Just a girl, that's all that you'll let me be.
Je suis née dans une famille réservée. Les effusions, les clameurs, les marques d'affection, ça ne faisait pas partie de mon monde. J'avais cinq ans lorsque pour la première fois, ma mère me félicita pour mes prouesses en dessin. J'avais cinq ans, et je ne savais pas ce que c'était que de faire un baiser sur la joue de ses parents, le soir, en allant se coucher. Je ne savais pas ce que c'était que de rire aux éclats, non plus, et à l'école, on me trouvait trop timide, trop réservée, et plutôt que de tenter de percer ma carapace, on me laissait seule dans mon coin. J'avais cinq ans, et j'ignorais ce que les mots amour et amitié pouvaient bien vouloir dire. J'avais une petite soeur, qui aurait dû être mon amie autant que mon sang, mais je ne garde d'elle qu’une impression floue d’interdit : c’était leur petit trésor, surprotégée, et j'avais à peine le droit de la regarder. Croyait-on que j'allais lui faire du mal ? A l’époque, je n'avais encore aucun grief à l’encontre de ce bébé… Mais à les entendre m'interdire presque de ne serait-ce que l’approcher, j'ai conçu une rancoeur ravageuse à son égard… D'autant qu'être la plus grande devint vite un fardeau. « Non, tu ne pleures pas, tu es une grande fille maintenant, ça n’est plus de ton âge ces enfantillages ». « Non, ce manège-là, ce jouet-là, c’est pour les petits ». « Tu vois bien que je suis occupé avec la petite ? » « A ton âge, tu peux te débrouiller toute seule ». « Sois une gentille fille, n’embête pas maman pendant qu’elle donne le biberon à Amy... » Des phrases que tous les parents ont dit un jour à leurs enfants, sans imaginer les répercussions qu’elles pourraient avoir, bien des années plus tard.
Je me souviens vaguement du jour de l'accident. Papa devait être muté dans un grand journal de Londres, Maman revenait tout juste d'un de ses nombreux vols, et moi, renfrognée sur la banquette arrière, je commençais à compter les jours jusqu'à son prochain départ, tandis qu'Amy lui racontait par le menu tout ce qu'elle avait pu faire en son absence. Leurs visages s'effacent dans ma mémoire, des séquelles de l'accident, paraît-il. Mais je sais juste que le babillage incessant de ma cadette m'insupportait, que j'évitais de croiser le regard de ma mère, que je savais désapprobateur, et que lui, qui jetait des coups d'oeil alternativement vers l'une ou l'autre de nous deux, était le meilleur père au monde. Je ne saurais pas dire exactement ce qu'il faisait de si spécial... Je crois qu'il nous aimait, toutes les trois, indifféremment, tout simplement. Même moi. Et ça, ça n'avait pas de prix.
Je me souviens pas du choc, ni de ce qui a immédiatement suivi. Je me souviens seulement de l'hôpital, de l'odeur caractéristique des blocs, des murs immaculés, aseptisés. Et de l'information qu'on m'a transmise, avec des mots simples pour que je puisse comprendre du haut de mes cinq ans. Ils étaient morts, tous les trois. Et si la disparition de Maman tenait davantage du soulagement, celle de ma soeur me serrait un peu le coeur, sans que je parvienne à expliquer pourquoi, mais surtout...
-
Papa...Il ne pouvait pas être parti, il ne pouvait pas m'avoir abandonnée. Pas lui. Qu'est-ce que j'allais devenir sans lui ? Il n'y avait que lui qui m'avait jamais acceptée...
C'est pourtant ce que l'Eglise m'a confirmé, et j'ai passé des semaines à demander à Dieu ce que j'avais fait pour qu'Il juge bon de me prendre mon père. Des mois, même.
Mais en contrepartie, Il me les a présentés. Celui qui a pris la place de mon père, tout d'abord, celui qui m'a élevée à sa place, qui m'a tout appris, que j'ai d'abord vénéré parce qu'il représentait ce que je venais de perdre et pour quoi j'étais inconsolable. Dieu a fait en sorte qu'on s'occupe de moi, qu'on prenne la relève, et si je n'ai jamais bien compris pourquoi il avait fallu qu'on me prenne mon père d'origine pour ça, j'ai très vite assimilé que j'avais été choisie pour accomplir Sa volonté. Et ça, c'était une mission dont je me devais de me montrer digne.
-
C'est normal, Il l'a décidé ainsi. C'était ce que je répondais à à peu près tout ce qu'on pouvait me demander. Même si ça impliquait des hématomes, des plaies ou des os cassés. C'était normal. Tout ce qu'on me demandait de faire, c'était normal. Parce que Dieu l'avait décidé. Je rentrais d'un entraînement couverte d'ecchymoses grosses comme des ballons de handball, c'était normal, parce que je n'étais pas encore assez forte. Pas encore assez rapide. Jamais je ne me suis plaint de quoi que ce soit, parce qu'au fond, c'était ma faute. Et il fallait que je m'améliore, pour accomplir ce qu'Il attendait de moi.
What do you expect from me? What am I not giving you? What could I do for you to make me ok in your eyes? This is my Vietnam, I'm at war.
Mais quoi que je fasse, ça n'était jamais assez, aux yeux de mon Père, pour qui je n'étais "qu'une fille". Qu'une fille. Au début, je faisais tout pour être la meilleure, pour qu'il soit fier de moi. Je gardais l'idée que c'était mon Père, que je
devais le rendre fier. Mais les années ont passé, et jamais il n'a réussi à s'enorgueillir de la moindre de mes prouesses. J'étais la meilleure, j'en étais persuadée. Meilleure que toutes les autres filles, meilleure que la plupart des garçons, c'était peut-être la seule certitude que j'avais. Et comme je pestais intérieurement contre @"Kylian Byrne" et ses propres prouesses ! J'étais sûre que c'était par sa faute qu'aux yeux de mon Père, quoi que je fasse, ça n'était jamais suffisant. Qu'il aurait préféré s'occuper de lui que d'avoir ma charge. Mais est-ce que c’était ma faute, si je n’étais pas née de sexe masculin ? Est-ce que c’était ma faute, si c'était moi qu'on lui avait assigné, au lieu d'un des orphelins mâles ? Plus le temps a passé, et moins il s'est gardé de me le faire ressentir. Mais ça n'a jamais empêché que je fasse tout pour être la meilleure, pour ne pas le décevoir davantage que ce chromosome X pour lequel je ne pouvais rien. Parce qu'il était mon Père, mon modèle, celui qui a fait de moi celle que je suis, celui qui m'a élevé, ma seule famille depuis la perte de mon père biologique. Et tant pis si ça devait vouloir dire oublier une partie de moi, de ce qui me plaisait. Tout ce qui correspondait à la féminité, j'avais pris le parti de l'occulter. Pour ne plus être "qu'une fille" à ses yeux.
Et puis on m'a assigné un partenaire, dès que j'ai été assez grande, assez forte, assez rapide pour ça. Je savais que ça arriverait, c'était la norme. Et contre toute attente, ça a presque tout de suite collé.
Presque. Parce qu'au tout début, quand j'ai appris qu'il s'agirait d'un garçon, je me suis persuadé que ça ne pourrait pas aller, parce que je voulais pas qu'on me compare à un mec. Je ne voulais rien avoir à faire avec lui. Mais je n'avais pas le choix. Et s'il ne me venait pas à l'idée de commenter Ses ordres, je ne comprenais pas pourquoi il fallait qu'on m'associe à lui. Pourtant... Pourtant ça a été tout le contraire de ce que j'imaginais.
Je n'ai jamais vraiment été du genre expansif, je n'ai que rarement conversé avec les autres EFL, et de toute façon, je n'en côtoyais pas tant que ça, quand j'étais plus jeune. Même après d'ailleurs. Je retouchais quelques uniformes lorsque c'était nécessaire, évoquais les entraînements, envisageais de nouvelles tactiques, mais ça ne quittait jamais le domaine professionnel justement, je ne pouvais donc décemment pas dire que je connaissais réellement mes camarades. Je savais de quoi ils étaient capables, tous, au moins sur leur papier. Leurs armes de prédilection, leurs points forts, leurs faiblesses et leurs peurs parfois, je connaissais leurs visages, mais je ne cherchais pas à en apprendre davantage. Il y avait bien ce petit jeune dont le caractère me plaisait, mais je n'allais pas le lui dire - ne serait-ce que parce que c'était un mec. @"Jesse Klein" avait cette fougue dans laquelle je me reconnaissais, et quelque part, c'était assez... amusant, de le voir démarrer au quart de tour à chacune de mes piques. Mais ça en restait là, et les autres n'avaient même pas droit à ça.
I'm under some construction, I always had to try harder. But in this humble place, I'm feeling like red wine and I hope to get better with some time.
Pourtant, il y a
lui, celui avec lequel j'ai changé, appris à accepter d'autres parts de moi que ce que l'Eglise a pu m'apprendre. Celui avec lequel je chasse, celui qui partage ma vie - mais il ne pouvait pas en être autrement !
Combien de fois me suis-je réfugiée en salle d'entraînement, cherchant dans les coups sur les sacs lestés ou les lames dans les cibles le moyen de me défouler, de relâcher la pression que je mettais sur mes épaules, extériorisant dans la violence ce que je ne disais pas ? C'était l'endroit où il était le plus fréquent de me trouver, et il le savait peut-être bien. La salle résonnait des coups portés sur les sacs de frappe, et des bruits secs de mes membres fendant l'air à l'assaut d'un ennemi invisible. J'allais devoir faire équipe, et je n'en étais pas particulièrement ravie, bien loin de là.
Et il est entré. Je me suis arrêtée à peine ai-je entendu la porte s'ouvrir, avant même de le voir.
- Hey... Ca te dérange pas, que je m'entraîne avec toi ?
-
Je t’en prie… Si tu n’as pas peur de te faire humilier par une fille.- Pas le moins du monde... A moins que cette fille n'ait peur de se mesurer à quelqu'un comme moi ?
Un léger sourire a étiré mes lèvres, et je lui ai fait signe d'approcher, prête à en découdre. Il était un peu plus âgé, mais je n'étais jamais vraiment inquiète. Au contraire, c’était une occasion inespérée de montrer ce dont j'étais capable. Je l'ai laissé venir, parant sans trop de difficulté les premiers coups, contre-attaquant aussitôt, des coups qu’il parait à son tour...
- Tu te débrouilles plutôt bien.
Je n'ai jamais été du genre très bavard, encore moins pendant l’entraînement, mais puisqu’il m'adressait la parole, je me devais bien de répondre, n’est-ce pas ?
-
Et t’es pas trop mal non plus…Ambiguë, ma réponse ? Oui, et volontairement. Ca n’était que la stricte vérité, de toute façon : il se débrouillait vraiment bien en combat rapproché – je n’en avais pas vraiment attendu moins à vrai dire, nous sommes l'Elite, après tout – et oui, il était bel homme. Et j'avais beau tout faire pour me comporter comme les hommes, je n’en restais pas moins une jeune femme, et je n’étais pas aveugle non plus. Mais si j'avais affirmé ça du tac au tac, c’est que j'avais bien espéré profiter d’une seconde d’inattention pour rompre notre évidente égalité jusque-là. Quoi que je fasse, il parait. Quoi qu’il fasse, je parais. Mais ça avait eu l’effet escompté : il avait perdu sa concentration ne serait-ce qu’une fraction de seconde – et esquissé un sourire ? - et j'avais tenté une offensive. Il s’était repris suffisamment rapidement pour parer malgré tout mon attaque, et j'ai souri à mon tour : il avait sans doute compris le but de ma remarque à présent, et il contre-attaquait, encore, et encore, et encore. Le combat à mains nues n'était visiblement pas devenu une seconde nature que pour moi, pour qui les arts martiaux étaient tout autant une arme qu’un défouloir, un hobby qu’un outil de travail. Certes, ça n’était jamais très bon quand on se retrouvait au corps à corps avec un vampire, le risque restait terriblement grand, mais c’était juste indispensable. Et ça se ressentait sans doute dans ma façon de combattre : dans ces armes courtes qui ont ma préférence, dans ma manière de frapper.
Et puis c'est moi qui ai été surprise. Il a attaqué d’une manière que je n’ai pas pu anticiper, pour laquelle j'ai été incapable de réagir suffisamment rapidement. Ca n’avait rien à voir avec les techniques qu’on nous enseignait , ça n’avait rien à voir avec les arts martiaux que je connaissais, c’était encore autre chose, et je m’étais tellement attendue à ce qu’il se cantonne à ce qu’on faisait au sein des Fratres, que je n'ai pas été suffisamment attentive. Je suis tombée et... Et il m'a retenue ? Sur le coup, je n’en ai pas été absolument certaine, mais je refusais d'accepter qu'il ait pu vouloir me ménager de quelque façon que ce soit. C'était tout simplement hors de question. Hors de question également que je me laisse tomber sans réagir, et j'ai fait en sorte qu’il perde à son tour l’équilibre. Ce que je n'avais pas prévu, c’était qu’on finirait ainsi : dans la chute, je me suis retrouvée allongée au sol, et il n’a eu le temps que de plaquer ses mains autour de mon visage pour ne pas s’étaler complètement sur moi. Le souffle court, je suis restée immobile, mes yeux plongés dans les siens. Et il ne bougeait pas non plus. C'était moi où j'entendais son coeur battre la chamade. Son coeur ou le mien ? L’adrénaline du combat ? Ca devait être ça, ça ne pouvait être que ça, n’est-ce pas ?
Pourquoi ne se relevait-il pas ? Pourquoi ne bougeait-il pas ? Je ne comprenais pas. Et je n'ai pas plus compris ce qu'il s'est passé quand son visage s'est approché du mien, et qu’il est venu déposer un baiser sur mes lèvres. Incapable de réagir, je suis restée inerte, les yeux grand ouverts, paralysée par la surprise. C’était impensable. Pourquoi faisait-il ça ? Ca n’avait aucun sens. C’était... C’était... C’était agréable, et tendre, et doux. Et ça n’avait rien à voir avec ce que je connaissais. La tendresse, la douceur, ça n’était pas pour moi, ça ne faisait pas partie de ma vie. J'aurais sans doute dû le repousser, rompre cette étreinte et ce baiser... mais j'en étais incapable. Une part de moi rejetait en bloc ce contact, une autre ne voulait pas que ce lien soit brisé... et pourtant il l'a bel et bien été.
Car il s'est relevé. Il a détourné le regard. Il s’est éloigné de moi.
- Pardon.
Pardon ? Il venait de me voler un baiser, et tout ce qu'il trouvait à dire, c'était pardon ? Il venait de me voler mon premier baiser, même, et c'était tout ce qui passait ses lèvres ? Je l'ai observé pendant ce qui m'a paru une éternité, ne comprenant pas le moins du monde ce qui venait d’arriver, écoutant mon coeur qui battait la chamade, le sang pulsant dans mes tempes. 'Pardon'... Ca ne pouvait pas être une maladresse, il avait eu tout le temps de se rattraper, il avait eu tout le temps de rapprocher son visage du mien. Alors pourquoi me demandait-il pardon ? Il n’avait pas voulu ce baiser ? C’était pourtant lui qui me l'avait donné. Non, définitivement, je ne comprenais pas, je ne comprenais plus rien. Je me suis relevée, immobile face à lui, attendant sa prochaine réaction, mon regard froid braqué sur lui. Il n’y avait rien à y voir parce que je ne savais pas ce que je devais comprendre de ce qu’il venait de se passer, et que je savais donc encore moins comment réagir.
Je n'étais même pas vraiment en colère. Pas encore. J'étais juste... perplexe. Je voulais comprendre. En colère, j'aurais pu le devenir s’il m'avait dit à cet instant qu’il n’en avait rien à faire, que c’était juste comme ça, qu’on pouvait oublier. Ca, je savais que je ne pourrais pas l’oublier, j'en était persuadée. Mais il n’a rien dit, il me fixait, et moi je sentais mon propre coeur prêt à sortir de ma poitrine. Et finalement, il s'est rapproché, ses yeux plongés dans les miens, jusqu’à s’arrêter, tout près de moi, autant qu'on a pu l'être au sol auparavant. Respirer, il fallait que je respire. Depuis combien de temps avais-je ainsi retenu mon souffle ? Aucune idée, mais je sais que j'ai dû me forcer à reprendre une inspiration, comme si ça n’avait plus rien de naturel.
Si proche de lui, je sentais mes jambes trembler, poupée de chiffon prête à m’écrouler. Mais j'étais plus forte que ça, bon sang ! N’est-ce pas ? Peut-être pas, finalement. Je tremblais de tout mon être, est-ce qu’il s’en rendait compte ? Quand ses lèvres se sont à nouveau posées sur les miennes, j'ai enlacé sa taille, m’y raccrochant comme à une bouée de sauvetage. Qu’est-ce que c’était, déjà, que cette histoire que j'avais dû raconter une fois, à Amy, quand on était toutes petites ? Une histoire de prince et de princesse, avec des feux d’artifices et des papillons dans le ventre... Je ne m'en souvenais plus trop bien. Tout ce que je savais, c’était qu’ils étaient là, les feux d’artifices, dans ma tête, et que les papillons n’avaient pas simplement investi mon ventre, mais mon corps entier, aussi léger, aussi fragile à cet instant qu’une nuée de ces insectes aux ailes colorées.
Et que je ne voulais pas que ça s’arrête.
New, you're so new, and I never had this taste in the past. Don't let it go away, this feeling has got to stay and I can't believe I've had this chance now. Don't let it go away.
Et ça ne s'est pas arrêté. Parce que c'était lui mon binôme, et que contre toute attente, j'en étais ravie. On s'est tout de suite complété, ensuite, on s'est tout de suite entendu en salle d'entraînement et en dehors. Je saurais pas expliquer pourquoi, peut-être simplement parce que notre duo fonctionnait, peut-être parce qu'on était aussi opposés que complémentaires. Ou peut-être parce que si je n'ai jamais pu avoir la victoire que j'ai longtemps espéré de voir un jour une pointe d’admiration dans le regard de mon mentor, voire, ô miracle, de recevoir le moindre compliment de sa part, c'est dans le regard de mon partenaire que j'ai pu trouver cette lueur si particulière. Si mon Père n'a jamais manifesté la moindre fierté, malgré les années d’entraînement, je ne les effacerais pour rien au monde, parce que ce sont celles qui m'ont forgée, et celles qui m'ont permis de le rencontrer.
Parce que si c'était un rêve, je n'avais pas envie de me réveiller. Pour la première fois de ma vie, je goûtais à un petit bout de bonheur. Pour une fois dans ma vie, quelqu'un me désirait, telle que j'étais. Il n'y avait eu aucune condescendance, aucun mépris, aucun rejet de quelque sorte que ce soit dans son regard. C'était quelque chose de tellement plus puissant que j'en étais tout simplement bouleversée. Je m'en voulais d'avoir l'impression d'être une de ces gamines que j'avais toujours exécrées, surexcitée parce que la coqueluche du lycée l'avait invitée au cinéma, mais je ne pouvais rien faire contre mon cœur qui s'emballait chaque fois que je pensais à lui. Et puis... Et puis, si je devais bien être honnête, je les ai enviées, aussi, ces gamines surexcitées, et ça avait quelque chose de terriblement plaisant que de m'y comparer, autant que de particulièrement pitoyable à mes yeux de soldat.
Et il était hors de question que qui que ce soit me prive de ça. Certainement pas les autres membres féminins des Fratres. Oh ! Que je l'ai haïe immédiatement, @"Freya Coleman" ! Déjà avant qu'il ne se passe quoi que ce soit entre mon partenaire et moi, elle faisait partie de la même génération que moi, et si elle était douée, elle représentait déjà une menace à mes yeux, parce que je ne pouvais pas me permettre de lui être inférieure. Mais cette haine n'a fait que croître avec le temps, parce que la menace qu'elle représentait a pris une autre forme, dès lors qu'elle s'est rapprochée de
lui. Que ne donnerais-je pas pour planter une de mes dagues dans son coeur ! Je n'ai aucune raison légitime de le faire, mais je n'hésiterais pas une seconde, au moindre faux pas de sa part.
Parce que ce qu'il représente, je ne laisserais personne me l'ôter. Parce qu'il n'y a que dans son regard à lui que j'acceptais d'être féminine, déjà. Et qu'il n'y a que ses yeux qui se sont posés sur mes dessins, sur ces idées de couture que je n'avais évoquées auprès de personne, certainement pas auprès de mon Père.
- Tu devrais en faire quelque chose.
J'ai été surprise qu'il m'en parle de cette manière. A vrai dire, j'étais surprise qu'on y trouve le moindre intérêt. Alors j'ai fini par suivre son idée, par utiliser mon temps libre pour aller plus loin que les retouches des uniformes, par créer de toutes pièces des tenues que je n'ai montrées qu'à lui. Les premières fois, je n'étais pas très fière du résultat, mais petit à petit, j'ai pu affirmer mes designs, et me présenter à lui, dans le secret de nos chambres, dans des looks élaborés, et très différents les uns des autres. C'est de lui qu'a germé l'idée que ça pourrait nous servir, dans notre mission pour Lui. Parce que je pouvais être tellement différente d'apparence d'un design à l'autre que même lui qui me connaissait par coeur en était bluffé.
Les doutes cependant, ne résidaient pas que dans mon coeur, parce qu'aucun de nous deux ne savait comment notre relation pourrait être vue par Lui. Pourtant on n'était incapable de se passer de l'autre, définitivement. Et sous couvert de nos entraînements, nous nous retrouvions régulièrement, mais nous disputions parfois quant à la légitimité de notre couple. Et un jour, au cours d'une de ces discussions plus virulente que les autres...
-
Je t'aime comme tu es, et Il le sait. Et Il sait aussi que tu m'aimes. Il n'aurait pas laissé ces sentiments nous envahir, s'Il ne les cautionnait pas. Et puis... et puis Il sait que j'ai besoin de toi.Et si le ton était monté avant ça, parce qu'il ne supportait pas l'idée d'être un pêcheur, et que c'était de ma faute, et que s'il était évident qu'on s'aimait, il n'était peut-être pas d'accord avec cette relation comme on n'était pas certains que nos Pères l'acceptent, tout était retombé d'un coup. Je m'étais arrêtée de dessiner à son arrivée, et j'imaginais qu'il allait claquer la porte et que je m'y remettrais ensuite... Mais s'il y a eu de la déception et une pointe de colère dans son regard un instant, la surprise les avaient remplacées.
- Tu peux répéter ce que tu viens de dire ?
"Je t'aime". "J'ai besoin de toi". Des aveux que je n'avais jamais faits jusque-là. Des mots qui n'avaient jamais passé la barrière de mes lèvres, que j'ai prononcés naturellement ce jour-là, et que j'étais moi-même surprise de me les entendre dire. Ca n'aurait pas dû me sembler si naturel, ça n'était pas quelque chose que je faisais facilement, et pour cause, je n'ai jamais vraiment eu l'occasion de le faire. Et il a semblé aussi surpris que moi, parce que malgré tous ces mois passés ensemble, jamais je n'ai avoué ce que je ressentais autrement que par mes baisers, par nos mains enlacées ou par des regards débordant de tendresse. Je me suis mordu la lèvre, j'ai hésité une seconde à l'envie de le taquiner, mais je n'ai pas pu résister à l'envie irrépressible et démesurément plus forte de l'embrasser qui m'assaillait. Ca ne m'a jamais semblé si indispensable, que de dire c'est trois petits mots jusque-là, et à présent que j'en réalisais toute la force, je ne pouvais plus m'empêcher de les prononcer de nouveau. C'était tellement bon d'avoir quelqu'un à qui les dire, et ça n'a fait que me confirmer à quel point Dieu peut être Amour...
-
Je t'aime...Encore, et encore, et encore entre chaque baiser que j'ai déposé sur ses lèvres, et qu'il ma rendu avec une certaine fougue qu'il n'avait jamais laissé s'exprimer jusque-là. Une fougue qu'on n'a pas pu éteindre, pas su restreindre, ni l'un, ni l'autre, ce soir-là. Est-ce qu'on en a seulement eu envie ? Pas le moins du monde, je crois, pas moi en tout cas. Et quand je me suis réveillée dans ses bras, et que je l'ai regardé un long moment, encore endormi, avant qu'il n'ouvre les yeux et me sourie, j'ai su que c'était ainsi que je voulais m'éveiller chaque jour que Dieu fait.
Pourtant je savais qu'au fond de son regard, il y avait ces doutes quant à la légitimité de notre couple. Après tout, nous n'étions pas mariés, et ce qu'il se passait dans le secret de nos chambres n'était pas censé arriver. Et peut-être que nous étions pêcheurs, mais je ne pouvais pas croire que Dieu ne nous aient unis que pour nous faire succomber à la tentation. Non, j'étais persuadée qu'il nous avait mis sur le chemin l'un de l'autre à dessein, et qu'il était dans Sa logique de faire de nous un couple, qui ne pouvait finir que par être accepté par nos Pères.
C'est contre ton cœur moite que je m'endors, vivante et belle sous tes mains.
Pourtant je suis devenue pêcheuse.
D'abord parce que j'ai cédé à la Colère bien des fois lorsque nos conversations s'envenimaient au sujet de notre relation. C'est un sujet sur lequel nous n'arrivons pas à nous entendre, et si je ne reviens pas aussitôt qu'il a claqué la porte, ça n'est clairement pas que je m'en fiche. Ca me fait mal aussi, même si je me tais à chaque fois, et ça n'est pas pour rien que je lui saute littéralement au cou la fois d'après : c'est véritablement là que je montre ce que je ressens. Et des portes qui claquent, il y en a eues. Des larmes qui coulent, aussi, bien que personne n'en ait été témoin, pas même lui à qui je n'ai jamais accepté de les montrer. Peut-être que c'était de l'orgueil mal placé. Et peut-être que j'aurais dû lui laisser voir aussi cette part de moi. Je n'ai encore jamais pu m'y résoudre. Et certainement pas cette fois-là.
Parce que cette fois-là, j'ai commis l'un des pires des péchés : j'ai pris la vie d'un innocent. Ou d'une innocente.
Je n'ai jamais pu lui en parler. Je n'ai jamais pu lui avouer. Quand j'ai commencé à avoir des doutes, je me suis isolée, avant d'en avoir le cœur net. J'espérais tellement que ça ne soit pas "ça". Je ne pouvais pas être rejetée par ma seule famille, je ne pouvais pas me retrouver loin de lui, encore moins le décevoir.
Pitié, faites que ça ne soit pas ça... Je ne sais pas combien de fois je L'ai supplié. Les nerfs à fleurs de peau, je faisais mon maximum pour me contrôler et pour réguler les envies qui me prenaient, parfois, d'envoyer paître tout le monde, juste parce que je ne pouvais retirer cette angoisse de mon esprit. On s'est disputés tous les deux, peu avant que je ne vérifie, et je ne lui ai rien dit. J'avais envie de l'embrasser, et de lui murmurer qu'il allait peut-être être papa. J'avais tout autant envie de pleurer et de me blottir dans ses bras, comme si d'un souffle il avait pu balayer tout ce qui me tracassait. J'avais envie de hurler, de lui crier dessus, parce qu'il ne pouvait pas comprendre ce que j'étais en train de vivre. Mais je ne pouvais pas faire ça. Lui qui avait déjà du mal avec notre couple par moments, je ne pouvais pas mettre ce poids supplémentaire sur ses épaules. Et je refusais de lui montrer ma détresse. Je suis une EFL. Je suis forte. Je n'ai pas le droit de craquer, jamais. Je me le suis répété, inlassablement. Et quand j'ai fini par faire les vérifications nécessaires, le couperet est tombé.
J'étais enceinte.
But to cry in front of you, that's the worst thing I could do...
Les quelques minutes nécessaires au test m'ont semblé interminables, une véritable torture. Le résultat a été pire encore. Je ne suis pas faite pour être mère, mais certainement pas comme ça, alors que nous n'étions même pas mariés. Et j'ai été faible. J'ai pleuré, comme jamais je n'ai pleuré jusqu'alors. Prostrée dans ma cellule que je venais de dévaster, la tête enserrée dans mes mains crispées, j'ai laissé d'amères larmes couler, et couler encore... Comme si tout ce que j'avais toujours retenu était venu exploser ce jour-là, brisant l'armure que j'avais passé tant d'années à me forger, balayant par la même occasion ma belle assurance et ma détermination sans faille. Pas si infaillible que ça, manifestement... Ah ! Si j'avais pu m'endormir et ne pas m'éveiller, ne pas avoir à recroiser son regard, à repartir sur le terrain avec lui... Ce jour-là, c'est ce que je me suis répété. Le lendemain, j'ai donné le change, comme toujours, pour lui autant que pour les autres. J'ai souffert en silence, ravalant les larmes qui n'ont pas manqué de me monter aux yeux quand j'ai posé mon regard sur lui.
Et j'ai fait ce que j'avais à faire. J'ai pris rendez-vous dans un hôpital civil, hésité, annulé le rendez-vous, et j'en ai repris un autre, me persuadant que c'était le mieux à faire. Je ne sais plus combien de fois. Tout ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui encore quand je songe à ce petit être qui commençait tout juste à se former en moi, je ne peux m'empêcher de songer que je suis une meurtrière. Et qu'il me haïrait s'il le savait. Et ça, ça n'est pas concevable. Parce que plus encore que tout le reste, c'est lui qui m'a donné le sentiment d'exister, vraiment. D'exister aux yeux de quelqu'un, au-delà de Dieu, d'en faire la fierté.
Le médecin n'a eu de cesse de me mettre en garde contre les impacts psychologiques d'une telle démarche, de chercher à savoir si j'étais certaine de ma décision. Mais il a fini par hocher la tête, simplement, m'a proposé d'éviter l'opération, puisque les résultats de la méthode médicamenteuse étaient très bons.
- Il y a des exceptions, bien sûr, mais c'est assez rare...
Pas tant que ça, manifestement, puisque ça n'a pas fonctionné pour moi, et qu'il a fallu intervenir autrement. Je n'ai pas réagi à cette annonce, malgré la tempête qui régnait sous mon crâne. Et si c'était un signe de Sa part ? Et si mon corps refusait de mettre un terme à tout ça parce que ce n'était pas Sa volonté ?
- S'agissant d'une grossesse non désirée, j'imagine que vous souhaitez une intervention au plus tôt ?
Il sortait déjà son planning, le médecin, alors j'ai suivi. Parce qu'un instant, je me suis vraiment demandé ce que j'allais lui répondre.
- Je peux vous proposer le douze, si ça vous convient ?
-
Très bien. Vous avez besoin de combien de temps ?Question rhétorique, je savais que c'était rapide. Mais il m'a conseillé de prendre du repos, en plus de la journée de l'intervention, ce que je n'ai pas fait. J'ai hoché la tête pour avoir la paix, en sachant pertinemment que je n'en ferais rien. Hors de question d'éveiller davantage les soupçons. Et de fait, l'après-midi même, j'étais en salle d'entraînement, défoulant mes frustrations sur les sacs de frappe, comme je l'ai si souvent fait par le passé. Sauf que cette fois, ça ne changeait rien. J'avais beau frapper et frapper et frapper encore, j'avais toujours mal. J'avais beau m'essouffler, sentir mes muscles me crier d'arrêter, la douleur physique n'avait rien de comparable avec ce que je ressentais. Et j'avais beau me mettre en danger - à m'escrimer dans cette salle alors que j'aurais dû me reposer, autant qu'en entraînement les jours suivants - je m'en fichais éperdument.
Je ne sais pas si le secret médical a été gardé. Je ne sais pas si ma faute a été connue. Je sais que j'ai parfois été tentée de confesser à un prêtre l'horreur de mes méfaits, mais ce n'est qu'à Dieu, dans le secret de ma chambre, que je l'ai jamais révélé. Et la douleur est restée, lancinante et sourde, à peine effacée par la Colère, qui, elle, n'a fait que croître. Contre moi-même, contre lui, un peu, parfois, comme il ne se rend compte de rien et doute toujours parfois du bien-fondé de notre relation, contre l'Eglise alors même que je ne sais pas s'ils refuseraient tant que ça notre union, contre toutes celles qui l'approchent, et que je tuerais volontiers de mes propres mains, s'il ne s'agissait de nos camarades - mais elles ne perdent rien pour attendre.
Je me focalise sur les entraînements, les missions, mes créations, que je prends de plus en plus de temps à confectionner. En occultant les croquis qui prenaient des allures de collection femme enceinte, toutefois. Même lui ne les a jamais vus. Pour le reste... Disons que je me suis fait plaisir. Toutes les idées qui me passaient par la tête ont fini sur papier, puis en tissu. Et la première fois que ma coupe de cheveux - ou plus exactement la perruque travaillée - a été assortie à ma tenue, j'en ai entendues des remontrances, et particulièrement de la part de mon Père ! Sauf qu'une idée a germé. Dans sa tête, dans le reste de notre hiérarchie. Ca pouvait être utile. Et je suis devenu le caméléon d'usage, l'usurpatrice. Ma corpulence, ma taille de guêpe, m'ont menée à une carrière de modèle utile pour certains milieux - particulièrement dès lors que Klein a été renié. Et ma faculté à endosser des apparences diverses ont permis des infiltrations qui auraient sans doute été plus complexes autrement.
Et puis il y a eu ce jour, où un projectile lui a foncé droit dessus. Et il ne semblait pas l’avoir vu, et ne bougeait pas. Je mentirais si je n'admettais pas que pendant quelques mois, nous avons été quelque peu distants. Pourtant ce jour-là, je n'ai pas hésité une seconde. Ce jour-là, même si je ne savais pas d’où c’était venu, la menace était trop grande pour que je suive bien sagement mes ordres initiaux qui m'imposaient de rester en arrière. Et je me suis élancée à mon tour, parce que j'étais certaine qu'il y resterait. Et ça, je ne pouvais simplement pas le supporter. Alors j'ai couru à sa poursuite, désobéissant sans doute pour la première fois de ma vie à l’ordre qui m'avait été donné, et je l'ai poussé, le déviant de la trajectoire du projectile qui lui fonçait littéralement dessus. Plaqué au sol. Sauf que je n'avais pas prévu de me retrouver ainsi allongée sur lui dans la chute, étrange miroir au jour où il m'a embrassée pour la première fois. Il a eu l’air surpris, et mon propre cœur s’est emballé, une fois encore. Stupide organe ! Il ne pouvait donc pas se taire deux minutes ? Non, manifestement non. Et je n'ai pas résisté à l'envie de l'embrasser. L'instant d'après, je me relevais d’un bond ou presque, détachant mon regard de ses prunelles, juste assez longtemps pour laisser la colère m’envahir, et mon poing s’est abattu sur sa joue avec toute la violence dont j'étais capable.
-
Je sais pas ce qu’il s’est passé, et peut-être que ça me regarde pas, mais c’est pas ton genre de te laisser surprendre comme ça ! C’est quoi le problème ? T’es si pressé que ça d’y passer ? Et bah voilà un scoop : je te laisserai pas mourir avant moi !Jamais je ne pourrai le laisser derrière moi, c'était dit. Sous le coup de la rage, et sans doute pas de la meilleure façon qui soit, mais c'était dit. C'était pas le discours du parfait petit soldat dont j'endossais d'ordinaire le rôle, mais c'était dit. Il avait failli mourir, là, sous mes yeux et je n’aurais jamais pu supporter ça. Il ne mourrait pas, pas plus qu'il ne se ferait avoir par ces engeances du diable. Pas avant moi, pas tant que je vivrai. Parce que même si je devais y rester, je ferais tout pour le protéger, quoi qu'il arrive. C’était ça aussi notre rôle, non ? Je ne peux pas m'empêcher de songer que @"Declan Finnigan" a failli à sa mission quand son partenaire a été vampirisé, et je me suis fait la promesse que ça ne nous arriverait pas. Qu'on resterait meilleurs qu'eux. Quoi qu'il puisse arriver, dans cette mission ou une autre, je m'en fichais d’avoir le corps lacéré, je m'en fichais de la douleur à chacun de mes gestes parce qu’ici ou là, il y aurait des éclats, des blessures, sur mes bras, ma poitrine ou mon ventre. Tant que lui serait sauf. Je ne m'en ficherais jamais, en revanche, de savoir qu’il était blessé lui aussi, même si c’était minime, même s’il avait évité le pire, parce que je n’avais pas pu le protéger suffisamment bien. Et encore moins d'être à l'origine de cette blessure qu'il n'a pas vraiment pu dissimuler pendant les jours qui ont suivi.
- Tu m’as sauvé la vie.
-
C'est mon rôle. Mais j’ai transgressé un ordre pour ça, et j'ai blessé un collèque, je devrais sans doute être châtiée pour ça...L'évidence. Pour moi tout du moins. Tout comme il semblait évident qu'il n'était pas étranger à ma grâce.
- Ca, je m'en remettrai. Tu m'as sauvé la vie, le reste n'a pas d'importance...
Oh que si ça en avait de l'importance, pour moi tout au moins ! Je l'ai frappé. Et c'était tout ce que ce coup sous-entendait qui importait, tout ce que je n'avais pas pu contenir et qui s'était exprimé sous la forme de cet oeil au beurre noir qu'il n'avait pas d'autre choix que d'arborer. Qu'est-ce qu'il pouvait bien en comprendre, à présent ? Qu'est-ce que ça pouvait lui montrer ? Que je n'en avais pas rien à faire de lui ? En avait-il réellement douté ? Que je ferais éternellement passer sa vie avant la mienne propre ? La question se posait-elle réellement ?
-
Je...J'ai regardé cet hématome sur son visage, porté la main vers lui. J'étais désolée de cette marque qu'il allait devoir porter quelques jours encore. Mais non, définitivement, je ne pouvais pas lui expliquer ce qui restait secret, sous-entendu dans ce geste. C'était sans doute mieux comme ça, ça ne servait à rien de revenir sur ce qu'il s'était passé, de lui faire plus de mal encore pour rien. Le couteau remuait bien assez dans mes plaies, béantes, à moi.
- Meg... Sans toi, je serais même plus dans ce bureau, maintenant. Comment je pourrais t'en vouloir pour ça ?
Sa main a suivi la mienne, vers son visage bleui. Et mes lèvres sont revenues chercher les siennes, comme tellement de fois auparavant. Parce qu'on était faits l'un pour l'autre. Parce qu'on était faits pour être ensemble. Pour travailler ensemble. Pour assurer l'avenir des EFL, et l'avenir du monde, ensemble. Il ne peut pas en être autrement. Il ne peut pas être sans moi, tout comme je ne peux pas être sans lui. Ensemble nous sommes forts. Et personne ne le remplacera jamais à mes yeux.
Give me strength to carry on 'till my life is done. Everybody wants the glory but you better remember : the fight is to the end.