Quelle douceur et quel bien cette embrassade provoquait chez l’Adepte ! Il ne croyait plus pouvoir un jour se retrouver ainsi dans les bras d’un homme qui semblait tout autant que lui apprécier cette situation.

L’odeur d’Aaron emplissait ses narines, c’était presque bestial et indubitablement, quelque chose se passait entre eux, c’était hormonal aussi certes mais il n’y avait pas que cela, c’était comme s’ils trouvaient l’un chez l’autre des éléments invisibles qui leurs correspondaient et se complétaient peut-être.

Le héraut avait à son tour enfoui son visage dans la nuque du Mage qui tentait, tant bien que mal d’ignorer son bas ventre – et pas que le sien- un peu trop insistant. Il aurait vraiment souhaité rester ainsi pendant des heures mais c’était tout bonnement impossible.

Il n’avait pas froid non, loin s’en fallait son corps excité se faisait fort de lui interdire toute sensation de fraîcheur pour le moment et corps du héraut par-dessus le sien faisait parfaitement office de bouillotte. Non, ce qui le gênait réellement, c’était plutôt le sol qui prenait un malin plaisir – ou pouvait-on le croire – à lui labourer le dos et les omoplates. Sans compter le poids du héraut du Sénéchal qui pesait sur lui.

L’Adepte réfléchissait tout en répondant à Aaron en lui disant qu’il n’avait vraiment pas froid sur un ton qui sous-entendait qu’au contraire, il était plutôt échauffé.

Il ne souhaitait pas plus que le blanc bouger de cette position, mais comment faire ? Il n’allait tout de même pas user de magie pour arranger son confort ? Et quand bien même il l’aurait voulu, qu’aurait-il bien pu faire ? Ce n’était pas si évident en réalité dans ce cas présent.

A son grand regret, il devait bien admettre que la seule réelle solution était bel et bien de se relever.

« Je suis désolé, mais j’ai trop mal au dos, tu veux bien te relever ? »

Avec un grand soupir de résignation, l’>Adepte attendait d’être libéré à son grand désarroi puis reprit :

« Nous pourrions peut-être aller dans un endroit plus confortable pour nous enlacer ? Et plus discret aussi. »

Le Mage ne pensait en faut qu’au bien du héraut en disant cela, même s’il avouait que se mettre au coin d’un feu dans les bras du bel homme ne le laissait pas indifférent pour finir la soirée et peut-être même la nuit. Toutefois, il réalisait juste comment ces propos pouvaient être interprétés et un rouge de confusion expliqua bien vite ce qu’il pensait vraiment.

« Je ne veux pas forcément dire dans un lit, on peut se mettre au sol, euh…. Ou même sur une chaise…. Où tu veux…. »

Et à chaque fois, des images un peu trop nettes et surtout bien trop érotiques des deux hommes dans ces endroits venaient à son esprit. Ses joues étaient désormais cramoisies et il dut encore une fois reprendre.

« Je ne parle que de rester enlacés, je te le jure ! Mais ça ne veut pas dire que je ne voudrais pas de toi autrement, au contraire…….. Bref, j’abandonne, on fait ce que tu veux où tu veux, tout simplement »

L’Adepte soupira cette fois de soulagement car il ne pouvait pas être plus clair et ne souhaitait en aucune manière laissait penser au héraut que seul le physique l’intéressait dans leur relation naissante. Mais enfin, il n’était pas capable non plus de démentir le fait d’être réellement attiré et, de ce qu’il en savait, l’attirance était réciproque. Mais puisqu’Aaron lui avait fait savoir qu’il ne faisait pas « ça » sans sentiments et que leur relation était encore trop jeune pour qu’il puissent vraiment dire ce qu’ils ressentaient pour l’autre, à fortiori dans un état d’ivresse avancée, mieux valait prendre les devants.

Manuchan regardait les yeux d’Aaron et soudainement se rendit compte d’un chose…. Amusante. Ou inquiétante ? Ou plaisante ? Il n’aurait su le dire.

*Aaron…. C’est l’anagramme d’Aanor ! Comment ne l’ai-je pas remarqué auparavant ? Serait-ce un signe ou une vulgaire coïncidence ? Est-ce grâce à elle que tout se passe si bien ? Non, c’est ridicule, il a été ainsi nommé très probablement avant qu’Elle ne se fasse connaître à nouveau…. Mais ça ne veut rien dire pour une Déesse, si ?*

C’était en tous cas un peu troublant, mais au final, était-ce si important ? Probablement pas. Ce qui l’était en revanche c’était de voir à quoi aboutirait leur relation, s’ils pourraient tous deux sortir de leur souffrance grâce aux sentiments qu’ils éprouveraient l’un pour l’autre ou si, au contraire, ils en souffriraient à nouveau.

Si on lui avait prédit que ce soir, il se retrouverait dans cette situation, et qu'il l'apprécierait, même, il ne l'eût sans doute pas cru. Et si les Greystoke savaient ça, sans doute renieraient-ils purement et simplement l'enfant qu'ils avaient adopté. Cette pensée, bien loin de le chagriner, avait même plutôt tendance à le faire sourire. Rien de ce qu'il avait fait jusqu'à son Election n'avait trouvé grâce aux yeux de son tuteur, et si Raïna n'était pas entrée dans sa vie, sans doute que ce n'eût jamais changé. Même par la suite, la seule chose qui importait au patriarche, c'était que son pupille ne déshonore pas son nom, et aujourd'hui encore, tout ce qui l'intéressait était sans le moindre doute de pouvoir affirmer fièrement qu'Aaron Greystoke était le Héraut du Sénéchal. D'ailleurs, il n'avait plus jamais eu de nouvelles ni d'Isalina, ni de Laurelina, les deux filles avec lesquelles il avait grandi... Sans doute étaient-elles mariées à quelque bon parti depuis, il n'en avait même pas été informé. Et s'il n'éprouvait pas de réel regret, si les sentiments romantiques qu'il avait pu avoir, adolescent, pour la plus jeune étaient depuis longtemps éteint, il restait quelque peu déçu d'être ainsi écarté de la vie de ces deux femmes qu'il considérait comme des soeurs. Comme quoi la notion de famille lui était réellement étrangère...

Toujours était-il que, quoi qu'on en pensât, il était bien, là, quand bien même ça n'était pas la situation la plus orthodoxe qui soit et n'avait pas réellement envie d'y mettre un terme. La façon dont le Mage lui répondit concernant le froid qu'il eût pu ressentir - ce qui était donc loin d'être le cas - ne le laissa pas vraiment indifférent, et dans un tout autre registre, le fait que son dos le fît souffrir non plus. A sa demande, le Héraut s'empressa de se redresser, le libérant de son poids, regrettant cependant déjà la chaleur de son corps contre le sien. Encore assis à même le sol - définitivement gelé, mais lui-même s'en fichait un peu aussi - alors que Manuchan proposait de gagner un autre endroit, plus confortable et plus discret, le Blanc esquissa un sourire. Un peu embarrassé, à vrai dire, parce que oui, les pensées qui traversaient son esprit approchaient grandement de celles que l'Adepte visualisait, et que, donc, il refusait encore et toujours, malgré l'ivresse, de se laisser aller s'ils devaient en venir, l'un comme l'autre, à le regretter tout prochainement. Valeur morale exacerbée que même l'alcool n'arrivait pas à effacer...

Et comme le Mage s'enfonçait dans des justifications qui prêtaient sans cesse à confusion, ses joues devenant chaque fois plus cramoisies, Aaron s'approcha à nouveau de lui, sa main attirant sa nuque à lui, et l'embrassa à nouveau. Un peu pour le faire taire, qu'il arrête de se perdre dans des explications dont il n'avait, au final, pas besoin, et puis surtout parce qu'il en avait terriblement envie, que justement sa façon de s'inquiéter de ce qu'il pouvait penser le touchait chaque fois un peu plus, qu'il se sentait définitivement terriblement attiré par lui, et tout autant physiquement - leurs corps les trahissaient bien trop facilement à ce niveau - que par sa façon d'être.

« Tout va bien, ne t'en fais pas... » souffla-t-il comme leurs lèvres se séparaient à nouveau, histoire de rassurer l'Adepte quant à ses inquiétudes.

Au final, l'idée de passer la nuit en se compagnie lui plaisait, quand bien même il n'était question que de chaleur humaine tout ce qu'il y avait de plus anodine. Encore que...

Le Héraut se releva finalement, plus ou moins assuré sur ses jambes, tendant la main à Manuchan tant pour le soutenir comme il se remettait debout à son tour que parce que le contact lui manquait.

« Donc... Où va-t-on ? »

Lui, il s'en fichait, tant qu'ils y allaient ensemble. Et le ton un peu trop euphorique contrastait drastiquement avec l'air sombre et renfrogné qu'il avait eu tout le début de la soirée, qu'il avait presque tout le temps, d'ailleurs, depuis plusieurs saisons même... S'en rendait-il compte ? Pas tout à fait. Un peu, tout de même, il se sentait plus joyeux, plus heureux qu'il ne l'avait été depuis... des lustres. C'était ridicule, pourtant, d'ainsi s'emballer après quelques heures... n'est-ce pas ? C'était l'alcool, n'est-ce pas ? Rien n'était moins sûr à ses yeux, il était saoul, certes, mais pas assez pour ne pas garder de souvenir de cette soirée, ni pour ne pas avoir encore conscience de ce qu'il faisait et ressentait. Certes, un bon paquet d'inhibitions s'étaient fait la malle, mais il restait certain qu'il ne regretterait pas le moins du monde au réveil, quand bien même celui-ci risquait d'être rude. Et donc, il lui faudrait revaloir ça à sa moitié, n'est-ce pas ? Un sourire, encore. Ca aussi, il fallait qu'il réapprenne, finalement. Mais il lui semblait que c'était plus facile en compagnie du Mage à ses côtés.

Le baiser inattendu du héraut et la sensation de sa main sur la nuque du Mage lui coupèrent littéralement le souffle. Il ne s'attendait pas - loin s'en fallait - à autant d'assurance de la part d'Aaron. C'était apparemment à son tour de prendre un peu les devants et c'était loin de déplaire à l'Adepte qui avait un peu tendance à se laisser porter quand il était un peu perdu. Est-il utile de préciser que c'était particulièrement le cas à ce moment?

D'aucun n'aurait pas forcément compris cette sensation chez un homme qui venait tout du moins en apparence, de trouver ce qui lui manquait le plus, mais y croire vraiment aurait été une gageure que Manuchan ne pouvait se permettre, de crainte d'en souffrir plus encore. Bien sûr, cette situation était des plus agréables et il aurait été bien sot de ne pas profiter pleinement de ces moments de joie partagée. Mais d'un autre côté, que se passerait-il le lendemain? Il était en fait plus alcoolisé qu'il n'aurait bien voulu l'admettre, peut-être ses sentiments pour le héraut changeraient-ils une fois sobre? Et ceux d'Aaron également?

Si cette soirée, et peut-être cette nuit devait disparaître dans les profondeurs du non-dit et de la fuite, Manuchan retournerait alors à son âme dévastée et aurait perdu une parcelle supplémentaire de son cœur. Peut-être un jour n'en aurait-il plus, ce jour signifierait alors sa disparition avant de finir par blesser quiconque car la dépression pouvait trop aisément le conduire à la rage, un moyen de protection inconscient très probablement mais présent dans tous les cas.
Le blanc pouvait lui dire que tout allait bien et presque l'en convaincre, mais si tout allait bien pour ce soir, cela pourrait-il être éternel?

*Pfouuuuuu, que tu es lourd mon pauvre !*

Le Mage se serait volontiers mis des gifles pour mettre un terme à ces pensées mais , pour le coup, ça aurait plus probablement fait fuir l'objet de sa convoitise qu'autre chose ! Il n'était tout de même pas à ce point dans les affres de la boisson qu'il se rendait pas compte.

Aussi, sitôt la main tendue attrapée pour l'aider à se relever, ce fut à son tour d'attirer Aaron pour l'embrasser, car, également, il en avait terriblement envie. Il avait toujours aimé embrasser et à plus forte raison quand, même s'il n'aurait jamais osé le dire pour le moment, il pensait pouvoir aisément être amoureux de l'homme face à lui.

Restait à décider de ce qu'ils allaient faire, maintenant qu'il s'était rendu ridicule en rougissant comme un adolescent pré-pubère en tentant de rassurer son peut-être futur amour sur ses intentions, chastes ou non.

"Peu importe en fait, je te suivrais où tu veux." Dit-il d'une façon plus soumise qu'il ne l'aurait voulu. A croire qu'Aaron remplaçait aisément la bouteille désormais en miettes. C'était en quelque sorte là le fin mot de l'histoire car l'Adepte était tout simplement accro à l'amour et par extension, à ceux qu'il pouvait aimer. Mais après tout, c'était peut-être exagéré de sa part, même si c'était naturel, il rajouta donc :

"Il y a plusieurs possibilités, enfin, deux je pense, mes quartiers au collegium, qui font aussi bureau, ou les tiens."

A peine eut-il cité ces propositions que l'état plutôt lamentable de son logement ainsi que l'amoncellement de parchemins divers sur son bureau revint à sa mémoire, mais trop tard et il ne reviendrait pas dessus, de crainte d'avoir l'air indécis. Et il était d'ailleurs aussi curieux de voir où vivait le héraut du Sénéchal même s'il s'attendait à quelque chose de plutôt sobre comparé au pied à terre dont il disposait. Aussi, il ne trahit rien de ces pensées et attendit la réponse de son vis-à-vis .

C'était tellement surprenant, agréablement s'entend, que le Héraut ne se rendait plus tellement compte de tout ce que tout ça pouvait finir par impliquer. L'alcool aidait, certes, à lui faire perdre la notion des conséquences, mais il fallait bien admettre que même sans ça, il naviguait parfaitement à l'aveugle, lui qui n'avait pas vraiment eu la chance jusque-là de voir ses sentiments partagés. Et peut-être que tout ça n'était qu'une illusion et que le lendemain lui apporterait son lot de désenchantement, mais pour l'heure, il n'y pensait même pas. Il ne le voulait pas, d'une part, et puis son esprit était de toute façon par trop embrumé pour qu'il s'attardât à la moindre alerte de ce genre. Après tout, Raïna l'encourageait même, c'était qu'il pouvait se laisser porter, non ? Il tâchait de s'en convaincre, en tous les cas, et quand le Mage sembla hésitant à son tour, de l'en convaincre lui aussi. Un baiser, quelques mots qui se voulaient rassurants, il ne pouvait pas être certain que cela suffît, mais il l'espérait pourtant. Il n'avait aucune envie de prendre de la distance, de rompre ce contact qui lui faisait tellement de bien depuis... combien de temps maintenant ? Des marques entières, peut-être ? La notion de temps lui était devenue parfaitement étrangère, et après tout, ça n'avait plus trop d'importance. Pas plus que le réveil rude qui s'annonçait et auquel il ne songeait guère.

La main de l'Adepte à nouveau dans la sienne, il le vit se relever, soutenant la démarche comme il le pouvait, puis se sentit attiré à lui, et se laissa faire avec plaisir. Il savoura encore les lèvres de l'autre homme sur les siennes, tout comme cette nouvelle étreinte, passant un bras dans le dos de Manuchan, avant de lui demander où il souhaitait qu'ils se rendissent. Peu lui importait ; cette réponse, il pouvait la donner à son tour. Mais puisqu'il fallait bien se décider, le Blanc ouvrit la marche, prenant la direction du Collegium des Hérauts. Le choix se résumait en effet à leurs deux logements, et il ne connaissait guère la localisation des quartiers du Mage.

« Viens... »

La main de l'Adepte toujours dans la sienne, il remonta jusqu'à la lourde bâtisse qui abritait outre nombres autres installations, son bureau, et, un peu plus loin dans le même couloir, ses propres appartements...

Les appartements d'Aaron étaient aussi austères, il fallait bien l'avouer, que son attitude habituelle le laissait présager. Nul décorum, tout y était purement fonctionnel ou presque. Au détail près qu'une collection de parchemins et grimoires de langues et cultures diverses et variées encombrait une large étagère, sur un pan de mur presque entier. Pour le reste, tout respirait l'ordre et la discipline, vestiges de son éducation pour le moins stricte... Tout était en ordre, rangé, aligné, et on pouvait sans doute se demander s'il vivait réellement ici ou si tout ça n'était qu'une vitrine. C'était pourtant bel et bien ce lit qu'il regagnait tous les soirs, et ce coffre qui renfermait les vêtements qu'il portait chaque jour.

Après avoir poussé la porte des lieux et fait entrer le Mage devant lui, le Héraut avait refermé l'entrée, avant de revenir enlacer Manuchan tendrement, et chercher un nouveau baiser. Un contact dont il n'était pas sûr de parvenir à se passer à nouveau, à présent qu'il y avait goûté, réellement. Ca n'avait rien à voir avec la façon dont ses lèvres avaient effleuré celles d'Enju avant qu'elle ne lui rétorque qu'elle eût sans doute mieux fait de prononcer ses voeux bien auparavant, sans doute pour la simple et bonne raison que la démarche était réciproque.

Se rendait-il compte qu'il devenait plus entreprenant qu'il n'eût jamais imaginé l'être aussi vite ? Pas vraiment. Ses mains arpentaient le dos de l'Adepte, le serrant contre lui quand bien même il dirigeait leurs deux corps vers son lit. Il ne se posait pas vraiment de question sur ce à quoi tout ça allait mener, il voulait juste retrouver le contact qu'ils avaient dû rompre tout à l'heure, le sol dur et froid ayant eu raison du dos du Mage. Pour le reste, il était bien parti pour laisser faire, quoi qu'il se passât dorénavant.

Le Mage précédait Aaron dans les appartements de celui-ci et c'était à peut près ce à quoi il s'attendait en entrant : Le tout était clair, net, précis, rangé, propre, austère pour ainsi dire. En revanche, il semblait bien que le héraut était pour le moins cultivé. Rien de surprenant là encore que de trouver nombre d'ouvrages chez quelqu'un dans sa position, mais c'était toujours satisfaisant de se dire qu'ils auraient des sujets à partager..... Autre que ceux qui étaient plus triviaux en tous cas.

Manuchan ne s'attendait pas vraiment à ce que le héraut se montre plus téméraire ici qu'il ne l'avait été auparavant, mais il semblait que c'était là une erreur puisque celui-ci était venu - au grand contentement de l'Adepte - enlacer Manuchan et lui prendre un nouveau baiser qui semblait au Mage presque fait de feu tant il lui semblait ardent.
Le Mage avait le souffle court et ses mains naviguaient presque par elles-mêmes sur le visage du héraut tout d'abord, puis sur ses bras avant d'aller.... dans son dos.

*Doucement, calme toi, il ne s'agit que de tendresse, ça n'ira pas plus loin...*

les Mains d'Aaron exploraient également le dos du Mage, endolori précédemment et ses caresses étaient apaisantes mais pourtant.... brulantes.

Les yeux fermés, le rethwellan embrassait fougueusement son vis-à-vis tant que cela lui était permis et ne voyait pas où leurs corps se dirigeait. Son infortune était qu'il ne pouvait lire les pensées du héraut ou posséder le même Don que lui, sans quoi, un certain beau mâle se serait promptement retrouvé nu. Mais comme ce n'était pas le cas, pour le moment, il devait se retenir au plus, précisément par respect pour celui qui lui avait clairement savoir qu'il ne coucherait certainement pas le premier soir puisque pas sans sentiments.

Etait-il seulement possible d'avoir la certitude des sentiments alors qu'ils se connaissaient à peine? Probablement pas. Aussi finit-il par se détacher un peu corps d'Aaron, ne rompant pas le contact pour autant, et coula un regard involontaire de concupiscence dans ses yeux alors qu'il ne voulait afficher que de la tendresse.

Clairement, les verrous inhibiteurs du Héraut étaient largement levés. En témoignaient ses baisers plus passionnés, et ses mains baladeuses. Il n'avait pas vraiment envie de s'arrêter là, et en même temps... En même temps, il ne se reconnaissait pas vraiment, après tout, il n'avait jamais fonctionné de cette manière-là. Cela étant... Ce qu'il savait, c'était qu'en dépit du bon sens, il se sentait attiré, indéniablement, et proche aussi, du Mage qu'il couvrait de baisers. Est-ce que c'était possible, vraiment, de ressentir ce genre de choses de façon aussi... soudaine ? Est-ce qu'il pouvait vraiment se fier à ce qu'il ressentait dans cet état d'ébriété passablement avancé ? Rien n'était moins sûr, et pourtant, à cet instant, il en eût mis sa main à couper sans la moindre hésitation. Il avait même l'approbation de Raïna, c'était dire !

L'Adepte lui rendait son affection en prime, pourquoi se priver, finalement ? Ses mains sur son visage, ses épaules, dans son dos... Ses lèvres sur les siennes... Ce contact était beaucoup trop agréable pour qu'il y mette volontairement un terme. Des décades, des saisons qu'il ne s'était pas senti aussi bien. Peut-être, même, que ça n'avait jamais été le cas, en réalité. Quand Manuchan s'écarta légèrement, une pointe de déception passa dans le regard du Blanc, mais le regard qu'il lui adressait ne parvint qu'à l'encourager davantage. Ce n'était peut-être pas l'effet escompté, mais...

Aaron vint chercher un autre baiser, encore, et encore. Se laisser aller, avait dit sa moitié, et c'était précisément ce qu'il était en train de faire, comme ses lèvres quittaient celles du Mage pour descendre peu à peu le long de sa mâchoire et dans son cou, d'autant qu'il n'avait que son instinct, à présent, pour le guider. Contrairement à l'Adepte dont il visualisait au moins une des conquêtes, il n'avait pas de réelle notion de ce qu'il fallait faire ou pas dans ce genre de situation, et tâchait de ne pas se poser trop de question. Pourtant, il en est une qui passa la barrière de ses lèvres, entre deux baisers près de son oreille.

« Pourquoi je me sens aussi bien avec toi ? »

C'était incompréhensible. Comment pouvait-il avoir le sentiment d'être aussi en phase avec quelqu'un qu'il ne connaissait pour ainsi dire pas ? Il eût pensé à cette notion de coup de foudre qui lui semblait pourtant jusque-là si abstraite, s'il n'avait pas déjà été en mission en Hardorn avec lui. Et l'autre Mage. Etait-ce une pointe de jalousie qui le traversait à cette pensée ? Il se souvenait de leurs regards, à l'époque, comme il était resté à l'écart de leur petit groupe d'Adeptes auquel il n'appartenait pas. Il était là-bas en mission, non pas en tant que personne, mais en tant que fonction. Il avait mené à bien sa tâche, et en était ressorti avec un Don... qui le menait ici, aujourd'hui, finalement. Un mal pour un bien, en quelque sorte ? Il semblait qu'il fût en train de s'en persuader...

Reprenant finalement son souffle, à son tour, il fixa encore un instant l'homme dans ses bras, moins sûr de lui qu'il n'avait semblé l'être jusque-là.

« Je... euh... N'ai jamais... »

Fait ça avec un homme, certes... Mais fait ça tout court aussi, et c'était bien moins facile à admettre. Preuve en était que finir sa phrase ne semblait pas dans le domaine du possible... C'était bien plus facile de prendre à nouveau les lèvres du Mage et de passer les mains sous sa tunique, à la recherche du contact de sa peau...

L'ardeur du héraut ne semblait pas faiblir et Manuchan avait de plus en plus de difficultés à maintenir ses bonnes résolutions. Si Aaron continuait ainsi à l'embrasser et à explorer de ses lèvres d'autres parties du corps de l'Adepte, celui-ci finirait soit par s'en aller de crainte de blesser son vis-à-vis, soit par le forcer à assouvir ses désirs ce qu'il ne souhaitait aucunement.

"Je me pose la même question...."

oui, c'était aussi vrai. Mails il ignorait totalement la raison de ce bien-être en la présence d'Aaron mais était-ce si important que cela? L'important n'était-il pas que cette sensation positive soit réciproque et partagée?

Pourtant, le Mage commençait à être un peu effrayé. Non pas par le blanc par lui-même mais par ses pensées bien trop égoïstes Ses hormones hurlaient de désir et lui-même n'en était pas si loin. Mais il devait se contenir ! Quelle frustration intense parcourait alors tout son être.

L'Adepte n'avait même pas songé au "coup de foudre" cette notion le dépassait un peu de toute façon et il état plus tordu que cela dans ses réflexions. Pour sa part, l'Adepte avait plus tendance à croire à une intervention divine, même s'il n'en saisissait aps vraiment le sens et s'en fichait éperdument pour moment.

Un instant, Aaron cessa ses baisers que le Mage rendit peu de crainte de ne plus pouvoir se maîtriser tant il désirait cette peau., et se mit à le fixer, apparemment un peu mal à l'aise.

*c'est maintenant qu'il va me dire qu'on arrête là pour ce soir*

Mais cette pensée était erronée et Manuchan ouvrit de grands yeux en en écoutant son vis-à-vis. Avait-il bien compris? Aaron était-il en train de "s'excuser" d'une certaine manière de n'avoir pas d'expérience au lit avec un homme? C'est comme ça que l'Adepte l'interprétait en tous cas. Mais pourquoi cette déclaration? Aaron avait donc l'intention d'aller plus loin? Non, ce ne pouvait être possible.... Il ne devait probablement parler que de ses baisers placés ailleurs que sur les lèvres de Manuchan....

"Tu t'en sors très bien..... Mais..... Juste une chose...."

Aaron recommençait ses baisers et venait maintenant toucher la peau du Mage qui en frémit plus que de raison. Il était plus que temps d'aplanir certaines choses.

Manuchan se rapprocha d'Aaron, se collant contre lui afin qu'il n'y ait plus aucun doute pour Aaron quant à la violence de son désir que le héraut pouvait probablement sentir contre sa cuisse.

"Si tu continue ainsi.... Je ne réponds plus de rien même si je ne souhaites pas te forcer à aller à l'encontre de tes principes."

Etait-il réellement nécessaire, finalement, de se poser autant de questions ? De chercher à expliquer ce lien qui se nouait entre eux, et qu'ils ne parvenaient, manifestement, ni l'un ni l'autre à déterminer, à élucider. Et après tout, pour quoi faire ? C'était un sentiment, une sensation des plus agréables, y avait-il donc réellement besoin d'en déterminer les tenants et les aboutissants ? A cet instant, l'esprit du Héraut était, de toutes les manières, bien trop embrumé par l'alcool pour qu'il s'y attardât davantage. Tout ce qu'il voyait, c'était qu'il se sentait plus ou moins lié au Mage, que sa présence auprès de lui lui faisait un bien manifeste, et que Raïna approuvait. A partir de là, il n'y avait pas vraiment lieu de s'interroger davantage, n'est-ce pas ?

En réalité, si. Pour lui, tout du moins. Les coups de foudre, il n'avait jamais trop su ce qu'il devait en penser. Les personnes auxquelles il s'était lui-même attaché, ça avait été des relations amicales, au départ, qui s'étaient muées en autre chose avec le temps. Pour temps, l'amour au premier coup d'oeil, il savait bien que ça pouvait arriver, sans avoir forcément été très proche des concernés, il avait pu l'observer malgré tout... Etait-ce donc de ça qu'il s'agissait ? Parce que s'il désirait à ce point l'homme qu'il couvrait de baiser à cet instant, ce n'était pas anodin. Pas pour lui. Estevan éclaterait sans doute de rire à cette notion, mais chez lui, ça avait toujours été son mode de fonctionnement. Le désir ne venait pas seulement d'un attrait physique. Ils en avaient croisés, ensemble, de belles femmes que l'habit Blanc intéressait grandement, mais si son ami répondait facilement à leurs avances, il était toujours resté de marbre. Les convenances, oui, sans doute, mais pas seulement, à l'évidence, pour qu'il ne ressentît pas le moindre désir pour ces inconnues pourtant demandeuses... et de façon parfois exagérée encore.

Légèrement embarrassé par son aveu, Aaron attendait la réaction de Manuchan avec une certaine inquiétude, quand bien même le sens tout à fait précis lui échappât sans doute. Ses propos se voulaient rassurants, mais il y avait un « mais », manifestement, qui coupa le Héraut dans son nouvel élan, malgré l'évidence : ils avaient envie de la même chose, clairement. Les propos de l'Adepte le touchèrent cependant, plus que de raison sans doute. Il se souciait donc bien de lui... Il eût pu ne pas se poser de question, se laisser aller à leur envie commune sans faire cas de ce que lui-même avait pu affirmer plus tôt dans la soirée. Mais non, bien au contraire, c'était ce qui le retenait jusque-là.

* Tu feras gaffe à pas faire une crise cardiaque à ce rythme-là, hein...
- C'est mal que ça me touche...?
- Tant que ton cœur lâche pas, ça me va... Et je vous laisse, hein...
- Oui, j'aime autant... *

Il eût pu jurer qu'avant que le lien ne se rompît, Raïna avait ri. Lui souriait, simplement, touché, donc, par la sollicitude de l'homme collé à lui qu'il serrait tout autant dans ses bras.

« Mes principes se porteront bien... Je crois... »

Ce n'était peut-être pas parfaitement rassurant, certes. C'était le mieux qu'il pût répondre, cela dit. Il ne comprenait pas bien, mais les faits étaient là : il y avait quelque chose entre eux. De là à parler d'amour, il y avait un gouffre, assurément, et le Héraut ne s'y risquerait pas. Mais un minimum de sentiments naissaient, c'était à son sens indéniable, quand bien même il ne l'expliquait pas : ils ne seraient pas là, sinon. A l'évidence, il n'avait aucune envie de s'arrêter, si bien qu'il reprit l'exploration du cou du Mage, sans ajouter un mot de plus, le guidant vers son lit pas à pas, s'attardant un instant pour retirer sa tunique... Le message ne pouvait pas être plus clair, n'est-ce pas ?

L'Adepte se réveillait lentement et un mal de crâne impressionnant brouillait ses pensées et sa vue. Un léger rayon de soleil, probablement des premières heures du jour venait frapper ses rétines et le forcer à plisser les yeux alors qu'il se redressait péniblement.

Mais que s'était-il donc passé? Il avait bu, ça, c'était une certitude, et clairement plus que de raison! Il se souvenait bien de son état la veille, sa colère, sa dépression, sa douleur morale et même physique suite à sa chute. Il caressa d'ailleurs doucement son poignet toujours un peu endolori et se prit la tête dans les mains.

Jusqu'ici, il n'avait pas levé les yeux ailleurs que sur la fenêtre qu'il voyait mal de toute façon. Mais une chose lui paraissait tout de même étrange. Un son..... Un son qui lui avait sûrement été familier car ça ne le choquait pas, mais il ne parvenait pas à déterminer ce que c'était vraiment.

Toujours la tête dans les mains, il fit lentement tourner sa tête d'un côté puis de l'autre, tentant de localiser la source de ce bruit. Ses pensées étaient embrumée et son crâne le faisait vraiment souffrir même suite à ce simple mouvement . Bon, il n'avait rien vu, ni d'un côté, ni de l'autre.

A quoi bon s'en soucier finalement? Vu son état, il valait mieux simplement se recoucher et tenter de prendre un peu de repos. C'est ce qu'il fit, et alors que sa tête touchait l'oreiller, ses yeux à peine entrouverts qui ne demandaient qu'à se fermer perçurent clairement la véritable source de cette nuisance sonore.

Non, n'exagérons rien, ce n'était une nuisance que par le fait que ce son n'avait rien à faire là. Une respiration lente et profonde qui provenait d'un homme allongé à ses côtés.

*Déesse, qu'ai-je encore fait? Etais-je donc à ce point désœuvré que j'en suis venu à prendre le premier homme qui passait dans mon lit?*

Résigné, Manuchan se leva sans pudeur aucune et son corps à vue se disant qu'il faudrait réveiller l'endormi pour lui demander de partir. Encore que.....

*Mais.... Où suis-je?*

C'était le comble, ce n'était même pas sa propre chambre et ça, c'était inquiétant. Il n'était pas du genre à passer la nuit hors de chez lui, à fortiori avec un étranger. l'Adepte se félicitait d'avoir bon goût en tous cas car l'endormi lui plaisait beaucoup.... Mais il ne voyait pas vraiment pourquoi de prime abord. Un blond de surcroit, ce n'était pas habituel chez lui.

Etait-il réellement ici volontairement? Y avait-il une autre raison? Qui était cet homme? La fatigue se mélangeait aux brumes de l'alcool et à la douleur de ses tempes. Impossible de réfléchir correctement.

Il lui fallait se concentrer, reprendre ne serait-ce qu'un peu ses esprits mais quelle que soit sa concentration, aucun souvenir de la soirée de la veille. Que faire? Réveiller l'inconnu? n'en rien faire et partir? Si encore il parvenait à remettre la main sur ses vêtements....

*Oh ma tête...*

Manuchan défaillit un instant et se retrouva rattrapé in extremis au drap du lit, découvrant par là même la corps dénudé de son amant présumé. Il finit tout de même par terre avec une exclamation de douleur de son crâne lancinant -qui n'avait pas apprécié cette descente trop brusque, pas plus que son poignet blessé ne l'en remercierait puisqu'il s'était en partie rattrapé avec.

Doucement, Manuchan leva les yeux vers le lit et attendit de voir si, involontairement, il avait réveillé l'homme dans le lit. Si tel n'était pas le cas, il résolut finalement de partir simplement. S'il y arrivait sans tomber et habillé bien entendu.

* Aaron ?... *

La nuit avait été plutôt courte, pourtant le Héraut n'était pas vraiment dans l'optique de s'en plaindre, bien loin de là. Certes, tout cela était quelque peu perturbant, il était bien loin de le nier, et il n'eût pas imaginé que les choses pussent se passer ainsi avant qu'elles n'eussent effectivement lieu. Mais quand bien même l'alcool avait sa part de responsabilité dans l'histoire, quand bien même il allait avoir du mal à rester parfaitement concentré aujourd'hui, un troupeau d'éléphant lui martelant le crâne, il ne renierait pas les moments pour le moins agréables qu'il venait de passer, en charmante compagnie. Il lui avait fallu un instant, au réveil, pour remettre un peu d'ordre dans ses pensées, réaliser qu'il ne s'agissait pas d'un rêve – qu'il eût sans doute trouvé quelque peu embarrassant au demeurant – et pour un peu, il eût pu en sourire...

Si le ton avec lequel il percevait les pensées de sa moitié n'avait pas été aussi... préoccupé. S'il ne s'était pas senti complètement dénudé, pas même recouvert du moindre drap à son réveil. S'il n'y avait pas eu ce choc sourd, révélant la chute de quelqu'un, l'instant d'avant, qu'il avait tout d'abord mis sur le compte d'un rêve dont il ne se souvenait guère, mais qui, ajouté à tout le reste, éveillait l'inquiétude en lui. Inquiétude grandissante avec une vague de douleur lancinante qui l'assaillit comme il cherchait du regard son amant, manifestement hors de son lit à présent.

Il le trouva à terre, à moitié enroulé dans les draps qu'il avait dû emmener dans sa chute.

« Manu ?... »

Si l'Adepte ne se souvenait pas de la nuit passée, le Blanc, pour sa part, s'il devait compter sur une sacrée gueule de bois pour la journée malgré tout, n'avait pas oublié, bien loin de là. Certes, l'ivresse rendait ses souvenirs quelques peu brumeux, et il se demandait un peu s'il était réellement lui-même, s'étonnait d'avoir pu aller jusque-là sans presque se poser de question, mais il savait parfaitement pourquoi il n'était pas seul, à cet instant, dans sa chambre, et pouvait retracer leur périple de la soirée sans trop d'hésitation.

Trop de détails lançaient des signaux d'alerte, et le regard du Mage n'était pas pour le rassurer. A cet instant, il eût volontiers troqué cette Empathie de malheur contre un don de lecture dans les pensées de son vis-à-vis, quelque peu angoissé de ce qu'il pouvait bien avoir en tête... Extrapolait-il en songeant que s'il était ainsi tombé, emportant la moitié du lit avec lui, c'était dans une vaine tentative de fuite discrète ? Le cœur d'Aaron se serra. Ce n'était peut-être qu'une maladresse, il ne fallait pas qu'il tirât de conclusion hâtive, mais le doute s'immisçait dans son esprit et son regard, peiné, le trahît sans doute. Pourtant, ses premiers mots étaient tout autres.

« Tu t'es fait mal ?... »

Il la sentait encore, cette douleur dans son bras, comme la veille, ajoutée aux même tambours de guerre dans son crâne que dans le sien. Il n'était pas forcément parfaitement à l'aise avec l'idée de rester ainsi dénudé devant lui, mais c'était accessoire à cet instant, il se souciait davantage de son état de santé, et s'il se redressa, ce fut pour lui tendre la main, pour l'aider à se relever, visant évidemment son bras indemne. Il finit pourtant par poser la question qui lui brûlait les lèvres, son rythme cardiaque s'accélérant aussitôt.

« Tu... tu partais, n'est-ce pas ?... »

Il craignait sa réponse, qu'il anticipait positive, à son plus grand désarroi. Ce qu'il s'était passé n'était pas anodin pour lui, bien loin de là. Mais allez expliquer ce que vous ne comprenez vous-même même pas ! Pour n'importe qui, ce ne devait être qu'une histoire sans lendemain, comme toutes celles qu'Estevan pût énumérer, par exemple. Et ça devait fortement y ressembler. Alors pourquoi lui ne parvenait-il pas à s'y résoudre ? Pourquoi espérait-il davantage ? Et surtout, pourquoi avait-il à ce point eu le sentiment qu'il pouvait effectivement attendre plus, qu'il y avait même déjà autre chose entre eux ? A en juger par ce réveil, il se fourvoyait complètement, encore. Il n'était définitivement pas doué pour les relations humaines... Et son mal de crâne prenait un malin plaisir à s'intensifier pour la peine... Remonter ses boucliers eût pu être une idée, pourtant il n'en fit rien. Il avait besoin de comprendre, de savoir ce que le Mage pensait de tout ça, où il allait, lui qui naviguait complètement à l'aveugle. Tant pis si ça devait passer par épier ses sentiments de façon peu glorieuse. Et tant pis, aussi, s'il en souffrait davantage, d'ailleurs...

Panique? Peur ? Incompréhension? Comment traduire les sentiments du Mage à cet instant? voici qu'il se retrouvait dans un lieu inconnu, dénudé et sans le moindre souvenir de ce qu'il avait pu faire précédemment. Comble de bonheur, il avait involontairement réveillé l'inconnu dans le lit qu'ils partageait jusqu'alors.

Bon premier point, celui-ci l'avait appelé par son nom, ils s'étaient donc au moins présentés l'un à l'autre. Un minimum de conversation indiquait que le blond n'était pas un perchi uniquement là pour satisfaire les désirs de l'Adepte.

L'homme du lit eut un regard peiné voyant l'évolution de Manuchan et celui-ci n'en fut du coup pas réellement surpris. Peut-être avait-il dragué cet homme en lui faisant miroiter des choses qui ne seraient jamais ou en jouant de son statut d'Adepte quasi nécessaire aux soin de la Pierre-Coeur.

*Déesse ! Et si j'avais dit plus de chose que ce qu'il aurait fallu? Il est des choses qui doivent rester secrètes. Bon sang, je suis vraiment mal là....*

Mais pourtant, en parlant de regard, les yeux de l'inconnu touchaient Manuchan directement. Il n'aurait su l'expliquer, les trouvant étranges et.... profonds.... L'Adepte avait l'habitude de lire la vérité dans les yeux mais là, c'était encore autre chose. Ces yeux étaient certes sincères, mais dégageaient autre chose qu'il ne définissait pas.

"Je... non, tout va bien"

Même si c'était faux, il n'était pas du genre à le s'en plaindre face à quelqu'un qu'il ne connaissait pas. Encore que.... Ce visage ne lui était pas totalement inconnu. Manuchan était presque sûr de l'avoir déjà vu, mais les brumes de son cerveau l'empêchait de mettre le doigt dessus. Étrangement, il associait cet homme à sa Déesse, mais sans voir comment cela était possible....

*ça t'apprendra à boire autant !*


L'homme dénudé face à lui -et dont les formes ne laissait guère le corps du Mage indifférent, bien malgré lui- tendit la main pour l'aider à se relever. C'est alors que des images traversèrent un instant son esprit. Il était certain d'avoir déjà vécu cette situation. Que cet homme lui avait déjà ainsi tendu la main pour l'aider, et peut-être plus d'une fois. (Deux pour être exact). Mais malheureusement, ça ne suffisait pas à accorder sa confiance.

"Je... J'hésitais en fait. Je ne voulais pas te réveiller mais.... Bref. Je dois rejoindre mes quartiers. Et pour être honnête.... Je ne sais même pas où je suis."

Manuchan attendit la réaction qui ne manquerait pas de suivre suite à cet aveu. Au pire, il passerait pour un poivrot patenté, ce qu'il était plus ou moins, au mieux, pour un doux dingue. Mais après tout, les relations shaych ne permettaient que rarement de faire le difficile.

Il fixait les yeux mordorés de son vis-à-vis, se retenant de fixer autre chose.... Et vraiment, ses yeux lui disaient quelque chose. Et son visage. Mais qui était-il?

*Je suis sûr de l'avoir déjà rencontré avant, mais où?*

Manuchan saisit la main qu'il n'était pas en position de refuser pour se relever, le drap attrapé glissant et se montrant ainsi totalement dénudé face à cet homme qu'il ne savait pas connaître.

*Merci à mes entraînements quotidiens.*

En effet, malgré son statut, Manuchan ne s'était jamais laissé allé et avait toujours continué à cultiver son physique autant que son mental. Après tout, il valait mieux être bien fait de sa personne quand on le pouvait, non? Et puis, l'homme face à lui n'avait rien à envier à l'Adepte.... ou peut-être un ou deux centimètres.... de tour de biceps!
(bande de pervers, trop tentant, pas pu résister ^^;;; )

* Tu restes calme... Et tu devrais vraiment remonter tes boucliers... *

Il ne pouvait cependant pas s'y résoudre et Raïna n'insista même pas. Il avait besoin de comprendre, et il avait peur des réponses que le Mage pourrait lui apporter. Sur ce point, leurs sentiments finalement, se trouvaient être étrangement similaires, même s'ils n'étaient pas induits par les mêmes choses à l'origine. Il ressentait sa douleur, aussi, si bien que lorsque l'Adepte nia, la réponse du Héraut fut presque automatique.

« C'est faux. »

Et il devait bien le savoir, qu'il saurait la vérité. Après tout, ça avait été le point de départ de leur rencontre. Ou plus exactement, de leur conversation. De leur rapprochement, même. Il ne pouvait pas l'ignorer. A moins qu'il n'estimât que ses boucliers se devaient d'être levés, ou qu'il l'espérât à tel point qu'il misait tout dessus. Aaron avait bien compris qu'il n'aimait guère se trouver dans une position de faiblesse, et il ne pouvait pas vraiment lui en tenir rigueur. Mais il devait bien avoir compris, aussi, que c'était dans sa nature de lui venir en aide, après tout... A moins que...

* A moins qu'il n'ait plus souvenir de l'entièreté de votre nuit... *

Le Blanc avait suffisamment testé des soirées d'ivresses bien plus arrosées que celle-ci pour savoir les ravages que l'alcool pouvait faire sur la mémoire... Et qu'il eût « oublié » son don qui avait été à l'origine de leur contact ne devait pas être si surprenant finalement... Mais si tel était le cas, que devait-il faire à présent ? Il n'en savait rien, il ne savait absolument plus comment gérer cette situation. Déjà, que les choses eussent ainsi évolué était un fait suffisamment perturbant en soi mais si en plus, il devait faire face à l'amnésie éthylique de son amant... Il ne savait pas le moins du monde l'attitude qu'il devait adopter. C'était une chose que de l'aider à se relever, et naturelle encore... Mais et après ?

Il ne savait pas où il était, et les doutes du Héraut se virent confirmés. L'attirance qu'il avait pour l'homme face à lui aussi, d'ailleurs – et réciproquement – mais ça n'était guère le moment, à l'évidence, et une fois qu'il fut relevé, Aaron sortit du lit à son tour, et se mit à la recherche des vêtements qu'il avait délaissés la veille, histoire de couvrir... disons le minimum déjà, même s'il n'était pas trop à l'aise avec l'idée de lui laisser voir les cicatrices qui lacéraient son dos s'il ne s'en souvenait plus non plus. L'habit blanc, en tout cas, devait répondre partiellement à sa question, n'est-ce pas ? Ca n'empêcha pas le Héraut de lui répondre plus précisément.

« Tu es au Collegium des Hérauts. Dans mes quartiers... »

Il lui fit de nouveau face, l'air toujours peiné, et à vrai dire, il l'était réellement.

« Tu ne te souviens même pas de qui je suis, n'est-ce pas ?... »

N'était-ce pas justement ce qui le blessait le plus, finalement ? Parce que cette nuit, c'était l'alcool, d'accord. Mais la mission en Hardorn, bon sang !... Combien de décades avaient-ils tous passé ensemble pour se rendre là-bas, et faire face à ce démoniste ? Certes, Manu était... en bonne compagnie à l'époque, mais... tout de même.

« Aaron Greystoke, Héraut du Sénéchal, pas que ça ait grande importance, cela dit mais... »

Mal. Il avait mal, et pas seulement parce que son crâne refusait de cesser de jouer du tambour contre ses tempes, pas seulement non plus parce que ses yeux refusaient d'accepter la lumière du jour. A cet instant, il n'était même pas sûr de vouloir continuer à soutenir son regard. Pour s'entendre rejeter, encore ? Il n'était pas sûr de pouvoir le supporter. Détournant le regard, ce fut sa chemise qu'il entreprit de retrouver, prêt, finalement, à prendre la porte et à lui laisser tout le loisir de se rendre présentable et rejoindre ses appartements, comme il l'avait évoqué. Il eût beau avoir repéré les vêtements qu'il lui manquait, il ne bougea pas pourtant, Raïna attirant son attention mentalement, le coupant dans son élan.

* Attends Aaron... Laisse-le reprendre ses esprits... Tu sais bien ce que fait l'alcool, n'est-ce pas ?... *

Il n'avait rien à répondre à ça, même mentalement, mais ça n'empêchait pas qu'il avait toutes les peines du monde à encaisser cette situation. Grands Dieux ! Il n'eût jamais imaginé une seule seconde qu'il se retrouverait un jour ainsi... D'ailleurs, il n'eût sans doute jamais imaginé non plus que sa première expérience charnelle pût avoir lieu en état d'ivresse, encore moins que ce pût arriver dès la première soirée qu'il passât en bonne compagnie, et certainement pas que son partenaire eût été masculin ! Ca ne le dérangeait pas en soi, finalement, ou en tout cas, ça ne l'eût pas dérangé... s'il ne s'était pas complètement fourvoyé sur les intentions, les sentiments, de l'autre. Il y avait cru, pourtant, à cette tendresse, à cette affection, à ces mots à peine prononcés, souvent amorcés et tronqués... Quel idiot ! Malgré les tentatives de sa moitié pour le rassurer, l'enjoindre à ne pas tirer de conclusion trop hâtive tant qu'il n'avait pas toutes les réponses, il ne pouvait s'empêcher d'être accablé par ces réalisations. La méfiance du Mage était tellement perceptible qu'elle lui déchirait le cœur.

« Tu sais... Je suis Héraut... Même si l'alcool t'as privé de souvenirs, je peux t'assurer d'une chose : il ne s'est rien passé cette nuit que nous ne consentions pas pleinement, toi comme moi... Même si l'hydromel a certainement joué sur certaines inhibitions... Je me serai jamais abaissé à... J'en sais rien, au fond, je ne sais pas vraiment ce que tu crains en fait... »

Expliquer, donc, qu'il ressentait sa méfiance eût pu être une idée, mais le Blanc n'y songeait même pas. Amer, il l'était, manifestement. Mais il fallait bien avouer qu'il s'était donné entièrement, corps et âme – quelle erreur ! – et qu'il avait bien le sentiment qu'une fois de plus, on allait piétiner son coeur...

« Et avant toute chose, tu devrais vraiment faire soigner ton bras qui te fait souffrir depuis hier... »

N'était-ce pas ça, le plus ridicule, dans l'histoire ? Qu'il se souciât toujours, malgré tout, du bien-être de l'Adepte. Il avait beau être blessé, il n'avait même pas envie d'accabler l'autre, et détournant le regard, il finit par se rasseoir sur son lit, ne sachant trop que faire d'autre, les mains jointes un instant derrière sa nuque. Lui, clairement, il n'était pas près d'oublier quoi que ce fût.

« C'est faux. »


*Comment......*

L'homme face à lui savait que l'Adepte avait menti quand à son bien-être. Il ne le supposait, pas, il le savait. et ça se voyait nettement. Il n'y avait aucun doute dans les yeux mordorés qui lui faisait face. Lui avait-il simplement parlé de l'incident de la veille? Et quand bien même, cela ne suffisait pas à expliquer cette certitude. Ne restait pas beaucoup de possibilités. Cet homme devait être en mesure de lire les pensées ou les émotions de l'Adepte.

Et cette capacité impliquait probablement un héraut. Rien de si surprenant au final vu les rumeurs à leur sujet. Mais pourquoi de la peine dans les yeux de ce héraut s'il en était bien un? Manuchan se voyait très mal jouer avec les sentiments de qui que ce soit à la base et d'un héraut encore moins. D'ailleurs, ils avaient bien des Compagnons pour les mettre en garde si nécessaire non?

Le Compagnon de cet homme n'avait peut-être pas voulu ou pas pu lui faire savoir ce qu'il se passait réellement, mais ça semblait surprenant. Pour l'Adepte, le Compagnon d'un héraut devait certainement le protéger en toute circonstance, et réciproquement.

"Comment peux-tu affirmer que c'est faux?"

Autant poser la question, juste histoire d'être fixé car jusque là, ce n'était que des suppositions.

Une nouvelle réponse venait finalement, ils se trouvaient donc au collegium des hérauts, ce qui confirmait les soupçons du Mage quant à la qualité de l'homme qui lui faisait face et dont il ne parvenait à détacher les yeux des siens.

L'air peiné de l'homme était presque un poignard au cœur de l'Adepte. Bon, il avait toujours détesté faire souffrir, que ce soit volontairement ou non, excepté peut-être certains Mages noirs...... Mais de là à ressentir une souffrance du fait de peiner quelqu'un? Pourquoi une telle force dans ce sentiment s'il ne connaissait pas ce héraut?

Manuchan détaillait le visage de son vis-à-vis et tentait autant qu'il le pouvait faire ressurgir les souvenirs qu'il lui manquait. Cela aussi était plus que surprenant. Plus d'une fois il avait bu à en perdre quasiment conscience et l'état dans lequel il se sentait, outre sa douleur au poignet, n'était pas pire que ce qu'il avait déjà vécu en termes de beuverie. Alors pourquoi ce noir? L'Age avait-il fini par le rattraper?.... Mais tout de même, il ne se souvenait même pas être entré dans une taverne ! Tout ce dont il se souvenait, c'était en revanche de sa détermination à en trouver une pour se saouler proprement et simplement.

Quelque chose n'allait pas dans tout ça.... Quelque chose que l'Adepte ne parvenait pas à définir une fois encore et ce malgré tous ses efforts. Non, il ne se souvenait aucunement de l'homme face à lui, en aucune circonstance.... Mais pourtant, il avait bel et bien le sentiment de le connaître.... Voire de bien le connaître. Au delà d'une simple nuit de coucherie s'entendait.

"Je.... le regrette. Vraiment, je veux pouvoir me souvenir mais je n'y parviens pas. Je ne comprends pas pourquoi, je n'ai pas la sensation que ma gueule de bois y soit vraiment pour quelque chose, pourtant.... Je ne comprends pas. Mais s'il te plaît, ne m'en veux pas. Je reste là, je ne bouge pas si ça doit te faire de la peine...."

Le héraut s'était maintenant présenté et rien ne changeait dans la mémoire du Mage. Devrait-il se présenter à son tour? Ridicule ! Si lui avait clairement une amnésie qu'il souhaitait passagère, ce ne devait pas être le cas d'Aaron. C'était probablement la raison de la peine que l'Adepte pouvait lire dans les yeux mordorés.

Les yeux du Mage en vinrent à briller de larmes contenues. Oui, il était à la limite des pleurs mais pourquoi bon sang ! Pourquoi cette peine passait de l'un à l'autre alors que l'Adepte n'avait quant à lui aucun Don héraldique?

Aaron expliquait désormais à Manuchan, en gros, qu'il n'avait rien à craindre et n'avait rien subit qu'il n'aurait voulu. De cela, de toutes les façons, il ne doutait plus désormais. Sûr d'avoir un héraut face à lui, il aurait eu du mal à se penser plus en sécurité sous toutes les formes que l'on pouvait lui donner. et Pour finir, même si elle n'était pas réellement posée, l'Adepte entendait une question dans les propos du blond.

"Ce que je craignais en fait, c'est difficile à dire. Imagine toi te réveiller nu dans un lieu inconnu à côté de quelqu'un que tu ne reconnais pas et alors que c'est tout sauf habituel pour toi, ne serais-tu pas effrayé ne serait-ce qu'un peu? Et puis.... J'admets aussi avoir peur de moi-même parfois."

Manuchan se rapprochait d'Aaron en parlant, réduisant la distance qui les séparait sans même s'en apercevoir vraiment. Mais il restait un fait : si Aaron avait pris sur lui de se rhabiller, il n'en était toujours rien de l'Adepte, parfaitement impudique et qui n'y pensait à dire vrai pas du tout. Mais enfin, il était peu probable, alors qu'ils avaient semblait-il partagé leur lit et plus que ça lors de cette nuit, que cela puisse gêner son interlocuteur, le troubler éventuellement.....

Assez proche du héraut désormais, mais pas trop près non plus, celui-ci incitait le Mage à faire soigner son bras. De la compassion, sûrement, de la commisération, peut-être, de la pitié, éventuellement..... Mais....

Il y avait autre chose dans tout cela. Quelque chose que Manuchan avait déjà ressentit auparavant, mais quand? Et avec qui? Avait-il déjà partagé ce genre d'émotions auparavant? Et puis quelle était-elle d'ailleurs?

l'Adepte désespérait de voir ses souvenirs ressurgir et étrangement, avait le sentiment que d'autres avaient aussi été effacés, des souvenirs importants. Très importants.... En l'espace de quelques secondes, l'Adepte fit un bref survol de sa vie et des étapes importantes qui la composait : son enfance... rien de bien extraordinaire, sauf son éveil à son Don....

Orcyn, l'apprentissage, l'Ordre, puis..... rien. Il était engagé comme mercenaire puis finissait dans la forêt mais....

Comment était-il passé Maître? Aucun souvenir.

Le Mage tremblait, mais pas de froid. Il aurait été bien incapable de dire pourquoi ces frissons en fait, ils étaient simplement plus forts que lui.

La forêt disparaissait maintenant et apparaissait Haven, Perle, et bien d 'autres personnes qu'il avait rencontrées alors, puis la lutte contre les wyrsas, lé départ pour la campagne des Marches. Et ensuite? Un énorme vide occupait toute la campagne..... jusqu'à son retour dans ses propres quartiers. D'autres rencontres et ensuite Hardorn, du moins, il avait dû y aller, il en était sûr.... Mais rien.

Que signifiait tous ces noirs dans son histoire? L'adepte finit par tomber à genoux, les larmes se déversaient désormais sans tarir de ses yeux qui, s'ils étaient d'un bleu de glace, montraient cette fois bien plus d'émotions et de souffrance qu'il n'aurait jamais voulu en montrer. Et le pire dans tout cela était la frustration d'ignorer les raisons d'une souffrance aussi grande qu'elle le paralysait. Il s'entendit avec horreur presque hurler ses sanglots comme s'il devait presque vomir sa douleur pour parvenir à s'en débarrasser. Mais ça ne semblait pourtant pas cesser.

Difficilement, Manuchan leva les yeux vers Aaron et chuchota avec effort, le souffle entrecoupé de larmes amères et dures accompagnées par instants de gémissements de douleur involontaires.

"Ai....Aide...moi..."

En d'autres circonstances, il aurait bien ajouté un "s'il te plaît" mais cette fois, il était tout simplement incapable.

Il savait, oui, mais ce n'eût pas dû être une surprise. A cet instant, il ne pensait pas encore que tout ça fût aussi absent de la mémoire du Mage. Nébuleux, certes, il le concevait, mais il n'imaginait pas encore que son amnésie – espérons-la passagère – pouvait être aussi... intense. Et s'il savait bien ce qu'on pensait généralement des Hérauts – et son meilleur ami restait un exemple assez flagrant, entre autres, il fallait bien l'avouer – il ne partageait pas cette pensée et n'était pas forcément... à l'aise avec le fait qu'on lui attribue les mêmes mœurs. Chacun son truc, il ne se permettait pas d'émettre de jugement sur ses camarades, mais pour lui... Non. Il ne pouvait réellement pas fonctionner comme ça. C'était bien simple, il ne ressentait purement et simplement pas de désir sans qu'un minimum d'affection ne fût tissée. Certaines jeunes femmes plus entreprenantes que d'autres, dirons-nous, l'avaient constaté avec une surprise visible, d'ailleurs, dont les mains baladeuses s'étaient trouvées... Déçues.

En tout état de cause, il fut surpris, donc, de la question qu'il lui posa. Comment il pouvait affirmer ça ? C'était pourtant évident... Quand on se souvenait de leurs disons 'retrouvailles' de la veille. Ce qui n'était donc pas le cas. La surprise d'abord, s'était peinte sur le visage du Blanc, mais il se ravisa comme il comprenait que pas même son entrée dans la taverne, finalement, ne devait lui rester en mémoire.

« Tu n'as vraiment plus aucun souvenir, n'est-ce pas ? C'est que... Depuis Hardorn, je me retrouve avec un peu d'Empathie, et je la gère très mal. Tu m'as même... aidé pour ça, hier soir... »

L'embarras était perceptible autant dans le ton de sa voix que dans ses gestes malhabiles. Que pouvait-il faire, dire de plus ? A vrai dire, il n'en savait plus rien. Il était surpris, parce que s'il avait eu ce type de trous noirs dus à l'alcool, ça n'avait jamais été aussi... violent. Et si tôt dans la soirée. Cela étant, il ne savait pas non plus ce que l'Adepte faisait avant d'entrer dans cette taverne, il avait peut-être déjà commencé à boire et le point de non-retour, dirons-nous, avait eu lieu à leur rencontre ? Peut-être... Il préférait ne pas trop chercher le pourquoi du comment. Il n'aurait pas de réponse toute faite sur le coup, de toutes les façons.

Et les propos du Mage, ensuite, l'inquiétèrent. Il était sincère, il en eût mis sa main à couper. Mais il ne comprenait pas plus que lui. L'alcool eût pu être une réponse logique, et pourtant il la rejetait. Quoi alors ? Aaron n'en avait aucune idée.

* C'est là qu'il a besoin de toi...
- Oui mais... Qu'est-ce que je peux faire ? *

Qu'il restât pour ne pas le peiner le touchait, indéniablement. Qu'il fût peiné de ne pas pouvoir se souvenir, tout autant. Mais il se retrouvait à ne réellement plus savoir quoi faire, ou dire. Il comprenait, finalement, qu'il fût inquiet à son réveil, dans une chambre qu'il ne connaissait pas, aux côtés d'un inconnu, aucun souvenir ne parvenant à se former dans son esprit. Ca le blessait, d'être aussi facilement effaçable de sa mémoire, mais il comprenait qu'il en fût perturbé. On le serait à moins. Manuchan se rapprochait, et Aaron redressa la tête, relâchant les mains qui enserraient sa nuque. Il le voyait trembler sans comprendre ce qui générait cet état. Le froid n'en était pas à l'origine, là en revanche, il l'eût affirmé sans sourciller.

« Manu ?... Qu'est-ce que... ? »

A genoux, le Mage pleurait, et le cœur du Héraut du Sénéchal se serra violemment. Sa douleur, c'était une chose, et quelque part, il avait appris à vivre avec. Mais celle qui émanait de l'Adepte était... insupportable. Réflexe, Aaron se releva, s'approcha et enserra son amant de ses bras, en un instant. Réflexe, oui. Il ne pouvait purement et simplement pas le laisser comme ça, sans rien faire. Les sanglots lui déchiraient le cœur, la supplique plus encore. Il voulait bien l'aider, comme il le demandait, mais il ne savait pas quoi faire.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? »

Il était presque sûr de ne pas pouvoir obtenir de réponse, mais... il se trouvait démuni, complètement. Ca n'empêchait qu'il ne pouvait pas rester indifférent, reste à l'écart. Non. Il avait trop d'affection pour Manuchan pour rester inerte, là, face à ses larmes et à sa douleur.

« Je veux t'aider, mais... Je ne sais pas quoi faire... »

Il restait là, pourtant, agenouillé près de lui, ses bras autour de ses épaules. Il ne le lâcherait pas. Pas tant qu'il n'irait pas mieux. Au final, qu'importait qu'il se fît jeter ensuite, hein ? Ca ne toucherait que lui... Et Raïna.

* Je ne crois pas que ça arrive... *

Aaron espérait que sa moitié eût raison. Mais il n'était pas capable d'affirmer quoi que ce fût. Et de toutes les façons, à présent, ça ne lui importait plus tant. Tout ce qu'il voulait, c'était que le Mage allât mieux. Même s'il n'avait aucune idée de la façon d'y parvenir.

Alors que le Mage laissait ses pleurs se déverser de façon incontrôlée, il entendit la question tronquée d'Aaron et sentit bien vite ses bras autour de ses épaules.

Comme le héraut l'avait compris, il ne se souvenait vraiment de rien de leur rencontre de la veille et la mention d'Hardorn avait fait tiquer l'Adepte puisque là encore, il voyait sa mémoire plus que faillible à tous égards.

Manuchan ne l'aurait pas voulu mais le héraut avait clairement montré son embarras et c'était plus que compréhensible dans une telle situation. L'on aurait put aisément discerner l'inquiétude poindre dans les yeux du blanc qui regardait alors son vis-à-vis et cette inquiétude s'était probablement vue confirmée lorsque le Mage mit genoux à terre pour hurler ses pleurs et sa détresse.

et maintenant, ils étaient tous deux au sol, l'un gémissant encore et l'autre faisant ce qu'il pouvait pour calmer cette peine inexpliquée. Et d'explication en fait, l'Adepte commençait à s'en passer, ses pensées étaient désormais plus proches d'un maelström de sensations diverses qui passaient l'une après l'autre par son esprit, provoquant par moments des soubresauts involontaires de son corps.

Seuls ses yeux semblaient encore plus ou moins en sa possession si l'on exceptait les mouvements erratiques de ses globes oculaires lorsqu'il tentait de comprendre. Donc, autant cesser de chercher. Enfin, son raisonnement n'allait pas vraiment jusque là. Il s'agissait probablement plus de ce que l'on aurait pu nommer "instinct".

Et il n'y avait plus que cet instinct pour sa sauvegarde. Ça et les bras qui l'enserrait, apportant certes un réconfort indéniable bien qu'insuffisant, mais permettant également à l'Adepte de se maintenir dans une position précaire plutôt qu'affalé à même le sol, comme une poupée sans vie qu'un habile marionnettiste aurait pris plaisir à faire tressauter.

Manuchan voyait par moments le visage du héraut qui le tenait. Ce visage... inconnu. Mais qui n'était pourtant pas censé l'être ! La douleur de Manuchan atteignait maintenant son paroxysme et ses hurlements retentirent si fort à ses propres oreilles qu'il sentit la douleur bien que fugace, de ses tympans déjà mis à mal par la pression que provoquait ses sanglots.

S'il n'eut pas su que plusieurs organes du visage étaient reliés, il l'aurait alors certainement découvert à cet instant.
Ses mains cherchaient à serrer les bras d'Aaron, juste histoire de se rattacher à quelque chose de plus concret que ses émotions.

mourir

Plutôt bref comme pensée, mais il n'était pas en mesure de faire mieux. Il ne voulait pas mourir, du moins, pas vraiment. Après tout, il avait peut-être encore quelque chose à faire dans cette vie. Mais pourtant, il croyait réellement sur l'instant que son heure était venue. Sans la moindre explication plausible, et dans les pires souffrances qu'il ait pu connaître : les souffrances émotionnelles.

Dans un sursaut et avec un empressement qui n'était dû qu'à son manque de contrôle de son propre corps. Ses lèvres se posèrent avec force sur celles d'Aaron en un baiser scellé.

Impossible de dire dans quel état pouvait être celui-ci, si, comme il l'avait dit, il avait un Don d'empathie.
Le chaos des pensées du Mage se bloqua, se figea même. et un seul mot restait dans son esprit :

empathie.

Qui aurait pu dire ce qui avait réellement provoqué tout cela ou ce qu'il s'était réellement passé jusqu'alors? Pour l'instant, certainement personne mais les pensées de l'Adepte finirent par "glisser" en quelque sorte et à défiler à une vitesse de plus en plus grande avec en toile de fond un développement.

Il doit souffrir de son empathie.

Les bras de l'Adepte encerclaient le héraut désormais et les pensées défilaient encore, toujours plus vite, bientôt muées en souvenirs et la toile de fond se modifia.

Il souffre à cause de moi

il semblait à Manuchan sentir son corps se mouvoir de sa propre volonté jusqu'à être collé à celui d'Aaron dans un geste évident de protection. En quelques secondes, les souvenirs affluaient, presque ordonnés voire classés, un peu comme des fiches....

Airamant : rencontre apprentissage stade de Maître. Amour

Glenn : rencontre Marches Bataille. Amour

enfin.....

Aaron : Hardorn taverne. Amour

Le mot était clairement lâché et il n'y avait aps de fausse pudeur dans l'esprit du Mage envers lui-même. Oui, il aimait cet homme, définitivement. Follement et sans la moindre raison valable. Et quelle importance?

Enfin, la réponse était là claire et nette. Les souffrances que l'amour avait provoquées chez le Mage s'étaient agglomérées, toutes ses peines refoulées, pour lesquelles il avait refusé de montrer sa souffrance physiquement, refusant de laisser transparaître à quel point il en souffrait avaient poussé son esprit fragilisé au possible par la dépression, la colère et l'alcool à effacer les causes de ses souffrances. Airamant, Glenn... et Aaron.

Oui, même lui alors qu'il n'avait en aucune manière fait de mal au Mage. Pourquoi? Simplement car il était le risque. La goutte de trop dans la vie de l'Adepte et l'incarnation vivante de ses peurs. La peur du rejet, la peur d'être seul, de se sentir ridicule, d'aimer sans l'être. Tout ce qui aurait pu être ce matin là au réveil .

Oui, ce qui aurait pu être si le cerveau malade de l'Adepte n'en avait pas décidé autrement en le protégeant. Au final, cette amnésie n'était qu'une protection contre l'amour et la souffrance qui en avait découlé jusqu'ici.

Si Manuchan n'avait pas souhaité se forcer à se souvenir à un tel point, son corps n'aurait pas réagi ainsi, mais c'était pour le mieux finalement. Les digues avaient été rompues, toutes les barrières qu'il avait élevées autour de son chagrin étaient détruites, emportées par le flot de ses sentiments.

sérénité

Nouvelle toile de fond. Il se sentait bien, mieux qu'il n'avait pu l'être depuis bien longtemps pour tout dire. Les pleurs versés et la rage de sa souffrance passée, restait un état proche de la béatitude. Il aurait pu se croire drogué s'il n'avait su théoriquement que les pleurs pouvaient avoir ce type d'effet.

Seule une chose désormais l'inquiétait. Oh ! Il aurait certainement encore des passages à vide malgré tout et ressentirait probablement toujours un pincement au souvenir de ses anciens amours, mais ça n'aurait rien de comparable. Non, sa crainte était entre ses bras serrés. Les jointures des mains de Manuchan avaient blanchies tant il serrait fort ses propres avant-bras et le Mage eut peur de l'état d'Aaron. Ne restait qu'à prier un bref instant.

*Déesse, je vous en supplie, faites qu'il aille bien.*

Peur très légitime quand il repensait à ce que le héraut avait dû endurer pendant ces moments intenses et qu'il espérait ne pas avoir trop partagés. Doucement, il desserrait son étreinte et passa une main sur le visage du blond, cherchant ses yeux en même temps qu'il faisait passer un filin d'énergie de son cors à celui de son amant.

Espoir.

*Je vous en conjure.....*

La Déesse soit remerciée, Aaron ne semblait pas être trop mal en point si l'on considérait ce qu'il avait probablement partagé avec l'Adepte, à son grand dam.

En revanche, expliquer ce qu'il venait vraiment se passer était loin d'être simple. Manuchan ne pouvait nier avoir certaines réponses mais d'une part ne pouvait pas tout expliquer et d'autre part, n'avait une fois de plus pas l'intention de déclarer sa flamme. Pourtant...

Il était toujours possible qu'Aaron sache déjà ce que l'Adepte ressentait, mais comment le savoir?

Bien sûr, les mains qui tremblaient dans son dos étaient déjà une indication suffisante qu'Aaron avait ressenti des choses. Probablement trop aux yeux de l'Adepte qui s'en voulait profondément d'avoir imposé cela à son amant, même si ce n'était pas volontaire.

Manuchan prit le visage du héraut dans ses bras et déposa un nouveau baiser, presque chaste, sur ses lèvres.

"Je suis désolé. Pardonne moi."

Ses bras revinrent bien vite autour du héraut et cette fois, il força presque le blanc à enfouir son visage au creux de son épaule dans un geste de consolation.

"Je pense.... Je pense que mes souffrances sont finies maintenant. certaines au moins."

Comment parler de ses anciens amours et de la complexité de ses émotions et de ses pensées? C'était impossible, tout bonnement.

'J'avais probablement besoin... de me vider de mes peines. Que tu en devienne le récipiendaire... Je ne l'aurais jamais voulu. Pardonne-moi."

Encore une fois, le Mage avait ce besoin de se savoir pardonné car il craignait bien trop être séparé de son nouvel amour qu'il n'admettait pourtant pas de vive voix.

"Je... J'en demande sûrement trop encore une fois."

Manuchan se releva après une caresse sur le visage de son amant et un autre baiser sur ses lèvres, doux et rapide en même temps. Savourant ce contact.

"Dis à Raïna que je suis navré de t'avoir fait souffrir."

L'Adepte commençait maintenant à rassembler ses vêtements. Dire qu'il avait été nu tout ce temps. Habituellement, la nudité ne le dérangeait pas mais maintenant qu'il avait partagé bien plus que son corps sans même le vouloir.... Il valait sûrement mieux se rhabiller.

Les vêtements dispersés dans la chambre furent bientôt aux côtés du Mage assis sur le lit et il entreprit de les passer sans un mot. Il devrait sûrement partir maintenant. Sûr qu'il était d'avoir définitivement perdu ce nouvel amour et ce qui était paradoxal, à cause de ce qu'il ressentait pour les anciens. Il aurait pu en rire s'il n'en avait pas tellement pleuré à l'instant.
Mais il ne comptait tout de même aps rester sans avoir réglé ce qu'il estimait une dette.

"Si jamais.... Tu a besoin de quoi que ce soit.... Je t'en prie, dis le moi. Tu sais...."

Le Mage reprit son souffle et dit aussi fort qu'il le put - ce qui se résumait à un chuchotis tremblant :

"Je serais toujours là pour toi."

Finalement, ne lui restait plus qu'à se lever maintenant qu'il avait recouvré chacun de ses vêtements et à se diriger vers la porte pour partir. Juste un dernier regard.

*Un dernier regard sur ses yeux étranges qui m'ont tant attirés.*

Pessimiste, peut-être. Mais comment quelqu'un qui avait tant souffert par sa faute aurait-il jamais pu lui pardonner? Ni même lui reparler. Tout ce que Manuchan souhaitait finalement, c'est que cette expérience n'avait pas trop blessé Aaron.

*Et dire qu'il m'a demandé mon aide*

Oui, le blanc avait demandé son aide pour contrôler son empathie et tout ce qu'il avait eu finalement, c'était une grande souffrance précisément par ce Don à cause de lui à qui il l'avait demandé. Nouveau paradoxe. Le cœur du rethwellan manquait de s'arrêter à chaque battement et il sentait clairement un fort pincement dans sa poitrine.

Il était finalement résolu à partir. Pas seulement de cette chambre, mais aussi de cette ville, de ce pays.... Pour le bien de tous, il allait simplement revenir à e qu'il avait déjà fait. Vivre seul, loin de tout.

« Attends... »


Manuchan se figea à l'écoute de cette voix si faible mais pourtant, qu'il sentait presque impérieuse. Pourtant, il ne se retourna pas, voir Aaron à cet instant alors qu'il s'apprêtait à disparaître aurait été trop douloureux. Et ils avaient tous deux assez souffert pour ce soir, voire pour toute leur vie.

C'était encore une fois paradoxal d'ailleurs. Il disait au héraut qu'il serait toujours là pour lui mais prévoyait de s'en aller. Pas très logique comme raisonnement. Cela étant, il aurait quand même fait le nécessaire pour que le blanc sache où le trouver.

La porte devant l'Adepte se referma semblait-il toute seule, mais ce ne pouvait pas être le cas. Il était plus probable que le blond y était pour quelque chose étant donné les Dons qu'il possédait et qu'Aaron lui avait confié avoir.

Derrière lui, Manuchan entendait des bruits et craignait d'en comprendre le sens. Le héraut devait s'être relevé. Qu'allait-il se passer? Allait-il le frapper? Ça aurait été tout à fait justifié aux yeux de l'Adepte après tout ce qu'ils avaient vécu cette nuit et ce matin. Autant de plaisir et de joie gâchés par des émotions. Par l'arrogance d'un Mage qui refusait de montrer sa douleur et qui n'avait au final rien fait pour se soigner.

Il était fautif et en avait pleinement conscience. Jamais il ne se pardonnerait d'avoir fait autant de mal par son orgueil mal placé. Mais ce qu'il advint n'avait rien à voir avec ce à quoi il s'attendait.

Tout d'abord, deux petits mots firent froncer ses sourcils. Simplement car il ne les comprit pas au premier abord et plutôt que de le demander, restait dans l'attente de sa punition sans un mot.

Il entendait la marche du héraut dans son dos et attendait le couperet. Il lui devait bien de rester pour subir son juste châtiment. Les hérauts étaient garants de la justice après tout et même s'ils étaient plutôt altruiste généralement, l'Adepte doutait qu'ils puissent tout pardonner si aisément.

Ses jambes faillirent céder sous son poids lorsqu'Aaron répéta ces deux mots simples, les expliquant plus avant et passant ses bras autour de la taille de Manuchan. Le visage du blanc venait se loger au creux de la nuque de l'Adepte et celui-ci se sentit faible.... mais tellement heureux.

Doucement, il se retourna et vint poser ses lèvres dans un baiser plein de tendresse sur celles d'Aaron et laissa ses yeux se fixer dans les yeux mordorés à la suite.

"Alors, je suis là."

Il avait chuchoté ces mots à l'oreille du blanc et ne pensait pas avoir été plus sincère depuis leur rencontre. Oui, il était là et le resterait tant qu'Aaron dirait qu'il en avait besoin.

La culpabilité restait pourtant présente en lui et le rongerait certainement longtemps mais il ne pouvait pourtant pas nier être simplement bien, là, dans les bras de son amant et ne plus vouloir le lâcher. Jamais. A son tour, il vint enfouir son visage dans le creux de l'épaule de son vis-vis et une larme unique coula le long de ses joues.

Pour une fois, c'était une larme de joie.

"Pardonne-moi."

Impossible de se retenir. Il s'en voulait trop pour ne pas reposer cette question à laquelle son amant n'avait pas encore répondu. Peut-être que même, s'il avait apparemment besoin de lui, il ne pourrait pas lui pardonner. Et ce serait normal.
Même là en fait, il était égoïste de faire cette demande. Il n'avait pas à être pardonné.

Aaron avait beau dit qu'il n'y avait rien à pardonner, c'était faux aux yeux de l'Adepte repentant et la compassion d'un héraut n'y changerait probablement pas grand chose.

Toutefois, être à nouveau dans les bras du blanc apportait à Manuchan une sensation égale de bien-être à celle qu'il avait ressentie jusqu'alors au contact du blond. Il avait maintenant plus ou moins compris et accepté les sentiments trop précoces qui l'avaient envahis et ne pouvait que se sentir... heureux? Dans les bras de son amant.

Doucement, Manuchan sentit Aaron s'écartait et retint de justesse un gémissement de déception. Il serait volontiers resté dans ses bras des heures durant, des jours durant même ! Enfin, si l'on voulait oublié les besoin humains et l'odeur nauséabonde qui aurait fini par se dégager de leurs corps. Bon appétit bien sûr.

Ainsi, Raïna aussi pensait la même chose que le blanc? Manuchan voyait clairement dans les yeux qui lui faisaient face, la sincérité profonde qui pouvait habiter un homme aussi honnête qu'Aaron. Impossible de douter un instant des dires du blanc.

Toutefois, si eux ne lui en voulaient guère. Lui-même s'en voulait beaucoup d'avoir laissé ainsi son trouble s'enfler démesurément au fil du temps jusqu'à l'explosion de ses émotions.

"SI, je pense que ça l'est en partie. J'aurais dû être capable de me défaire de mes souffrances. Tu n'aurais pas eu à les endurer."

La main de l'Adepte caressait tendrement la joue de son vis-à-vis ce disant. Le Mage éprouvait tant d'affection à l'égard d'Aaron. Ce n'étais certes pas son premier amour, ni son premier objet de tendresse mais chaque amour était différent n'est-ce pas?

Celui-ci l'était aussi dans un sens. Car, outre le fait qu'il soit apparu aussi rapidement et follement, outre le fait qu'Aaron ne correspondait pas physiquement ou mentalement à ce qui attirait Manuchan à la base, le Mage sentait une particularité dans ce qui le liait à Aaron. La sensation, simplement, qu'il pourrait probablement passer sa vie avec lui et vieillir en sa compagnie.

*je n'y avais jamais pensé pour les autres*

« Je... »


*Hein? Quoi?*

Ce "je" ressemblait beaucoup trop à celui que Manuchan avait prononcé au cours de leurs ébats plus tôt dans al soirée. Mais l'Adepte n'osait penser que la suite eut pu être la même. Oui, il avait failli déclarer un amour dont il n'était pas sûr alors, emporté par sa fièvre mais s'était restreint à temps. Et voilà qu'Aaron donnait l'impression d'avoir eu la même réaction.

Mais il ne fallait jurer de rien car si l'Adepte était désormais à peu près sûr de ce qu'il ressentait, ça restait exceptionnel et le héraut devait quant à lui, n'être sûr de rien. A fortiori sachant qu'il n'avait jamais eu de relation de ce type avec un homme auparavant.

Enfin, Aaron reprenait ses propos et, si ce n'était certes pas une déclaration d 'amour, c'était au moins un bon début. L'Adepte n'était de toute façon pas en droit d'en demander plus et le savait.

Manuchan revint se serrer au corps de son amant, non pas sensuellement, mais presque comme s'il eut voulu fusionner leurs deux corps à défaut de leurs deux âmes. De la même façon, il ne devait pas se déclarer, ce n'aurait été qu'une gêne pour le blanc. Et Manuchan ne souhaitait en aucune manière le pousser à prendre une direction ou une autre à son égard. Les choses seraient telles qu'elles seraient. Voilà tout.

"Je peux en dire autant. Et nos ébats n'y ont pas grand chose à voir non plus."

Le mage recula son visage et affichant un sourire un peu moqueur.

"Mais on recommence quand tu veux cela dit....."

Il était plus que temps de détendre l'atmosphère. Ils ne savaient probablement ni l'un ni l'autre ce qui se passerait à partir de maintenant. Encore que, ils avaient tous deux des obligations et ne pourraient pas rester sans cesse ensemble. Au moins le jour. Et parfois aussi la nuit dans le cas de l'Adepte s'il devait aider à gérer la Pierre-coeur. Ce ne serait pas évident, mais c'était ainsi.

"Tu voudrais que l'on se revoie ce soir?"