“ Change your life today. Don't gamble on the future, act now, without delay. Je suis né à Londres, j'ai grandi à Londres, et pendant des années, je suis resté persuadé que je quitterai jamais définitivement la capitale britannique. Comme quoi faut jamais dire jamais. + Mon sang est pourtant loin d'être purement britannique, et si j'use du nom de ma mère depuis que je suis arrivé aux Etats-Unis, c'est sous le nom de Tyszkiewicz que l'état civil londonien m'a vu naître. C'est également l'orthographe Tomasz (prononcer Tomach) que mes parents utilisaient dans la sphère privée, et ses diminutifs polonais. L'héritage de mes arrières-grands-parents débarqués à Londres au début de la seconde guerre mondiale, et fiers représentants du gouverment polonais en exil. Alors pourtant qu'ils ont tout perdu pendant la guerre, titres et possessions sans distinctions. + J'ai un petit frère et deux petites soeurs, pas très heureux de m'avoir vu partir et quitter le pays - et même pas pour la Pologne ! Je sens bien que je perds le contact, même si je m'efforce de prendre des nouvelles, plus ou moins régulièrement. + Ma famille est très croyante. Catholique, comme nombre de familles polonaises, même à Londres. Et j'ai grandi avec cet héritage, ces valeurs, ce code moral. Qui s'acclimate assez difficilement avec mes préférences. + Parce que je ne suis pas attiré que par les femmes, comme le voudrait ma religion. Ca n'a pas été évident d'accepter cette "différence" (qui ne devrait pas en être une à mon sens), et c'est passé par une rupture avec la foi dans laquelle j'ai grandi. A quoi bon continuer à croire en un Dieu qui refusait celui que j'étais ? + Il a fallu que j'arrive à New York et que je fasse la rencontre d'un prêtre plus progressiste que ceux qu'il m'a été donné de côtoyer à Londres pour que je renoue avec mes croyances. Et que je fasse la paix, réellement, aussi bien avec moi-même qu'avec Lui. + Mon histoire avec Dieu n'est pourtant pas un long fleuve tranquille, loin de là. Parce qu'outre mon attirance pour les deux sexes qui a remis en question Son existence à mes yeux, il a fallu que j'accepte Sa décision de rappeler à Lui la femme avec laquelle j'imaginais finir mes jours, et ça non plus, ça n'a pas été facile à accepter. Je ne dirais pas que j'ai complètement fait la paix avec ça, aujourd'hui, et si j'ai partagé la vie de quelqu'un d'autre depuis, je n'ai pas réussi à quitter l'alliance qu'elle a passé à mon doigt, il y a pourtant plusieurs années à présent. + On était jeunes, mais on était fou amoureux. On sortait à peine du lycée, mais on savait qu'on voulait vivre ensemble, fonder une famille, d'ici quelques années peut-être. Quand j'aurais fini mes classes, et mon contrat dans l'armée. Son cancer a été diagnostiqué deux ans après notre union, et elle a eu beau se battre contre lui, il l'a emportée, me laissant un amer goût d'injustice au fond de la gorge. Et j'ai beau adresser de nouveau mes prières à Dieu, je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi il a jugé bon de nous séparer. + J'ai appris à conduire à l'armée. Permis auto d'abord, auto par la suite. + Avec l'armée, mes nuits ont commencé à se voir raccourcies. Après la mort de Mary-Ann, elles se sont réduites comme peau de chagrin. Je suis incapable de dormir plus de cinq heures, et la plupart de mes phases de sommeil ne durent que trois ou quatre heures. Un rythme assez peu recommandable, mais qui est devenu mon quotidien. + Est-ce pour ça que j'avale des litres de thé et de café ? Qui sait... Pas une journée ne commence sans une grande tasse de thé, pas un week-end ne fait l'impasse sur le tea time et le reste de ma journée est rythmé par les tasses de café allongé. Et mon bagage culinaire mélange le pudding et le makowiec, les scones et le sernik, les baked beans et le żurek ou le barszcz, les fish'n'chips et les perogi... + J'ai beau être quelqu'un d'assez conciliant, et le pardon a beau faire partie de mes valeurs, ce que je n'arrive toujours pas à pardonner, malgré le temps passé, c'est la réaction de mon père lorsqu'il a appris "mes penchants", comme il dit. Après la mort de Mary-Ann, j'ai fréquenté un autre soldat, et cette relation n'a pas été de son goût, bien loin de là. Et si je n'ai pas été surpris qu'il soit réfractaire, je n'encaisse toujours pas qu'il en soit arrivé à cette extrémité-là. Je ne me serais jamais imaginé que mon père en arriverait à me taper dessus, réellement, au point que j'en porte les marques pendant les jours, les semaines qui ont suivi. Mais de ce jour-là, je n'ai plus remis les pieds dans la demeure de mon enfance. Et ma mère a demandé un divorce auquel elle n'aurait jamais imaginé se résoudre un jour. + Il y a un paquet d'années que je joue de la musique. Mais même avant d'en jouer réellement, elle a toujours fait partie de ma vie. Mon grand-père jouait du violon, et ma mère du piano. J'ai entendu ces instruments toute mon enfance, et les ai essayés avec plaisir. Et puis j'ai commencé à jouer avec mes potes, testant les instruments qui manquaient, délaissant la guitare que Sam a vite affectionné pour me concentrer sur la basse, accompagnant Loar dans les choeurs parfois. On s'escrimait dans son garage, à l'époque ado, et puis nos compos nous ont valu de monter sur de petites scènes... Je me suis jamais trop projeté dans l'avenir à ce niveau-là, tant que je pouvais jouer, ça m'allait. Je suis un peu tombé des nues quand on a été repérés dans un show. Et j'ai pas vraiment eu envie d'arrêter, bien au contraire, et d'autant moins que Mary-Ann m'y avait toujous encouragé. Mais peut-être que j'ai un peu trop la tête sur les épaules et besoin de sécurité : après l'armée, je me suis reconverti dans la sécurité, et j'ai jonglé entre les horaires de surveillance et le groupe. Depuis que je suis à Ne-York, c'est dans la police que je me suis enrôlé, mes états de service sur le Vieux Continent à l'appui de ma demande, malgré ma nationalité britannique. + J'ai jamais été un ultra-fêtard dans le sens où la débauche, ça a jamais été mon truc. Je suis capable de boire quelques verres, oui, et je tiens plutôt bien l'alcool, mais j'ai rarement été jusqu'à perdre le contrôle de moi-même. En revanche, je suis complètement capable de partir en live sur une scène de karaoké ou une piste de danse. Fred Astair, vous connaissez ? Faut pas beaucoup me pousser pour que je délire dès qu'il s'agit de performer. Et j'ai même pas besoin de boire pour ça. + Il y a trois ans que j'ai quitté Londres. Peu après que ma mère a quitté mon père, et que le divorce a été prononcé, après une bataille juridique aussi abjecte que les coups que mon père a portés. Ma mère a repris son nom de jeune fille, et j'ai entamé les démarches pour la suivre dans cette optique. Je crois que mes frères et soeurs ne l'ont pas très bien vécu. Aujourd'hui, je porte son nom, et j'en suis plutôt fier. + J'ai débarqué à New-York avec les gars, mais j'ai besoin de mon indépendance. On vit dans le même immeuble, mais à un étage d'écart. Et si je ne suis pas le voisin le plus chiant du monde, je pense que je me laisse parfois un peu trop emporter par la musique et que ça doit en faire chier quelques-uns. Pas très agréable d'entendre un type brailler Defying Gravity bien après le coucher du soleil, j'en conviens...