Tranquillement installé devant une tasse d'earl grey assortie de petits gâteaux, Will se revoyait en Angleterre, là où il avait passé son enfance. Les réunions mondaines où les hommes de la House of Lords terminaient par un verre de whisky particulièrement vieux et un cigare, et où les femmes revenaient s'occuper des plus jeunes et les mettre au lit avant de discuter chiffons entre elles lui semblaient si loin à présent. Qu'il avait détesté toutes ses leçons de bonnes manières qu'on avait voulu lui inculquer ! Et pourtant, elles le suivaient encore à présent, malgré les heurts et son départ pour l'université où il étudia les sciences et non la sacro-sainte politique qu'adulait son père.

Il lui fallut quelques années, pour pouvoir devenir professeur en biochimie, une matière qui le passionne, autant que ses élèves au départ. Des horaires confortables si on exceptait la correction des copies, et de charmantes élèves à qui enseigner, il n'y avait que ça de vrai. Et même s'il n'avait pas vraiment besoin de ça pour vivre - on naît riche ou on ne l'est pas - il faisait cela parce qu'il trouvait cela... amusant. Oui, amusant. De voir les regards se tourner vers lui, tantôt dans l'attente de nouvelles connaissances, tantôt dans celle de faire connaissance avec lui... Son meilleur ami le poussait au crime, d'ailleurs, à ce niveau-là. Pourquoi ne passait-il pas un peu de bon temps avec une de ses charmantes élèves qui manquaient de tomber en pâmoison à chacun de ses cours ?

Un léger sourire étira les lèvres du professeur comme la réponse était pour lui une évidence. Elsa. La plus belle et la plus adorable des femmes sur Terre. Il se sait incapable de résister à son regard et à ses charmes et aucune de ses élèves ne peut rivaliser avec elle. Il se sait prêt à tout pour la jeune femme, même à quitter le statut de célibataire endurci qu'on lui colle tout le temps sur le dos. S'il osait seulement lui parler de mariage et d'enfant... mais sa crainte d'essuyer un refus prend le dessus sur ses bonnes résolutions et il n'a pas encore osé prendre le risque d'une dispute avec celle qu'il aime.

Un air maussade sur le visage et il posa sa cuiller, avalant sa tasse d'un trait. Il n'allait pas être en retard avec Elsa, jamais. Son blazer rapidement enfilé par-dessus une chemise blanche et une cravate assortie sur un jean contrastant avec le côté chic du reste de sa tenue - jusqu'aux chaussures hors de prix, c'est dire -, il se leva, laissa un dollar de pourboire et disparut dans les ruelles. Elsa n'attendrait pas, il en était hors de question. On ne sait jamais sur qui elle pourrait tomber.