, elle la prit dans ses bras et la berça doucement. Ce soir-là, Rosalie se montra sous un jour misérable, et déballa des tas de choses en vrac à sa meilleure amie – des choses qu'elle avait soigneusement cachées jusqu'à présent.
Ce soir-là, aucune des deux ne pouvait quitter l'autre. Après avoir grignoté en silence, elles décidèrent de dormir ensemble, plus proche que jamais. Et si Rosalie accepta, dès cet instant, que quelque chose s'était brisé en elle vis-à-vis de Hayden, elle ne comprit pas pourquoi elle ne parvint pas à dormir dans les bras d'Emily.

* * *


Après ce soir-là, il fallu quelques semaines pour que Hayden accepte de faire la paix avec lui-même et surtout pour pardonner à son amante. Lui estima que cette épreuve les rendait plus forts, et commença à parler divorce pour s'installer avec Rosalie… Ce à quoi la jeune femme répondait que ça ne lui donnerait pas envie d'enfants pour autant. "Ca te passera, tu es une femme après tout…" lui répondait-il souvent. Et cette phrase était régulièrement suivie de disputes.
Mais les études de Rosalie se passaient bien, son stage chez Grogan et Mc Kellen aussi. Il lui est arrivé, une fois, de tromper Hayden, histoire d'aller "voir ailleurs". Juste pour tester. Elle en fut profondément déçue, ce soir-là, d'ailleurs…
Elle le trompa une seconde fois. Et ça, Rosalie n'aurait jamais pu le prévoir. Cela se passa un soir, alors qu'Emily allaient mal. Depuis sa première dispute avec Hayden, elles s'étaient rapprochées plus que jamais. Mais ce soir-là, alors qu'Emily était dans ses bras, que son cerveau s'était déconnecté, elle sentit les lèvres de son amie dans son cou. La première fois, elle se dit que c'était son imagination qui lui avait joué des tours… Puis elle prit conscience que son souffle s'était arrêté, celui d'Emily aussi, et il y eut un second baiser, et cette fois, ça ne pouvait vraiment pas n'être que son imagination… Et la suite, elle ne pouvait vraiment pas l'avoir imaginée… Jamais Rosalie n'aurait pu imaginer coucher un jour avec une femme, sa meilleure amie de surcroît, et pourtant, sa seule préoccupation le lendemain matin, avant de partir au boulot, ce fut : "mais qu'est-ce qu'on est l'une pour l'autre, maintenant ?" Après tout, Emily savait tout de sa relation avec Hayden – même qu'elle s'étiolait avec le temps, bien qu'elle l'aime toujours un peu – et qu'elle ne pourrait pas le quitter comme ça. Rosalie quitta l'appartement de son amante d'un soir avant son réveil, pressée par le travail.
Elle est troublée par cette nuit fantastique, mais sait aussi qu'à long terme… Non, pas avec Emily. Pas sur ce plan là. Et elle ne veut pas que leur amitié pâtisse d'un moment de faiblesse mutuel. Incapable de se concentrer sur une grosse affaire, Mc Kellen la renvoie une heure pour qu'elle se vide l'esprit, et Rosalie envoie des messages à Emily pour tout clarifier. Et au moins, elles sont toutes les deux sur la même longueur d'ondes : oui, c'était extraordinaire ; non, elles ne regrettent rien ; non, elles ne veulent pas que leur amitié ou leurs relations à côté en pâtissent ; oui, elles sont toujours les meilleures amies du monde. Et c'est la tête débarrassée de cette tension que Rosalie revient, plus concentrée que jamais.
Son stage chez Grogan & Mc Kellen la conforte dans son désir d'être juge. Elle ne se sent jamais complètement à l'aise en tant qu'apprentie procureure, mais pas non plus en tant qu'avocate de la défense… Finalement, juge, c'est la bonne place, n'est-ce pas ? Durant les procès auxquels elle assiste, dans le public, elle se met à la place du juge, pèse le pour et le contre, évalue les situations, et rend un verdict mental. Et force est de constater que cela l'aide énormément à retenir toutes ses leçons théoriques, de les mettre en pratique. Une fois, elle ira même trouver un juge après une affaire classée pour lui poser quelques questions – pourquoi avoir utilisé tel amendement plutôt qu'un autre, pourquoi avoir accepté telle pièce à conviction et pas telle autre… Sa curiosité est un atout qui lui attire la sympathie de quelques personnes haut placées.
Puis, fin de sa troisième année d'étude qu'elle validera sans problème, et c'est la chute. Haute, vertigineuse. Qui ira avec son lot de blessures.
Entre Hayden et elle, ce n'est plus possible. Rosalie a avorté une seconde fois, toujours en secret, mais l'hôpital avait appelé – pour une obscure raison – son bureau. Hayden commence à lui faire du chantage affectif, la menace, et tentera même de la séquestrer. Le pauvre devient fou, tandis que son épouse cherche à le quitter à cause de cette même folie, cette obsession qui le ronge. Pour Rosalie, cette situation n'est plus viable. "C'est fini, Hayden." sont des mots qui sonnent comme une sentence de mort dans l'oreille du procureur – un procureur impitoyable qui ne compte pas se laisser faire, et dont le professionnalisme va reprendre le dessus.
- Tu es sûre de vouloir me quitter, Rosalie ? Tu me dois tout. Cet appart. Ton job. Tes études. Sans moi, tu n'es rien.
Et ces mots ravivent une vieille blessure qu'elle pensait guérie. Mais elle se tétanise. Hayden continue, tente d'empoisonner son esprit. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle réagisse aussi violemment. Il veut jouer au procureur ? Elle sera son propre avocat, énumèrera chacune des fautes de son amant, tous ses torts, tout ce qui jouera contre lui, et conclura par ces mots :
- Tu es sûr et certain de vouloir te mesurer contre moi dans ces conditions, Hayden ? Tu as bien plus à perdre que moi dans cette affaire. Fous le camp de ma vie. Je te laisse ton appart, je te rends tout ton pognon, mais DISPARAIS.
Il choisira le tribunal.

* * *


L'affaire fera couler beaucoup d'encre dans les journaux. "L'étudiante ingrate contre le meilleur procureur de New York". Les jeux sont faits, tout le monde sait que Hayden Grogan gagnera sans avoir à lever le petit doigt. Il a eu une maîtresse ? Et alors, elle n'a pas dit non, et elle en a bien profité, la petite garce. C'est l'avis public général, même celui du jury.
Mais Rosalie ne se laisse pas démonter. Elle se défendra, avec toutes les armes qu'elle se sera forgées durant son stage. Elle ne pleure pas, ne laisse pas sa voix trembler, et cette froideur jouera contre elle, jusqu'au moment où le procureur qui défend Hayden lui demande pourquoi elle reste tant de marbre.
- Pourquoi ? Je suis étudiante en droit, je compte devenir jury et réparer toutes les injustices qui passeront sous mes yeux. Vous préférez que je pleure ? Que je vous fasse un discours incompréhensible et hystérique ? Je ne suis pas là pour attirer la pitié de qui que ce soit. Je suis là pour exposer des faits, le plus clairement et le plus intelligiblement possible, afin que la justice soit rendue. Peut-être que l'on donnera raison à Hayden : oui, il a eu raison de choper une campagnarde anglaise niaise et d'en faire son joujou, en échange de quoi il lui payait ses études. Je ne vais pas cracher sur toutes ses années : bien sûr, sans lui, je ne serai pas là où j'en suis. Je serai ingrate de ne pas le reconnaître. Mais est-ce que vivre une histoire d'amour avec lui lui a donné le droit de disposer de moi comme d'un meuble ? Ce n'est pas parce que je ne suis "qu'une maîtresse" que je deviens son esclave. J'ai aimé Hayden Grogan, autant qu'une femme qui ne sera jamais sa compagne pouvait l'aimer. Pour cela, pour tout ce qu'il m'avait donné, je devais foutre ma vie en l'air pour porter ses enfants ? Je devais accepter les coups, les humiliations, les prières, les menaces ? Accepter de gâcher ma vie pour un enfant qu'il n'aurait pas reconnu, et dont je ne voulais pas ?
Et Rosalie avait essuyé rageusement la larme qui venait d'apparaître au coin d'un œil, histoire de garder sa dignité. Elle ne voulait pas de la pitié de qui que ce soit. Elle voulait que le jury ne se base que sur des témoignages, des faits.
Contre toute attente, l'opinion publique se renversa.
Contre toute attente, Rosalie gagna son procès, au bout de plusieurs mois. Et dans la foulée, elle valida son diplôme qui lui permettrait d'être juge à son tour.
Elle fêta tout cela, parmi les cartons, avec Emily. Une fois de plus, elle surprit son amie en refusant catégoriquement de boire une goutte d'alcool, même pour une grande occasion comme ça. Son déménagement fut rapide, comme si elle cherchait à se débarrasser à tout prix de tout ce qui la reliait à Hayden, et trouva un superbe loft pas très loin, afin de toujours être proche d'Emily – Emily, avec qui la situation était franchement ambiguë. Meilleures amies, elles l'étaient sans aucun doute ; mais parfois, elles en voulaient plus. Sexfriends ? Le terme était tellement connoté… "Amantes occasionnelles" sonnait mieux, et c'était ce qu'elles étaient. Et jamais sans vraiment se consulter. Quand ça devait arriver, ça arrivait.
Un nouveau problème vint perturber Rosalie : trouver du travail. Quand vous êtes connue pour être "celle qui n'a pas hésité à jeter son patron pour se faire un max de thunes", on n'a pas très bonne réputation. Son CV n'était pas retenu, et elle envisagea presque de se trouver un boulot dans la restauration rapide histoire de ne pas tourner en rond chez elle. Quitter New-York ? Impossible. Où serait-elle allée ? Ici, au moins, elle avait Emily. Et elle ne se sentait pas prête à retourner en Angleterre, affronter Eugène. Ca faisait quoi… Plus de trois ans ? Comme il devait lui en vouloir. Elle continuait à lui écrire, presque chaque jour, dans ses journaux intimes qu'elle collectionnait depuis le temps.
Mais elle n'eut plus à réfléchir longtemps : enfin, quelqu'un l'accepta ! Enfin, quelqu'un regarda ses compétences, et non ce que la presse avait dit d'elle ! Un tribunal dans la périphérie de New York, mais ça ne lui posait aucun problème de se déplacer. Elle commença d'ailleurs à prendre quelques cours de conduite, acheta sa voiture dans la foulée, et s'installa dans un superbe bureau où elle pouvait accueillir quiconque désirait la voir : avocats, procureurs, médiateurs, plaignants… Elle aimait ce contact avec les gens, même si elle devait se montrer trop souvent distante vis-à-vis d'eux. Ces années chez Grogan et Mc Kellen lui avaient appris à observer les deux faces d'une pièce avant de rendre son jugement.
Et bien malgré elle, Rosalie fut rapidement spécialisée dans les affaires de violences conjugales, d'abus sur mineurs et autres placements d'enfants. On lui refilait trop souvent ce genre d'affaire pour que ça la laisse de marbre. Régulièrement, elle s'enfermait dans son bureau après ce genre de procès, affaiblie psychologiquement, fatiguée de cette vocation, de cette violence qui faisait trop écho à son propre passé. Et son passé la rattrapa quand Eugène vint lui rendre visite.
Comment décrire cette joie immense quand elle le vit entrer dans ce bureau plus grand que leurs deux chambres anglaises ? Rosalie le prit dans ses bras, incapable de se contenir, avant de se faire rabrouer violemment. Pourtant, des joutes verbales, elle en avait pas mal à son palmarès. Mais là, elle était avec son frère, pas contre un membre du barreau dont c'était le boulot de trouver des mots cinglants. Elle en resta sans voix. Les rares mots qui sortirent de sa gorge, elle en avait conscience, étaient pauvres et inutiles. Ceux d'Eugène – de "Gin" – étaient froids et justes. Qu'aurait-elle pu lui répondre ? Il lui aurait fallu plus de temps pour avoir un dialogue avec lui. Peut-être pouvait-elle rattraper le temps perdu, maintenant ?
Il lui en offrit la possibilité. Vite, Rosalie partit prévenir la secrétaire qu'elle prenait une pause – repas important – et elle regroupa plusieurs affaires dans son sac à main quand son téléphone vibra. La compagnie de sécurité ?
- Allô ?
- Bonjour, nous vous appelons car votre coffre fort professionnel a été ouvert avec le premier code.
Rosalie garda le silence et regagna son bureau : coffre fort vide, avec un simple petit mot d'adieu, et une notification mail qui clignotait sur son ordinateur.
- Madame ?
- Oh. Heu. Non, c'est une erreur. J'ai demandé à mon frère de prendre le contenu du coffre, je lui ai donné le mauvais code par automatisme. Effacez les clichés, pas de plainte, c'est une erreur.
Et elle raccrocha, prit le petit mot. Rosalie fixa un instant l'objectif des yeux, avant de refermer la petite porte. Elle avait toujours eu un penchant pour la sécurité. Ce petit bijou de coffre fort pouvait être ouvert par deux combinaisons : la première – sa date de naissance - était "fausse", prenait des clichés de la personne et envoyait mail automatique au propriétaire et attendait confirmation pour envoyer une plainte au commissariat central. Le vrai mot de passe – la date de naissance d'Eugène, quelle originalité – ne provoquait aucune de ces mesures de sécurité.
- Et merde.
Rosalie fondit en larmes silencieuses, dans son fauteuil, se sentant profondément trahie par cet homme dont le cliché apparaissait en haute résolution sur son écran, au regard sombre et plein de colère. Ce fameux "Gin" qui n'était plus son frère.

* * *


Les entrées dans son journal intime, toujours adressé à son frère, s'espacèrent. Rosalie se dit sans doute qu'elle grandissait, qu'elle devait cesser ces enfantillages… Peut-être avait-elle été trop meurtrie par cette visite qui avait tourné au vinaigre. Par contre, elle qui jusqu'à présent demandait quelques nouvelles à d'anciens voisins de quartiers, préféra passer par d'autres réseaux pour le surveiller. Parfois même pour effacer ses traces, ces bavures, pour annuler un ordre de poursuite, ou une ronde… Ca avait du bon, d'avoir autant de pouvoir. Mais elle n'aimait pas ce qu'elle faisait. Elle n'aimait pas ce qu'elle voyait.
Plusieurs fois, elle en parla à Emily – qui était forcément au courant… Enfin, elle lui en parla… Elle fit un monologue sur le fait que c'était mal, vraiment mal, ce qu'il faisait – et ce qu'elle, elle faisait aussi. Cette histoire la minait dès que son esprit n'était pas accaparé par son travail, ce qui était assez rare malgré tout. Car Rosalie était une forcenée, elle vivait par et pour son boulot de juge. Elle voulait sauver tous ces gosses, une chance qu'elle n'avait pas eue, quand elle était enfant.
Et c'est ainsi que quatre nouvelles années passèrent. Rosalie connut quelques hommes, et quelques femmes, dans des histoires jamais sans lendemain. Elle n'aimait pas s'attacher, c'était viscéral chez elle. Seule son amitié ambiguë avec Emily survivait au temps. La jeune femme enchaînait les affaires, tentait de se couper du monde, d'avoir des hobbies à côté – elle reprit un peu de sport, continuait à emprunter des livres d'histoire à la bibliothèque plutôt que d'acheter les siens, se passionna pour l'architecture… La vie suivait son cours, mais toujours avec ce goût amer chaque fois qu'elle sauvait les fesses d'Eugène, sans qu'il ne le sache. Mais ça devait cesser. Elle devait mettre les points sur les i, et cette fois, ce serait elle qui le prendrait en défaut.
Cette belle décision dut attendre quelques mois avant d'être appliquée. Et surtout, une affaire qui acheva la pauvre Rosalie. En tant que juge, et au vu de toutes les preuves qu'on lui présentait, rien ne prouvait que cet homme frappait et abusait ses filles. Elles avaient tout inventé. Intérieurement, Rosalie se demanda comment deux gamines de onze et quatorze ans pouvaient inventer une telle histoire sordide. Elles étaient pâles, mal nourries, mais c'était tout. Pas de traces de violences physiques, pas d'hymens abîmés. Ce père était clean, selon les preuves, mais Rosalie voyait que quelque chose n'allait pas. A la fin du procès, alors que le jury annonça un verdict "non coupable" qui lui donna envie de vomir – ce qu'elle ferait plus tard ce soir là – elle ajouta une obligation d'internement pour les deux filles avec suivi psychologique. Elle espérait les sauver, si elles avaient besoin d'être sauvées. Ce soir là, elle ne rentrera chez elle que le temps de fourrer quelques vêtements dans une valise, une épaisse enveloppe kraft et les clefs de sa voiture. Direction : Longside Creek. Il était temps d'avoir une conversations entre adultes avec Eugène.



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Eugene ... Boyne

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