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 Those three words

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Nathanael Keynes
Nathanael Keynes
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Date d'inscription : 12/02/2014


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MessageSujet: Those three words   Those three words EmptyLun 24 Aoû 2015 - 18:18

...Those three words are said to much...

...They're not enough...
ft. William L. Mathewsen • Début avril 2015
West Pasadena • Mathewsen's
Je roule vers la maison, je viens de finir l'entraînement et rentre comme tous les après-midi à la maison. J'ai pas mal d'entraînements maintenant que je suis passé professionnel. J'ai un rythme à tenir, un régime à suivre, je n'étais pas facile pour ce qui était de mangé, maintenant c'est encore plus compliqué, mais ça me convient. C'est maman qui râle souvent parce qu'elle est obligée de me faire autre chose que les autres, mais elle le fait toujours avec amour. J'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour notre mère et pour notre père et j'ai de plus en plus de mal à leur mentir. Il faudra un jour que je leur dise que c'était à moi de conduire cette fois là. Je ne me sens pas encore près. Ça fait un an. Un an et pourtant c'est comme ci c'était hier. Je n'en parle pas, même mes frères n'en parlent pas, disons surtout que j'évite rapidement le sujet quand il commence à être abordé et ils l'ont sans doute remarquer. Je sais qu'eux aussi souffrent de la disparition de notre frère et qu'ils s'inquiètent pour moi. Ils s'inquiètent encore à cause d'il y a six ans. Cette histoire me poursuivra toujours, même si elle est derrière-moi, pour eux elle est sans doute encore dans leur esprit. Je leur en ai fait voir de toutes les couleurs, je me demande comment ils arrivent encore à m'aimer.

Je roule sur ma moto et me dirige finalement vers le cimetière. Il n'est pas encore trop tard et je n'ai pas spécialement envie de rentrer. Je  ne suis pas remonté dans une voiture depuis l'accident, c'est trop présent, trop de craintes et de mauvais souvenirs. Les parents n'étaient pas vraiment d'accord pour la moto et ça m'était égal, je me la suis payée avec une partie de mon premier salaire de sportif et j'en étais très fier. Je suis donc arrivé devant le cimetière,j 'ai garé la moto sur une place de parking et j'ai parcouru les allées jusqu'à la tombe de Sacha. Je viens tous les jours ici, sans forcément l'avouer, même si je sais qu'ils se doutent que je viens, ne serais-ce que parce qu'il y a mes premières médailles et mes premières coupes que j'ai laissé ici, je les ai gagné pour lui et je ne veux pas qu'elles soient ailleurs. Je m'installe souvent contre sa tombe et je sors mon carnet de dessin, ils ne savent pas que je dessine, je ne leur ai jamais montrer, ça me sert surtout à me vider la tête en fait. Certains passant me regardent toujours étrangement, peut-être parce que je dois leur faire peur avec tous mes tatouages et mon air de mauvais garçon, mais ça m'est égal, ils peuvent me regarder comme ils veulent, ce n'est plus un souci. Je fais avec depuis longtemps. Et puis mon téléphone sonne et me sors de ma rêverie. C'est le numéro de Tom qui s'affiche. Et merde j'ai oublié d'aller récupérer mon frère au lycée. Je suis le plus nul des grands-frères. Il a besoin de moi aussi et j'ai tendance à ne pas être là ces derniers temps. Je décroche et il me dit directement « Tu m'as oublié c'est ça? Avoue» « Nan, je n'ai pas oublié, j'arrive, j'ai juste fais un détour. Je suis là dans quinze minutes. Tu es où toi?» Je n'avais pas besoin de lui poser la question, je le vois arriver dans l'allée et je me décompose légèrement en le voyant. J'ai raccroché et je me suis levé, j'ai rangé vite fait mon carnet de dessin et l'ai regardé arriver c'est fou ce qu'il a des airs d'Adam. Je me sens largement coupable de l'avoir oublié. J'ai la tête ailleurs en ce moment.

« Je suis désolé, j'étais …»

« Ouai, je sais. Tu le dis tout le temps.»

« Comment tu savais que tu me trouverais là?»

« Arrête Will, tu sais très bien qu'on vient tous là sans le dire forcément aux autres. Adam aussi, papa et maman aussi. Il n'y a pas que toi tu sais.»

Il lève les yeux au ciel et soupire, je le déçois un peu visiblement. C'est à mon tour de jouer les grands-frère, c'est un rôle que j'ai à tenir, je l'avais déjà avant, mais là c'est encore plus évident et j'ai dû mal encore à m'y faire. Je ne suis pas le plus bavard des trois alors ce n'est pas évident.
« Ça va toi?» Je l'observe et me rend compte qu'il n'a pas vraiment l'air d'aller bien. Peut-être qu'en réalité il veut me le dire depuis un moment, mais je me suis un peu fermé de tout le monde. Il faut que je le protège et que je prenne sur moi, que je sois fort pour nous trois et que je ne craque pas comme le jour de l'enterrement. Je me suis tiré à toute jambe lorsque le cercueil descendait dans le sol. Je ne pouvais pas voir ça, je ne voulais pas l'admettre. J'ai couru à en peindre haleine et ça a bien fait jaser les grands-parents et je m'en fichais royalement. Je n'en ai toujours fais qu'à ma tête de toute façon. J'avais couru jusqu'au à un pont ou Sacha et moins venions de temps à autre faire des ricochet sur la rivière en dessous. J'avais enjambé le ponton et je m'étais assis face à l'eau et j'avais craqué profitant d'être tout seul, j'étais resté de marbre pendant la cérémonie à l'église mais je n'ai pas supporté de voir réellement partir mon frère. Je revenu au cimetière dix minutes après, tout le monde était déjà rentré à la maison. Bref, tous ces souvenirs là me font mal au cœur alors je suppose que lui aussi doit avoir mal. Il hausse les épaules. Il faut vraiment qu'on parle lui et moi. Je dois prendre mes responsabilité en main. Il est grand temps maintenant.

Je l'ai reconduis jusqu'à la maison ou il n'y avait que nous. Les parents et Adam n'étaient pas encore rentré, Adam de la fac et les parents de leur travail. Sven nous a accueillit en sautant partout, ce Huski est vraiment adorable il a six ans et il immense, il réclame beaucoup d'attention et j'adore m'occuper de lui, on a de la chance d'avoir une cousine qui fait des études de vétérinaire ce qui ne nous reviens pas trop cher, de toute manière on a largement les moyens. On s'installe dans les canapés du salon,l'un en face de l'autre et j'attends qu'il parle le premier. Je n'ai jamais été très doué pour démarrer les conversations. Alors il commence:

« J'ai du mal à me concentrer, je dors mal et je fais sans cesse de cauchemars de l'accident. Mes notes on baissés papa va être furieux. Je n'arrive plus à suivre en cours je m'endors. Je ne sais plus quoi faire.»

Je le regarde et me passe une main sur le visage. Je ne pensais pas qu'il allait si mal. Je me sens tellement égoïste. Je ne sais même pas quoi lui dire, je devrais le rassurer et tout ce que je trouve à dire c'est ça :

« Pourquoi tu n'irais pas à mes réunions des traumatisés de la route à ma place? Elles ne me servent pas vraiment, ça pourrait t'être plus utile.»

Il lève les yeux au ciel soupire et se lève. Je me rends compte que j'ai été crétin de lui dire ça. Ce n'était pas ça qu'il attendait de moi. Je soupire à mon tour et tente de le retenir. Je ne peux décidément plus garder ça pour moi.

« Attends Tom, je … Je n'arrive pas à vous parler de lui, je ne peux pas l'évoquer sans me dire qu'il aurait pu échapper à la mort. C'est …»

Je ferme les yeux et prend mon courage à deux main, mon cœur bats à tout rompre dans ma poitrine, j'ai l'impression que je vais exploser.

« C'était à mon tour de conduire ce soir là. J'avais bu et j'avais fumé du cannabis, il ne voulait pas que je prenne le volant dans l'état que j'étais … ça aurait dû être moi …»

Je ne m'attendais pas à ce que ça fasse autant de mal que ça de l'avouer. Ni à ce que les parents et Adam arrivent à ce moment là. Maman à laissé le paquet de course tomber et c'est ce qui m'a fait prendre conscience de leur présence. Super, maintenant tout le monde est au courant. J'aurais peut-être dû me taire finalement vu comment papa me dévisage. Il passe devant moi sans rien me dire, je lui attrape le bras pour le retenir, je n'ai pas envie qu'il parte comme ça mais il me gifle. Sven grogne et aboie, il n'aime pas qu'on s'en prenne à son maître. Première gifle de ma vie, la claque à résonnée dans le salon et je l'ai laissé partir. Maman est arrivé et m'a regardé d'un air bien plus attendrissant que celui de papa. Elle m'a déposé un bisous sur la joue et demandé à Tom de le suivre. Il ne reste plus que moi et Adam. J'ai encore la joue en feu et je suis abasourdi par la violence que notre père à eu. Je ne m'attendais pas à ça. C'était sûrement sur le coup de la colère, mais j'aurais mérité plus de baffe que ça. Je ne sais juste pas quoi dire à Adam, qui est là et qui attends sûrement que je dise quelque chose.

« Je suis vraiment un idiot. Je n'ai rien vu venir. Tom va mal et je me préoccupe de mes problèmes avant les siens. Comment tu fais pour tu gérer?»

Il a une grande capacité d'attention, c'est peut-être son secret, j'ai l'impression pour ma part de toujours tout rater et c'est vraiment très désagréable.

***

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ft. William L. Mathewsen • Début avril 2015
West Pasadena • Mathewsen's

   J'ai plutôt tendance à songer que si on a chuté de vélo, la première chose à faire, c'est de remonter. Je refuse de laisser la peur gagner sur moi, d'être tétanisé par un truc et de plus pouvoir bouger. Bon... Ca marche pas quand il s'agit d'abeilles, guêpes ou autres, mais c'est une question de survie. Un de ces quatre, je songerai sans doute à tenter la désensibilisation, paraît que ça marche bien pour ces allergies-là. N'empêche que pour ce qui me concerne, j'ai pas arrêté de conduire une voiture parce qu'on a eu un accident. Je dis pas que je suis pas plus prudent que d'ordinaire quand j'ai la priorité à droite, des fois qu'on me la grille, mais il est hors de question que je me terre dans un coin et que je laisse ça m'envahir. Ca serait même pas respectueux pour Sasha, en fait, lui, il a toujours voulu qu'on soit heureux, tous les quatre, et même si on n'est plus que toi, je me suis promis qu'on le serait, et qu'il serait fier de nous, et j'ai pas l'intention de faillir à cette promesse-là.

   J'ai fait acte de présence à la fac, et je suis sur le chemin du retour, la musique à fond dans ma petite citadine rouge qui file à travers la ville direction la maison. Un bon vieux tube d'Aerosmith, autant dire qu'il m'est juste impossible de pas chanter à tue-tête et les gens qui s'arrêtent au feu rouge à côté, ou passe sur le trottoir près de moi me regardent bizarrement vu que les fenêtres sont grandes ouvertes, mais... J'en ai franchement pas grand chose à secouer. C'était à Will d'aller récupérer Tom au lycée, c'est le jour où les parents vont faire les courses et en général, à cette heure-ci, on est presque tous rentrés en même temps, si bien que je suis pas étonné quand j'arrive dans l'allée juste derrière la voiture des parents et je file un coup de main à Maman pour sortir ses achats de la voiture.

   On a tous réappris à vivre sans Sasha, en un an depuis son départ. Ou au moins, on essaie. Les cauchemars de Tom s'arrêtent pas, et on fait tous comme on peut pour tenir le coup, mais je sais bien que les coupes de natation ont pas surgi de nulle part sur sa tombe, ni que les fleurs qui l'ornent sont pas tombées du ciel. On y va tous, à un moment ou à un autre, sans rien dire aux autres. Le deuil, on le gère chacun à sa manière, mais c'est jamais vraiment facile de le faire, je crois. Et aujourd'hui comme n'importe quel autre jour, on fait comme si, et on n'en parle pas. Et si Sven nous a pas sauté dessus à peine entrés, c'est que son maître attitré est déjà là. Je m'attendais juste pas à ce qu'on soit accueillis par ça.

   « C'était à mon tour de conduire ce soir là. J'avais bu et j'avais fumé du cannabis, il ne voulait pas que je prenne le volant dans l'état que j'étais … ça aurait dû être moi … »

   J'ai pas vraiment eu le temps de réagir, Maman et Papa l'ont fait en premier. Quand le sac de courses, s'est retrouvé au sol, j'ai posé une main sur l'épaule de ma mère avant de me pencher pour ramasser ce qu'elle venait de laisser tomber, mais j'ai pour le coup pas eu le temps de réagir quand mon père a traversé la pièce, arrêté brièvement par mon aîné qui s'est alors pris la baffe de sa vie. Sven n'aime pas ça, vu comme il grogne et aboie alors, et à vrai dire, moi non plus.

   « T'aurais pas dû faire ça. »

   Mon ton de voix est beaucoup trop froid. D'ordinaire, je suis plutôt du genre à monter aussitôt au créneau, mais il s'agit de mon père, et je suis... partagé. En colère contre lui, c'est une évidence, mais est-ce que je peux vraiment avoir du ressentiment pour mon père ? Maman est venue près de Will un instant, et a emmené Tom avec elle, nous laissant seuls, mon frère et moi. Sa joue commence à montrer la trace du coup qu'il vient de prendre, et je vais chercher de la glace, sans un mot, déposant les courses que je viens de ramasser au passage. La poche de glace tendue entre nous, je l'entends reprendre finalement la parole.

   « Je suis vraiment un idiot. Je n'ai rien vu venir. Tom va mal et je me préoccupe de mes problèmes avant les siens. Comment tu fais pour tu gérer ?
   - Je sais pas si je gère tout, comme tu dis. J'essaie juste d'avancer. Tiens, mets ça sur ta joue avant que ça gonfle... »

   Je l'ai laissé prendre la poche de glace, et d'un geste du menton, j'ai indiqué le canapé, où on s'est posés tous les deux, en regardant - ou en feignent de regarder - la télé éteinte.

   « Tom fait des cauchemars presque toutes les nuits. C'est pour ça que je suis fourré presque tout le temps dans sa chambre. On gère comme on peut, t'as ta façon de le faire, j'ai la mienne, les parents ont la leur. Je suppose que c'est des trucs qui prennent du temps. »

   Le silence a plané un petit instant avant que je rembraie.

   « T'es pas responsable de la mort de Sasha, Will, et Papa aurait pas dû te gifler. Je savais très bien que ça aurait dû être à toi de conduire à la base, et j'aurais pu prendre le volant à la place de Sasha aussi. Même Tom, même s'il avait pas encore le permis, il était en apprentissage, avec nous à côté, il aurait pu prendre le volant aussi. Ca change rien au fait que c'est pas de ta faute si ce connard a grillé la priorité. Le seul responsable de l'accident, c'est lui. Et c'est peut-être pas très beau de dire ça, mais il a eu que ce qu'il méritait vu qu'il y est resté. »

   Ouais, parce que je me suis renseigné, ouais. Et j'ai absolument aucune empathie pour ce connard, aussi insensible que ça puisse paraître. Il a certainement une famille et des amis qui le pleurent, et c'est triste pour eux, mais lui, il a fait son malheur tout seul. Notre frère, il avait rien demandé, aucun d'entre nous d'ailleurs, même si on a été moins touchés.

   « T'as pas à te torturer pour ça. Bordel... Un an que tu gardes ça... Tu sais qu'on est là pour partager aussi ce genre de choses, non ? »

   Je suis plus jeune, je sais, c'est pas à moi de porter tout le monde sur mes épaules et bla bla bla. N'empêche que pour le moment, je suis celui qui tient mieux le coup, alors je me contrefous de mon âge, je suis là pour te soutenir, frangin, tu me revaudras ça une autre fois quand c'est moi qui craquerai...

***

La voix d'Adam disant à notre père qu'il n'aurait pas dû faire ça me surprend. Il est tellement froid dans ces propos. Je n'ai pas l'habitude de l'entendre si en colère. Il est toujours entrain de prendre ma défense je viens juste de me rendre compte à quel point il est tout le temps sur la défensive quand il s'agit de moi, c'est touchant, ça serait plutôt à moi de le soutenir autant. Adam m'a tendu un sac de glace, ma joue est feu, les parents n'ont jamais levé la main sur nous, c'est bien la première fois que ça arrive. Autant dire que papa doit vraiment eu un excès de colère. Je ne sais pas si c'est spécialement contre moi ou parce que je ne leur ai rien dit pendant tout ce temps. On s'est assis sur le fauteuil et Sven est venu voir si j'allais bien. Ce chien est vraiment un amour. Je lui donne un caresse pour le rassurer et il va se reposer dans son panier. Je plaque la poche de glaçon sur mon visage. Je ne m'attendais pas à une tel réaction. Je sais qu'il va s'excuser et qu'il viendra me parler plus tard quand ses états d'âmes seront passé mais je reste tout de même assez choqué.

Je suis étonné de savoir que l'autre conducteur est mort et étonné d'éprouver si peu de compassion à son égard. Comme le dit Adam il l'a cherché. Il aurait respecté les limitations de vitesses ça ne serait pas arrivé, on serait tous là à se batailler à savoir qui va partir de la maison le premier, Adam Sacha ou moi, à se disputer pour savoir qui va dans la salle de bain en premier et à râler parce qu'Adam chante trop fort ou à en redemander et à rire de toutes les bêtises qu'on aurait pu faire. Je sais que j'aurais dû en parler, mais je n'y arrive pas. Ça me semble tellement irréel. J'ai l'impression qu'il va débarquer de nouveau avec son habituel sourire et ses petites piques tellement agaçantes, aujourd'hui tout ça me manque. Je ne sais pas comment recommencer sans lui.

« Ouai, je sais, on me le dis sans arrêt, mais parler ne le fera pas revenir. Ça sera toujours aussi douloureux. Si je vais à ces putains de séances c'est pas pour parler, c'est pour vous rassurer. Je me fiche de savoir qu'il y a d'autres personnes qui ont vécu la même chose. Ils disent toujours la même chose là-bas. C'est la vie, il faut faire avec, je ne suis pas encore près à faire avec. C'est tout.»

C'est la première fois que je parle de mes réunions anonyme, celle-là même ou j'ai rencontré Rainbow, lui aussi a eu un accident, il était le seul survivant et il s'est retrouvé en fauteuil roulant, je me dis que j'ai beaucoup de chances certes, mais ça ne m'empêche pas de penser toujours à la même chose à Sacha et au fait qu'il ne soit plus là, à mon incapacité à gérer mes émotions et à tout oublier.

« J'ai oublié d'aller chercher Tom tout à l'heure. Je suis un peu à l'ouest et ça m'était sorti de l'esprit et à vrai dire je n'aime pas vraiment retourner au Lycée. »

Tout le monde sait ce que le lycée représente pour moi, la mauvaise période de ma vie. Celle où j'ai jouer le plus à l'idiot et puis ça me rappelle sans arrêt Erika. Oui, je ne l'ai pas oublié, comment pourrais-je l'oublier?C'était l'amour de ma vie. Elle est toujours en ville et chaque fois que je la croise, je ne peux pas m'empêcher de baisser la tête. Je n'arrive même pas à la regarder dans les yeux alors que c'est elle qui devrait avoir honte. Je reprends la parole :

«Je vois bien qu'il est aussi mal que nous, mais je n'arrive pas à aller lui parler, pas plus qu'à toi d'ailleurs. Je n'ai pas envie d'être un mauvais frère. Je vous aimes tous les deux tu sais, je sais que j'ai fais pas mal de bêtises et qu'on a pas besoin d'un autre malheur, seulement je n'arrive pas savoir quoi faire pour l'aider.»

C'est un peu le monde à l'envers, c'est moi qui demande des conseils à mon petit frère. J'ai toujours eu Sacha qui venait me parler quand ça n'allait pas, j'aimerais en faire autant pour eux, mais je n'y arrive pas. Je suis trop introverti, trop … égoïste. Je n'aime pas partager mes souffrances. C'est bien pour ça que je suis plus fragile que les autres. J'ai eu pas mal de conseils des psychologue quand j'ai été six mois en centre, le chien, les dessins, tout ça m'aide pour le moment, je ne sais juste pas jusqu'à quand je continuerais à faire tout ça, à maquer tous mes sentiments pour ne pas souffrir.

***

C'est vrai que ça m'arrive franchement pas souvent de manifester autant de colère. De froideur, surtout. En même temps, il en faut pas mal pour me foutre en rogne, mais... Là, on tape sur ce qui reste sans doute le sujet le plus sensible pour moi. Alors ça serait juste impossible pour moi de rester parfaitement serein. Ca serait comme demander à Sven de pas aboyer quand on s'en prend à son maître, ou l'empêcher de venir lui léchouiller la main pour vérifier que tout va bien maintenant qu'on s'est assis tous les deux : contre nature. J'ai esquissé un sourire en voyant le chien, rassuré, retourner dans son panier, et on a commencé à discuter de tout ça...

« Ouais, je sais, on me le dit sans arrêt, mais parler ne le fera pas revenir.
- Je sais pas qui c'est « on », mais « on » a raison. Et certes, ça le fera pas revenir, mais ça te fera pas de mal de lâcher un peu tout ce que tu gardes pour toi.
- Ça sera toujours aussi douloureux. Si je vais à ces putains de séances c'est pas pour parler, c'est pour vous rassurer. Je me fiche de savoir qu'il y a d'autres personnes qui ont vécu la même chose. Ils disent toujours la même chose là-bas. C'est la vie, il faut faire avec, je ne suis pas encore prêt à faire avec. C'est tout.
- Alors arrête. Si t'en as ras-le-bol de ces réunions, arrête. Si c'est juste pour nous rassurer, ça a pas d'intérêt. On s'en fout des autres personnes, ils gèrent comme ils veulent, on s'en tape, moi ce qui m'intéresse, c'est Tom et toi. Mais garde pas tout ce que t'as sur le cœur pour toi seul, à te ronger de l'intérieur. »

J'ai l'air d'un vieux con, là, hein ? A parler genre je sais tout mieux que tout le monde, à lui donner de bons conseils... Enfin je sais pas s'ils sont bons, mais... des conseils toujours. En même temps, ça sert à quoi qu'il se force à aller à ces meetings s'il a pas envie d'y participer ? A rien d'autre qu'à lui faire perdre du temps. On est là, cela dit, et s'il parle pas là-bas, s'il veut pas voir un psy, ça serait bien qu'il extériorise autrement, quelle que soit la manière. Je suppose que moi, j'ai la chance d'avoir la musique. Peut-être que c'est ça qui m'a fait tenir. Peut-être aussi qu'on est pas faits pareils. Je sais pas...

« J'ai oublié d'aller chercher Tom tout à l'heure. Je suis un peu à l'ouest et ça m'était sorti de l'esprit et à vrai dire je n'aime pas vraiment retourner au Lycée.
- Alors retournes-y pas. J'irai chercher Tom, la fac est pas si loin. Et si jamais y a des jours où nos horaires concordent pas trop, on pourra demander à Jazz, ou il pourra venir au foyer étudiant m'attendre. »

J'ai l'air de donner des solutions simplistes mais... Pourquoi se prendre la tête, sérieusement ? Si ça lui fait du mal de retourner au lycée – et je crois qu'on est tous conscients du pourquoi de la choses – autant qu'il y mette plus les pieds. On va pas le forcer à se faire encore plus de mal, y a déjà bien assez à gérer comme ça.

« Je vois bien qu'il est aussi mal que nous, mais je n'arrive pas à aller lui parler, pas plus qu'à toi d'ailleurs. Je n'ai pas envie d'être un mauvais frère. Je vous aime tous les deux, tu sais, je sais que j'ai fait pas mal de bêtises et qu'on n'a pas besoin d'un autre malheur, seulement je n'arrive pas savoir quoi faire pour l'aider.
- On est tous pareils. On le sait tu sais. On sait juste pas le dire ou le montrer. Tom a du mal, et toi aussi, et les parents aussi, et... »

Moi je sais pas, j'ai l'impression d'être un peu insensible en fait, quand je les regarde tous et que je me regarde ensuite moi dans le miroir. Sasha me manque, c'est une évidence, mais je sais pas... Je lui parle presque tous les jours, et j'ai l'impression qu'il est encore réellement là, en un sens, en tout cas dans mon cœur, c'est le cas. Peut-être que c'est ce qui fait que j'en souffre moins. Le jour de l'enterrement, quand le cercueil a été mis en terre, je tenais la main de Tom, en larmes mais silencieux à côté de moi. J'ai vu Will partir, mais je pouvais pas laisser notre petit frère pour le suivre, bien que l'envie me tenaillât. Et puis tout le monde est parti, les parents ont hésité comme mon grand frère était pas revenu, et ils ont fini par partir à leur tour, pour la réception dont ils étaient les hôtes avec Tom. Je suis resté un peu, des fois qu'il revienne, et puis après avoir demandé à Sasha de veiller sur lui, moi aussi j'ai repris le chemin de la maison, où il a fini par nous rejoindre, plus tard. Je crois que c'est là que ça a commencé. Je suis pas sûr de trop croire en Dieu, mais je crois en Sasha, je suis sûr qu'il nous regarde, de là où il est maintenant, et qu'il veille sur nous autant qu'il peut.

« T'es pas surhumain, tu sais. T'as le droit de pas être fort tout le temps et de craquer. T'es pas en état de soutenir Tom en ce moment ? Bah c'est pas grave, on est trois autres pour ça. Tu prendras le relais le jour où t'iras mieux et où moi je craquerai... »

Chacun son tour, on partage. Ca fait partie du principe quand on est une famille, non ?

***

Il a l'air surpris qu'on me dise souvent de ne pas tout garder pour moi, tout le monde autour de moi en fait, Jazz, Tom, Adam, certains de mes amis même si je ne les ai pas vu depuis un moment, ils me parlent de temps en temps et surtout mon coach en fait. C'est lui que je vois le plus souvent, mes entraînements sont quotidien alors je parle beaucoup avec lui. Il essaie de me faire cracher les vers du nez, de me pousse à parler mais je n'arrive vraiment pas à dire ce que je ressens. J'ai à la fois la sensation de ne rien ressentir et d'avoir un trop pleins d'émotion qui voudrait sortir, c'est très étrange et c'est sans doute trop récent pour que je comprenne toute la logique de cette nouvelle souffrance. D'ailleurs je suis certains que quand je vais retourner tout à l'heure à la piscine et qu'il va être là à m'attendre il me demandera comment je vais. Je commence à bien le connaître maintenant, même mieux que bien. Il fait parti de la famille pour moi, pour les autres c'est différents parce qu'ils ne sont pas avec lui tous les jours, mais de temps en temps il reste manger ici, il est comme un oncle à mes yeux.

« Jazz, Tom, toi, mon coach, surtout mon coach en fait. J'ai le droit tous les jours à la même questions et aux même remarques alors je sais bien que je devrais parler, je ne suis simplement pas encore près à le faire. »

Ça rendrait sa disparition bien trop réelle. Je n'aime pas cette conversation, j'ai envie de changer de sujet, de partir en courant et de devenir invisible afin d'éviter toute cette discussion, mais il semblerait que ça soit inévitable. Parler des réunions anonyme ne m'amusent pas vraiment. J'ai l'impression d'être vu comme un fou lorsque j'en parle, peut-être parce que ça me fait penser à d'autres réunions auxquelles j'ai pu assister et ce n'est pas vraiment plaisant d'y repenser. Quoi que je fasse tout me ramène à il y a six ans, tout et je me souviens encore du regard que Sacha à eu quand je me suis réveillé à l’hôpital, de celui de Adam et de Tom, ils étaient tous là. Ils ont toujours été là. Sacha m'avait dit que j'avais été égoïste, que je n'avais pas pensé à eux, à ce que ça leur ferait de me perdre et c'était vrai. Je m'en suis toujours voulu. J'aurais aimé lui dire que j'ai regretté ce que j'avais fais, j'aurais aimé qu'il sache, mais maintenant il est trop tard. Je n'aime vraiment pas parler de ça et j'ai le sentiment que je n'arrête pas en ce moment d'aborder le sujet comme-si s'était inévitable. Je me fais tu mal peut-être parce que je me sens coupable et surtout parce que je ne veux pas accepter qu'il soit parti, parce que j'ai le sentiment d'avoir été abandonné. Je lui en veux un peu à vrai dire et je m'en veux surtout à moi de lui en vouloir. Je suis très compliqué, il n'y a pas de doute là-dessus. Je soupire et me passe une main sur le visage. Je n'ai pas envie qu'il me voit craquer. Je n'ai pas le droit de lui faire ça. Ce n'est pas parce que je suis sentimentalement fragile qu'ils doivent tous me voir pleurer, je n'ai jamais aimé montrer mes faiblesses et je m'arrange toujours pour qu'ils ne me voient jamais craquer. Je veux être fort pour eux et c'est très difficile. Je ne sais pas comment Adam fait. J'ai beaucoup d'admiration pour lui.

« J'aimerais bien seulement je n'ai pas envie de décevoir les parents et peut-être que si Tom m'accompagne ça irait mieux, pour lui et pour moi, peut-être que ça pourrait nous rapprocher, qu'on fasse des choses ensembles.»

Je n'ai pas été beaucoup là pour Tom et j'aimerais réparer ça. Je ne sais juste pas encore comment m'y prendre, j'ai encore tout à apprendre. Adam pense toujours à tout, je devrais me fier à lui beaucoup plus. Je lui souris, il a le don d'avoir des réponses à tout, ça m'a toujours épaté quand il fait ça.

« Tu as peut-être envie de faire d'autres aussi. Je ne pourrais pas éviter tout le temps les endroits que je n'aime pas. J'aimerais que ça ne me dérange pas de retourner là-bas, j'aimerais tellement. Je ne sais pas comment tu as vécu ce … comment tu as vécu ça il y a six ans et je ne me suis jamais réellement excuser pour ce que j'ai fais, alors maintenant que je me rends compte à quel point j'avais été nul, je voudrais vraiment que tu saches que je suis désolé. J'étais perdu et mal dans ma peau, mais sache aussi que ça ne se reproduira jamais. Je sais ce que ça implique, je sais que c'était idiot. Je suis désolé parce que je vous ai fait tous souffrir et j'ai l'impression de recommencer aujourd'hui.»

C'est la première fois que je m'excuse et que je lui reparler de ça. C'est étrange, j'ai l'impression d'avoir passer un grand cap tout à coup et ça me fait du bien de lui avoir dit. J'aurais au moins eu le courage de lui dire.

« Toi aussi tu as le droit Adam »

Je regarde l'heure, c'est l'heure pour moi de manger mes protéines et je retournerais après à l'entraînement. Je me lève et vais me chercher ma bouteille de protéine. C'est un truc que je bois avant d'aller nager. Maman râle tout le temps quand elle me voit boire ça, un mélange de poudre et d'eau, ce n'est pas forcément très bon, mais c'est recommandé pour les sportifs, je suis très compliqué quand il s'agit de nourriture, sauf pour les pâtisseries, alors forcément me faire à manger n'est pas simple et cette bouteille m'aide vraiment à avoir une alimentation saine.

« Tu veux venir avec moi à l'entraînement?»

C'est la première fois aussi que je lui propose de venir me voir. Généralement c'était Sacha qui m'accompagnait de temps en temps. Il se mettait dans les gradins et j'avais l'impression d'avoir un public, du coup je me donnais à fin et j'étais souvent tellement fatigué après la séance que je partais directement me coucher. J'ai envie d'instauré des nouveaux rituel aujourd'hui. Peut-être que ça nous fera tous avancer.

***

Je suis pas toujours là, et Will reste assez secret, c'est une évidence pour tout le monde dans la famille et en dehors, alors ce que disent ses autres proches, j'en ai aucune idée. Qui le soutient, qui le conseille, en dehors de la maison... Je n'en sais trop rien, à vrai dire, et parfois, ça m'inquiète un peu. Ca me déçoit un peu, aussi, parce que je n'en sais au final pas tant sur sa vie, sur ce qu'il fait chaque jour. C'était toujours Sasha qui partageait le plus de choses avec lui, et moi je les regardais avec des étoiles plein les yeux, un peu en retrait. J'ai toujours eu une admiration profonde pour eux, je crois que ça changera jamais. Et qu'ils aient des défauts n'y change rien, je suis tout à fait conscient qu'on en a tous, moi le premier. Personne remplacera Sasha, comme personne remplacera jamais Will et si d'autres essaient de le sortir de son mutisme, je suis plutôt content. Pour certains, je suis même pas étonné - pas comme si on parlait jamais de lui avec Jazz - pour d'autres un peu plus, mais tant mieux.

« Jazz, Tom, toi, mon coach, surtout mon coach en fait. J'ai le droit tous les jours à la même question et aux mêmes remarques alors je sais bien que je devrais parler, je ne suis simplement pas encore prêt à le faire. »

Je hoche simplement la tête, n'ayant pas grand chose à répondre à ça. S'il ne se sent pas prêt, alors ça ne sert sans doute à rien de le forcer. Tant qu'il n'hésite pas, le jour où il se sentira prêt, tant qu'il sait qu'il a des gens à qui se confier, tout autour de lui, ça ira, n'est-ce pas ? Je croise fort les doigts pour que ce soit le cas. Je croise fort les doigts pour qu'il réussisse à passer au-dessus de tout ça, et à être heureux, réellement, un jour. Le plus vite possible, même, à choisir.

Pour ce qui me concerne, donc, sa tentative de suicide fait partie du passé. J'ai pas oublié, bien évidemment. J'oublierai jamais, et l'image de son corps livide dans la baignoire pleine de sang est toujours vivace dans mon esprit. N'empêche que c'était il y a six ans, et que j'ai pas envie de m'arrêter à ça. Je pense que si je veux que lui-même n'y pense plus et continue à avancer, la première chose que je dois faire, c'est laisser ça derrière nous, moi aussi. Si on le ramène toujours à ça, comment il pourrait passer outre ?

« J'aimerais bien, seulement je n'ai pas envie de décevoir les parents et peut-être que si Tom m'accompagne ça irait mieux, pour lui et pour moi, peut-être que ça pourrait nous rapprocher, qu'on fasse des choses ensemble.
- Ca, c'est possible. Encore faut-il qu'il le veuille cela dit. Paraît qu'on peut être de vraies têtes de mules dans la famille. Mais tu sais, je crois pas que le fait que t'arrêtes les séances soit une déception. Ca sert à rien si tu te forces et que t'y crois pas, que t'en as plus envie. Tout ce qu'on veut, tous, c'est que t'ailles mieux. »

C'est juste une évidence. Mais ça veut pas dire que je pense à tout ou que j'ai réponse à tout, bien loin de là. Ca marche dans les deux sens, lui, il veut nous soutenir et qu'on aille bien, on veut tous la même chose pour les membres de notre famille. C'est ça, être une famille, justement, non ?

« Tu as peut-être envie de faire d'autres choses aussi. Je ne pourrai pas éviter tout le temps les endroits que je n'aime pas. »

J'ai haussé les épaules, c'est pas comme j'avais des trucs vraiment importants en soi en dehors des cours. La musique, aller au cimetière, j'ai pas d'impératif horaire si particulier pour ça, alors je peux bien prendre en charge d'aller chercher mon petit frère.

« J'aimerais que ça ne me dérange pas de retourner là-bas, j'aimerais tellement.
- Ca viendra avec le temps...
- Je ne sais pas comment tu as vécu ce … comment tu as vécu ça il y a six ans et je ne me suis jamais réellement excusé pour ce que j'ai fait, alors maintenant que je me rends compte à quel point j'avais été nul, je voudrais vraiment que tu saches que je suis désolé. J'étais perdu et mal dans ma peau, mais sache aussi que ça ne se reproduira jamais. Je sais ce que ça implique, je sais que c'était idiot. Je suis désolé parce que je vous ai fait tous souffrir et j'ai l'impression de recommencer aujourd'hui.
- Le premier à souffrir, c'était toi, non ? On réfléchit pas forcément rationnellement dans ces cas-là. C'est sûr que ça fait mal de se dire que notre soutien et notre amour suffisaient pas, mais ce qui fait le plus mal, c'est de savoir que t'étais, toi, aussi mal que tu voyais pas d'autre solution. »

Moi, c'est surtout ça qui me bouffe. Qu'aucun de nous ait rien pu faire pour t'empêcher d'en arriver là. Qu'aucun de nous, même, se soit rendu compte que t'avais mal à ce point. J'avais peut-être que quatorze ans, mais n'empêche. J'ai rien compris quand t'as pas répondu à la porte, quand elle est restée désespérément fermée. Et c'est sans doute ça qui me fait le plus mal dans l'histoire. J'en suis pas à un état de saturation, c'est pas insurmontable, mais... Ca me fait suer, réellement.

« Toi aussi tu as le droit Adam.
- Mmmh ? »

J'ai un peu décroché, j'avoue. Et je remets les wagons, le temps qu'il regarde l'heure et avale sa mixture bizarre.

« Euh... Bah ouais, je sais, mais pour l'instant j'en ai pas besoin... Ca viendra bien un jour, je suppose, mais je suis pas pressé. »

Il boit son truc, j'entends presque déjà Maman râler, et ça me fait sourire.

« Tu veux venir avec moi à l'entraînement ?
- Et bah... »

C'est la première fois qu'il me demande et je suis un peu... sur le cul, ouais, ça tombe bien, je suis assis. Je me lève alors, tout à fait conscient que jusque-là, ça a toujours été à Sasha qu'il proposait ça et super flatté pour le compte.

« Tant que tu me demandes pas de venir dans l'eau... »

Un sourire, et à vrai dire, je sais pas quoi dire de plus. Je vais venir voir mon frère nager hors compétition officielle pour la première fois, et si on avait le moindre doute quant à l'effet que ça me fait, je crois qu'il suffit de voir mes yeux plein d'étoiles pour le savoir...

***

Je vois souvent ses regards qu'il a envers moi et j'ai le sentiments qu'il me pardonnerait tout, j'ai le sentiment qu'il tient à moi comme aux autres et qu'on fait tous partis de quelque chose de particulier, parce qu'on est une famille. J'aimerais pouvoir dire que c'est la même chose, seulement on ne va pas se le cacher, j'ai toujours eu plus d'affinité avec Sacha qu'avec mes deux autres frères. Peut-être parce qu'on avait neuf mois de différence, peut-être parce qu'on aimait les mêmes choses aussi. Je n'irais pas jusqu'à dire que je ne m'entends pas avec Adam et Tom, loin de là, on s’entend très bien, c'est juste qu'avec la différence d'âge ce n'est pas forcément évident de toujours se comprendre. Ce n'était évidement pas un problème pour Sacha, lui savait les comprendre. Il était vraiment le grand-frère idéal et j'aimerais tellement être comme lui, mais je crois que je mets la barre bien trop haute.

« Il n'avait pas l'air très réceptif, je crois que ce n'est pas ça qu'il attendait de moi.»

C'est même la dernière chose qu'il aurait aimé, à sa place je n'aurais pas apprécié non plus. Maintenant, j'espère qu'il me pardonnera et qu'on pourra repartir sur de nouvelles bases lui et moi. Je n'ai pas envie qu'il me déteste pour être aussi nul. Quand aux réunions … Je suis encore indécis. Je ne sais pas si ça me fait du bien ou pas puisque je ne parle pas, peut-être que si je faisais des efforts ça serait moins une perte de temps pour moi.

« Je vais mieux. Je t'assure enfin je crois.»

Ce n'est pas tout à fait vrai en réalité. Si j'allais mieux, je n'aurais pas si peur de remonter dans une voiture, si j'allais mieux, je n'aurais pas peur qu'on me voit au cimetière. Il y a des tas de signes qui ne trompent pas. C'est tellement dur d'accepter la perte d'un être aussi cher, ça me semble tellement surhumain et insurmontable. Je n'ai pas envie de croire que c'est vrai, parce qu'il me manque, il nous manque.

« J'ai toujours l'impression qu'il va arriver, qu'il est partie pour quelques temps et qu'il va repasser cette porte. Je n'ai pas envie de croire que c'est fini, même si je sais très bien que ça l'est.»

J'ai si peur d'oublier son visage, d'oublier sa voix. Je ne me rends pas compte que je ne suis pas le seul à souffrir de son absence, j'ai l'impression d'être seul dans cette perte, alors que ma famille est là. J'ai toujours eu le sentiment d'être un peu incompris, comme pour ma tentative de suicide, je crois que même Sacha m'en a voulu et qu'il n'a pas réellement compris pourquoi j'avais fais ça. Je voulais simplement disparaître à ce moment là. Je donne trop d'amour aux gens que j'aime, alors lorsqu'on me blesse ça me détruit entièrement. Je m'accroche trop vite et j'ai encore plus de mal à me décrocher. Je suis un peu comme une sangsue. Je n'ai rien ajouté de plus, ne voulant pas reparler de tout ça. C'est loin maintenant.

Il a l'air tellement surpris lorsque je lui demande de m'accompagner à l'entraînement. Avec lui aussi je dois repartir sur des bonnes bases et il est temps de tout recommencer aujourd'hui, mieux vaut tard que jamais. Je ris à sa remarque, j'avais presque oublié qu'il était beaucoup plus pudique que moi et moins à l'aise dans l'eau aussi. Ça a toujours été mon élément.

« Aller allons-y et peut-être que je ne serais pas en retard, ça éviterait que Daniel me crie dessus. Il y aura encore sûrement Jonas d'ailleurs.»

Daniel est mon coach et il n'aime pas vraiment me voir en retard, seulement je le suis souvent ces temps-ci, et Jonas c'est le colocataire de notre cousine, mais aussi le lifeguard de la piscine.

***

Une famille, oui, c'est rien de le dire. Peut-être que j'y attache trop d'importance, peut-être que j'ai beaucoup trop d'affection, d'amour, d'admiration pour lui. C'est comme ça, cela dit, et j'y peux pas grand chose. Je suis pas très volubile, mais j'aime chacun des membres de cette famille, profondément, et je crois qu'ils le savent, en tout cas je l'espère. Mais j'ai toujours regardé mes grands frères avec une profonde admiration. Et même si j'avais beaucoup d'admiration aussi pour Sacha, il faut bien admettre que ça a toujours été particulier pour moi quand il s'agissait de Will. Pourquoi ? Je crois que je serais bien en peine de le dire, mais ça a toujours été comme ça. Et je crois que c'était le contraire pour Tom. Et que si ça c'est pas très bien passé à l'instant avec Will, c'est peut-être en partie parce qu'il attend des réactions qui auraient été celles de Sacha.

« Il n'avait pas l'air très réceptif, je crois que ce n'est pas ça qu'il attendait de moi.
- A vrai dire, je suis pas sûr qu'il sache très bien lui-même ce qu'il attendait de toi. »

Je crois que notre petit frère est paumé, et qu'il se raccroche à ce qu'il peut. Mais la relation qu'il avait avec Sacha était différente, et il s'en rend compte, comme nous tous. Je suppose que c'est une étape à franchir, la réalisation de ce qu'on perd, de ce qui change avec son départ, l'acceptation de tout ça, avant de pouvoir réapprendre à vivre avec disons ces nouveaux paramètres.

« Je vais mieux. Je t'assure enfin je crois. »

Je hoche machinalement la tête. J'ai pas vraiment envie de me battre pour qu'il dise que c'est pas le cas, mais j'avoue que j'en doute un peu.

« J'ai toujours l'impression qu'il va arriver, qu'il est partie pour quelques temps et qu'il va repasser cette porte. Je n'ai pas envie de croire que c'est fini, même si je sais très bien que ça l'est.
- C'est pas quelque chose de facile à accepter. Ca viendra avec le temps, je suppose... »

Je saurais pas dire si j'accepte complètement moi non plus. Mais je fais avec, parce que je n'ai pas vraiment le choix en réalité. Et puis je me suis promis qu'il serait fier de nous, où qu'il soit maintenant, alors j'ai bien l'intention de tenir cette promesse. Et quand Will se lève pour aller boire son truc dégueu, là, je crois que je sais que cette conversation est terminée. Ce à quoi je ne m'attends absolument pas, cependant, c'est à ce qu'il me proposer de l'accompagner à son entraînement et après la surprise - et une pointe d'anxiété quant à l'idée de devoir me trimballer à moitié à poils là-bas - c'est un large sourire qui fleurit sur mon visage, parce que clairement, ça me fait énormément plaisir.

« Allez allons-y et peut-être que je ne serais pas en retard, ça éviterait que Daniel me crie dessus. Il y aura encore sûrement Jonas d'ailleurs.
- Oh... C'est vrai. »

C'est un détail que j'ai tendance à oublier. Mais c'est pas comme si je mettais beaucoup les pieds à la piscine, en même temps. A part pour les compét' de Will, ça a jamais été un endroit où j'appréciais vraiment aller. Je me suis levé, prêt à partir, mais me suis aussitôt frotté le menton, songeur.

« On prend ma voiture ou ?... »

Ou tu veux prendre ta moto, parce que j'ai bien compris que t'étais plus trop fan des caisses depuis l'accident. Mais si t'as toujours un deuxième casque, ça le fait pour moi, hein, comme tu le sens...

***

Je me demande comment Adam fait pour supporter tout ça, pour arriver à me soutenir, Tom et moi et lui alors? Qui s'occupe de lui? Cela devrait être moi, je devrais l'aider, être là pour lui, pour eux, comme un grand frère. Je n'y arrive juste pas encore. J'ai l'impression qu'on a retiré une partie de moi en m'enlever Sacha. Je sais que c'est cruel de le dire, parce que je les ai encore tous les deux, mais ça sera pareil s'il leur arrive quelque chose. Ils compte tous pour moi. Je reconnais que Sacha avait quelque chose en plus, mais cela m'aurait fait autant de mal si c'était eux qui étaient parti. Je ne serais jamais à la hauteur de Sacha, je le sais très bien. Je peux juste faire de mon mieux et être là pour mes deux autres frères, recommencer nos relations sur une bonne base. Je baisse la tête un peu honteux de ne pas être à la hauteur, de ne pas pouvoir les aider tous les deux, du moins pour le moment.

« Je suis désolé, j'aimerais pouvoir faire mieux que ça, j'aimerais vraiment, je ne sais pas encore comment faire.»

C'est une évidence. Je crois qu'il me faudra juste du temps. Comme il faudra du temps à papa pour me pardonner, même si personne n'aurait rien pu changer. C'était sûrement son heure et même si je hais cette expression, je dois reconnaître que les choses n'auraient peut-être pas été différentes si j'avais conduit, cela aurait pu être pire aussi vu comment j'étais bourré. Je lui ai donc proposé de m'accompagner à la piscine pour l'entraînement et ça me fait plaisir qu'il ait accepter de voir aussi son visage s'illuminer quand je lui ai proposer. Je ne pensais pas que ça comptait autant pour lui. Je me rends compte à quel point j'ai été nul de le laisser de côté, de les laisser de côté. Je prends mes affaires et l'écoute me demander si je l'accompagne en voiture ou si je prends ma moto. Je ne réfléchis pas deux seconde, pour moi il est évident que la voiture n'entre pas dans mon moyen de transport préféré depuis l'accident, ça ne me dérange pas de prendre le bus, le vélo ou même le train ou l'avion, mais la voiture … c'est encore trop tôt. Je prends donc mon casque et lui réponds :

« Je préfère ma moto, tu devrais tenter une fois, tu verra c'est beaucoup mieux que d'être enfermer dans une voiture.»

Ce n'est pas la réelle raison de mon refus à monter dans un quatre roue, non, il sait très bien pourquoi je refuse de remonter dans une voiture et à vrai dire c'est sans doute ridicule, mais tant pis, un jour peut-être je réussirais à passer cet étape, mais pas pour l'instant.

***

Je me suis jamais vraiment posé la question. Qui s'occupe de moi ? Bah... Pour l'instant, moi-même, je suppose. Mais à vrai dire, j'ai pas ressenti le besoin d'avoir quelqu'un sur qui m'effondrer. Ca fait un peu insensible, là ? Mmmh... C'est pourtant pas ça non plus. Bien sûr que je suis triste, et il n'y a pas un jour sans que je ne pense à mon frère, mais... Je sais pas. On est encore vivants, tous les cinq, et si je comprends tout à fait qu'on pleure Sacha qui est parti, je refuse d'arrêter de vivre. Et puis peut-être que cette promesse que je lui ai faite joue aussi. Je lui ai promis qu'il serait fier de nous, et je m'y tiens, et peut-être que c'est ça qui me fait tenir aussi. Un jour, sans doute que ça marchera plus trop bien, mais pour l'instant, je me débrouille. Ca fait un an, presque, et j'ai toujours pas vraiment craqué, je crois. Peut-être que je réagis juste pas de la même manière, au fond.

« Je suis désolé, j'aimerais pouvoir faire mieux que ça, j'aimerais vraiment, je ne sais pas encore comment faire.
- Je sais pas trop ce qu'il faut faire ou pas faire non plus, tu sais... »

Parce que non, je suis pas aussi parfait qu'il a l'air de le laisser entendre, et je sais pas si la façon dont je réagis est la bonne ou pas. Comme tout le monde, je suppose, on a le droit de se planter, hein... J'ai proposé ma voiture, mais sans vraiment grande conviction : je crois qu'on a tous compris qu'il avait du mal avec ce moyen de transport. Et je suppose que c'est une réaction assez normale, en fait.

« Je préfère ma moto, tu devrais tenter une fois, tu verra c'est beaucoup mieux que d'être enfermer dans une voiture.
- Ben si t'as un casque supplémentaire, je dis pas non moi... »

Parce que j'aime bien ma caisse, mais y a pas d'obligation à ce que je la prenne. Enfin sauf si t'estimes ne pas pouvoir me trimballer dans ton dos, ou si on prend pas le minimum de protection élémentaire - ça va, on a traversé un accident mortel, peut-être pas un deuxième de suite, hein, je crois qu'aucun de nous serait capable de s'en remettre dans ce cas - auquel cas je prendrai effectivement ma voiture. Et quand tu te sentiras prêt, on ira faire un tour ensemble, aussi. Histoire d'exorciser ça. Juste quelques pâtés de maisons, pour commencer, et puis petit à petit, tu te réhabitueras, tu verras. Quand tu seras prêt. Je trouverai toujours un petit moment pour ça, c'est pas comme si mon emploi du temps était si surchargé de toute façon.

« On est partis ?... »

Ce point de détail réglé, ses affaires en main, je crois qu'on n'a plus besoin de grand chose d'autre. J'ai mon lecteur mp3, aussi, parce que je suis pas sûr de pouvoir rester bien longtemps sans musique et j'ai attrapé mes lunettes de soleil. Je crois que c'est à peu près tout ce qui va m'être nécessaire. Pour la première fois, je vais assister à un entraînement de mon grand frère. Sincèrement, à cet instant, qu'est-ce que je pourrais demander de plus, après tout ?...
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Those three words

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