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 23. Under the moonlight and shooting stars ♫ ft. Vahon

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MessageSujet: 23. Under the moonlight and shooting stars ♫ ft. Vahon   23. Under the moonlight and shooting stars ♫ ft. Vahon EmptyMer 28 Jan 2015 - 17:51

J'aime la nuit. J'aime les étoiles et la lune. Mais je n'aime pas vraiment braver les interdits. Pourtant, le couvre-feu est largement dépassé, et je me faufile le plus furtivement possible à travers les couloirs de l'Académie, avec pour objectif simple de sortir sous le ciel limpide. Il fait froid, plus qu'il ne devrait, et même si je n'y ai pas trop fait attention jusque-là, je commence à m'en rendre compte aux vêtements que je me retrouve à porter, bien trop tôt dans la saison. On n'est qu'en septembre, et j'arbore déjà un pantalon de velours gris et un pull à col roulé bois de rose. Pas le plus discret, peut-être, mais je ne porte jamais de noir et de toute façon, ça ne changerait, à mon sens, pas grand chose si quelqu'un venait à passer par là. Ce qui peut jouer un rôle décisif, c'est ma baguette, fermement tenue dans ma main droite. Mes baskets effleurent les dalles silencieusement, et j'ouvre avec précaution la porte menant vers les jardins. La brise fraîche qui me pique les joues fait naître un sourire sur mon visage, et je sors sous la pâle lumière lunaire, que je vénérerai presque si j'étais encline à quelque croyance de ce type.

Il y a des choses qu'on n'imagine pas en me regardant, et celle-ci est sans doute un exemple type. Je suis dehors, sans aucune contrainte, et je souris, avançant prudemment jusqu'au jardin volant où je me décide seulement à m'arrêter, et à m'asseoir à même le sol, le visage tourné vers l'astre nocturne.

« Tu vois Brontë », dis-je à ma ratoune bien sagement agrippée sur mon épaule, « c'est une très belle nuit pour observer les étoiles. »

Et c'est ce que je m'emploie dès lors à faire, me remémorant mentalement d'abord les noms des constellations sur lesquelles mon regard se pose. Les plus proches de la lune s'efface devant la faible clarté de celle-ci, et un instant encore, je souris, comme si elle avait pu me dire quelque chose d'amusant. Le silence règne pourtant autour de moi, perturbé seulement par quelques criquets guère trop engourdis encore par le froid. D'ici peu, ils se tairont à leur tour, et l'hiver sera définitivement là. Pour l'heure, ils accompagnent encore mes pérégrinations nocturnes, et je suis tout simplement aux anges. J'ai même envie de chanter, là, maintenant, tout de suite, mais pousser ma voix en plein cœur de la nuit anéantirait sans doute mes efforts de discrétion. Je me retiens un moment, me concentrant sur les étoiles, jusqu'à ce que la reine de la nuit n'attire de nouveau mon attention, et ne l'accapare à tel point que je me relève, et, sans raison apparente, me mets à virevolter, tournoyer, en plein milieu du jardin.

J'ai sans doute l'air parfaitement folle à danser au milieu de rien, en pleine nuit, mais je n'en ai absolument rien à faire. On m'affuble déjà de bien des noms, et c'est pourtant une période du cycle lunaire où je suis peu excitée. La pleine lune sera pire encore. Les phases de la lune ont décidément tendance à gouverner mes émotions, et même si je ne suis pas parfaitement remise de ma déception disons amoureuse même s'il ne s'agissait assurément pas de l'amour de ma vie, je suis clairement passée par une période de tristesse que la lune descendante a tendance à amplifier. Pourtant, je ne suis pas d'un naturel aussi morne, et là, seule dans le noir, je souris quand même, malgré tout.

Et puis je n'y tiens plus. Ce n'est plus une danse enfantine qui m'anime, mais cet air d'opéra connu qui me trotte dans la tête. Je fredonne d'abord pour moi, et ma voix trouble à peine le murmure des criquets. Mais bien vite, cela ne me suffit plus, et je hausse le ton, sans tout d'abord m'en rendre compte. L'air de la flûte enchantée emplit finalement l'air et j'imagine une scène d'opéra, ses décors et ses costumes, et les instruments dans la fosse. Le public, aussi, guindé et sagement assis chacun à sa place. La musique m'emporte, imaginaire, et je joue le rôle si ingrat de la Königin, qui pourtant ne me correspond pas. Je crois qu'on m'imaginerait plutôt dans celui de sa fille, et l'instant d'après, c'est son rôle que je campe, adressant au satellite qui brille au-dessus de moi la plainte de Pamina.

Un bruit suspect me tire de mon jeu de scène, et je m'interromps, baguette en main.

« Qui est là ? »

Ma voix se fait vibrante de panique : je risque de belles sanctions à être trouvée là, en dehors des horaires autorisées, avec une rate sur l'épaule, et je passe de l'euphorie à la crainte en un éclair, perturbée sans doute par la pleine lune plus que je ne le concède ouvertement. Anxieuse, je parcours l'obscurité du regard, levant la faible lumière du lumos devant moi, espérant qu'il me révèle l'origine du craquement qui m'a inquiétée, et que celle-ci soit inoffensive...

***

Je n'étais plus seule, et je n'en étais clairement pas rassurée. Ca pouvait être n'importe qui, et j'imaginais surtout que ça allait être quelqu'un qu'il ne fallait pas. Quelqu'un de l'encadrement, qui ne manquerait pas de me punir et pour ma sortie nocturne, et pour Brontë. La ratoune sur mon épaule a dû sentir ma nervosité, elle est venue coller son petit museau contre ma joue. Ca pouvait aussi être quelqu'un qui m'aurait vendu à un professeur, ce qui en définitive, reviendrait au même. La personne s'avance, légèrement de côté par rapport à ma baguette, et j'attends un peu quand je vois son visage pour me décider à la baisser.

« Pas de panique. Je ne suis pas un prof’. Et désolé pour l’approche. Je ne pensais pas franchement tomber sur quelqu’un au milieu de la nuit.
- J'avoue, moi non plus... »

Je ne suis pas complètement sereine : il peut encore vouloir me faire punir, mais je baisse quand même un peu ma baguette, histoire d'arrêter de l'éblouir. Des gens qui cherchent à me blesser, il y en a plein, mais il ne s'excuserait pas si c'était le cas, n'est-ce pas ? J'observe son visage. J'ai déjà dû le voir, mais je ne suis pas certaine de mon coup, et j'attends qu'il se présente.

« Vahon.
- Moi c'est Micaëla. On a... cours ensemble, non ? »

Je crois que oui mais je ne sais pas vraiment dans quelle discipline, et son nom ne me parle pas. Je regarde un peu autour de nous, il n'y a personne d'autre, je crois, et ça me rassure un peu. Et puis je finis par éclater de rire. Il m'a vue danser, là, toute seule, au milieu de la nuit, sous les étoiles, et je pense sincèrement que je ne passe pas pour quelqu'un de sain d'esprit.

« Je suppose que tu m'as vue faire... Ca doit être un peu... bizarre, non ? »

Ce qui serait le moindre des adjectifs dont on a pu m'affubler. Je hausse les épaules, me décidant à m'asseoir à même le sol, en tailleur, face à Vahon. Le quart d'heure danse est terminé, mais il nous reste encore la lune et les étoiles et je reste un moment à fixer le ciel avant de me décider à reprendre la parole.

« Toi non plus tu n'arrives pas à dormir ? Moi les grandes phases de la lune, ça me fait toujours ça. Et la nouvelle lune approche. Alors j'aime pas trop contourner les règles, mais je sors quand même, de toute façon je peux pas dormir. Et puis ce soir, on voit bien les étoiles... »

Et en l'occurrence, j'observe Cassiopée, là-haut. Je regrette de ne pas avoir un télescope pour tenter de jeter un coup d'oeil à la galaxie d'Andromède.

« Je me suis toujours demandée s'il pouvait y avoir une forme de vie là-haut. Peut-être que dans M31, ils se posent la même question pour nous... »

Non, je ne vais pas lui dire que j'ai des tonnes de pages d'écriture sur deux hypothétiques systèmes solaires en guerre dans cette galaxie, je suis presque sûre que mes divagations littéraires sont archi-nulles, même si je continue à écrire et que je fourmille d'idée pour la suite de cette saga, si j'ose dire, qui doit faire quelques cinq pages, déjà. Personne n'a lu tout ça, pas même mes cousins dont je suis si proche, alors je ne risque pas d'en parler à un inconnu ou presque. La seule personne qui a pu lire un peu de ce que j'ai écrit, c'est notre prof de français, et j'ai tellement l'impression qu'il m'évite que je n'ose ni lui demander pourquoi, ni montrer encore mes textes, même à Rosa. Je sais qu'elle écrit, elle, et bien. J'aime sa prose autant que ses poèmes. Et je considère qu'elle, au moins, elle a du talent.

***

Je n'étais pas du genre à attaquer les gens. Techniquement, je devais bien en être capable, mais psychologiquement, c'était, juste, impossible. J'étais face à lui, la baguette levée entre nous, et il ne le savait pas, mais au fond, je sais bien que je n'aurais pas été capable de lancer un sort à son encontre à moins que ma vie soit en danger. Ou celle d'un de mes proches. Peut-être même plus celle d'un de mes proches d'ailleurs. Bref.

« Oui, on a cours s’astronomie ensemble. Mon vrai nom, c’est Emmet mais à part les professeurs, personne ne m’appelle comme ça »

Oh... Emmet. Je ne me souvenais pas vraiment qu'on ait jamais mentionné son autre prénom, il est vrai, mais les remontrances des professeurs pour ses retards, à force, oui. Je souris légèrement. Moi j'étais dans la lune, lui en retard, et nous nous retrouvions sous les étoiles... C'était vraiment ... étrange, non ?

« Euh… oui, je t’ai vu quant à dire que c’est bizarre. J’le ferais pas. »

Je l'observais un instant, la tête penchée sur le côté.

« Pourtant tout le monde le ferait. Tout le monde le fait, même. Je suis... pas comme les autres... »

Je ne veux pas parler de mon don, il me vaut bien trop d'inimitiés pour ça. Et pourtant, c'est clairement à lui que je fais allusion. C'est la principale cause de ma différence, de ce qui fait que j'évite les autres et qu'ils me le rendent bien. Ca et ma pudeur exacerbée que je n'ai toujours pas réussi à taire. Et peut-être aussi le fait que je me sois entichée du seul garçon qui a une telle opinion de lui que les autres sont forcément, désespérément, hors de portée ? Je réprime un soupir las. La nouvelle lune approche, à n'en pas douter : j'ai des tendances assez négatives. Et je ne m'attendais clairement pas à une telle affirmation.

« En fait, c’était plutôt joli. »

Je reste coite, la bouche entrouverte, et mes joues se colorent instantanément de rouge. Dans la pénombre, ce n'est peut-être pas flagrant, mais moi, je suis certaine qu'on ne voit plus que ça. Je ne suis pas une grande danseuse, je ne crois pas l'être, comme je suis persuadée d'être un mauvais écrivain. J'aime ça, mais ça ne fait pas tout. Et être surprise n'était pas vraiment dans mes intentions primitives. Alors j'ai parlé, d'un peu tout ce qui me passait par la tête, et je suis de plus en plus certaine que je passe pour une demeurée.

« J’ai des insomnies. Ouais… pour une Hypnos, c’est un comble et vu que j’arrivais pas à dormir, j’ai bravé l’extinction des feux. La nuit est dégagée même s’il fait froid, on voit bien les étoiles. C’est rare ces temps-ci, alors je profite et avec un peu de chance, je dormirais après.
- Je me suis fait la même réflexions. De toute façon, aux grandes phases de la lune, je suis toujours très réactives. Les étoiles sont belles ce soir... »

Moi aussi, je dormirais plus tard. J'ai la chance de ne pas avoir besoin de beaucoup de sommeil, cela dit. Mais malgré l'obscurité, je vois bien sa surprise quand je cite ces trois petites lettres. Enfin une lettre et deux chiffres, mais bref. M31. Il faut que je m'explique et ça me fait bizarre d'être dans la position du sachant.

« Je ne sais pas si on est seul dans l’univers comme le disent si bien les moldus mais je crois que ce serait présomptueux de croire qu’on l’est. Quand à M31… C’est quoi ça ?
- M31. C'est le nom de code que les moldus donnent à la galaxie d'Andromède. Il y a longtemps que les étoiles me fascinent et comme ma mère sorcière est morte quand j'avais douze ans, mon père moldu a fait de son mieux pour me procurer des ouvrages qui pouvaient m'intéresser. Du coup j'ai parfois tendance à utiliser les noms moldus pour les étoiles et autres corps célestes... Pardon... »

Oui, ça c'était tout moi. M'excuser pour tout et n'importe quoi. Et d'ailleurs je baissai le regard, passablement gênée d'avoir embarrassé mon interlocuteur. Et puis son regard tomba sur Brontë et comme je m'en rendais compte en relevant les yeux, une peur panique s'empara de moi et je levai la main comme pour protéger ma ratoune.

« S'il te plait, ne dis rien. Je sais que les rats et tous les rongeurs sont interdits dans l'école... mais je n'avais pas prévu de la prendre c'est juste que... on s'est mutuellement acceptées tout de suite et je pouvais pas la laisser à l'animalerie et... Il faut pas que les autres sachent. Non seulement je risque d'être punie, mais je ne sais surtout pas ce qu'ils feront d'elle... et je veux pas qu'ils lui fassent du mal. »

J'osai à peine croiser son regard, reculant presque par réflexe. Au fond, je devais bien être capable de lancer un sort d'oubliettes, mais je n'en avais pas envie. Et comme Vahon reprenait la parole, je hochai doucement la tête, pas encore complètement rassurée.

« Et si on profitait des étoiles ? Avec un ciel aussi dégagé, on ne les verra jamais aussi bien. »

C'était tout à fait vrai. Et j'avais donc fini par m'asseoir, attendant qu'il en fasse de même. Il était trop proche de moi à mon goût cependant. Bien qu'un instant bref, je songe que proche de lui, j'aurais peut-être moins froid. Je repoussai aussitôt cette idée, et me concentrai sur la voûte étoilée.

« T'as l'air d'aimer les étoiles, toi aussi... c'est laquelle ta préférée ? »

J'ai l'impression d'être une gamine qui demande sa couleur préféré à un tout nouveau camarade de classe. Mais finalement, je ne suis peut-être que ça, une grande gamine d'un mètre soixante-quinze qui vit encore dans ses fantaisies. Rien que d'y penser, je suis presque sûre de faire fuir Vahon d'ici quelques minutes, et je soupire. Si je n'avais pas mes cousins, finalement, qui me resterait-il ?

***

On a tous nos points forts et nos points faibles. Comme Vahon, je suis plutôt douée en astronomie. En soins aux créatures magiques, aussi. Mais globalement, je m'appliquais partout. Perfectionniste. Je détestais que quelque chose me résiste, et plus encore si je ne donnais pas le meilleur de moi-même. Je faisais mon maximum même en métamorphose, qui restait pourtant ma bête noire. La seule matière où quoi que je fasse, j'étais presque sûre de me planter. En pratique en tout cas, parce qu'apprendre la théorie par coeur, j'en restais capable. Mais les étoiles... Ca avait de quoi faire rêver. Moi ça me faisait rêver. Mais à vrai dire, il n'en fallait pas vraiment beaucoup pour ça. C'était d'ailleurs une des choses - parmi tant d'autres - qui faisaient qu'on me prenait souvent pour une dégénérée, même si - ou peut-être justement parce que - je n'étais pas chez Hypnos. Parfois, c'est ce qui me fait m'interroger. J'ai le côté rêveur des Hypnos, mais le côté perfectionniste qui pourrait me rapprocher des Hestia. Pourtant je suis une Hébé. Sans doute parce que je garde toujours le sourire - à moins qu'on arrive à me faire pleurer - et que je suis capable comme à l'instant de rire toute seule pour n'importe quoi.

Ce qui ne me fait pas rire, en revanche, ce sont mes sentiments non partagés, et si j'avais su pour ceux de mon camarade, j'aurais sincèrement compati. Il n'y a rien de pire, à mes yeux, que de souffrir ainsi, parce qu'il n'y a aucune solution miracle pour apaiser notre mal-être. On dit que ça peut passer, avec le temps. Ou avec quelqu'un d'autre. Mais combien de temps faut-il pour qu'on cesse d'être tourmenté par l'image de celui pour lequel notre coeur s'est entiché ? Et encore faut-il le trouver, ce quelqu'un d'autre...

« Si seulement c’était les phases de la lune dans mon cas… »

J'arquais un sourcil, pas très certaine de ce que cette remarque pouvait bien vouloir dire, ni de l'avoir bien comprise d'ailleurs. Et comme il rembrayait sur les étoiles, je décidai de ne pas relever. S'il avait voulu que je l'entende, il l'aurait répété, ou énoncé plus fort.

« Oui, les étoiles sont belles. Je ne pense pas les avoir vu aussi bien depuis deux ans.
- Il faut dire que l'année dernière n'était pas vraiment propice à la rêverie sous les étoiles... »

J'étais surprise qu'il ne connaisse pas la dénomination moldue de la galaxie d'Andromède, au départ, mais je ne savais, somme toute, rien de lui, et il pouvait très bien avoir une famille uniquement sorcière pour qui les noms donnés par les non-sorciers restaient parfaitement inconnus. A mon sens, c'était l'avantage que d'être sang-mêlé : l'héritage mixé des deux communautés, n'en déplaise à mes grands-parents sectaires.

« T’excuse pas, t’as bien le droit d’utiliser l’appellation que tu veux. C’est juste déroutant. Je ne savais même pas que les moldus appelaient leurs étoiles autrement. Je trouve ça bizarre qu’il leur donne des noms avec des chiffres et des lettres.
- Ils utilisent plusieurs dénominations, en fait. Si tu leur dis la galaxie d'Andromède, ils comprennent, tout comme nous. Mais les scientifiques qui étudient les étoiles sont vite tombés à court de nom antiques... alors ils ont pris le parti de donner des codes comme M31. Mais je t'avouerai que c'est celui que j'ai le mieux retenu. »

Je caressai Brontë d'un doigt sur le dessus de son crâne, comme elle se rapprochait de mon visage en sentant mon angoisse. J'étais tout aussi sceptique quant à la motivation de l'interdiction des rongeurs dans l'académie, et à vrai dire, quand j'avais récupéré la ratoune, je n'avais absolument pas pensé à ça. Ce n'est que plus tard, avec Rosa chez Madame Guipure, que je m'en suis souvenue, et il était déjà hors de question que je la ramène à la boutique. Heureusement, Vahon m'assura de sa discrétion à ce sujet, ce qui me soulagea grandement.

« Je ne compte pas en parler. Te stresse pas. Je trouve ça rassurant de voir que tout le monde n’a pas adopté cette manie d’avoir un pigeon ou une colombe ou que sais-je d’autre. Personnellement, j’ai une chouette effraie. Elle ne reste même pas dans la volière. Elle reste à proximité de la Hutte aux Coquillages. Elle ne semble pas à son aise avec les autres oiseaux. Ça a du bon ceci dit, au moins, quand j’envoie du courrier, personne ne le sait.
- C'est plutôt bien, ça, plus discret. Ca doit te permettre de parler plus librement dans tes lettres, non ? Je me demande toujours s'il n'y a pas des gens qui interceptent nos messages. Après tout, les colombes blanches de l'école ne passent pas vraiment inaperçues... Elle s'appelle comment, ta chouette ? Elle, c'est Brontë. »

Et comme il s'allongeait, je pris ma rate dans les mains pour l'imiter et la poser sur mon ventre. Brontë était très intelligente, ou très sage, ou les deux. En tout cas, elle ne chercha pas un instant à s'enfuir, bien tranquillement allongée sur moi.

« J’adore les étoiles, elles m’offrent… un sentiment de liberté, elles me rappellent que le ciel est vaste et que tout ne peut pas être contrôlé. Ça me rassure, ça m’apaise. Je crois que c’est pour ça que l’astronomie est un de mes cours préférés.
- Voilà au moins un point que nous avons en commun. »

Je souris en l'écoutant. Oui, être là, comme ça, ce soir, c'est reposant et libérateur à la fois. L'oppression que je peux ressentir dans les pièces fermées disparaît devant l'immensité du ciel nocturne. Et moi j'aime l'impulsivité, les passions, les émotions, même si je ne sais absolument pas les gérer. C'est ce qui fait que l'art peut être vibrant, transmettre quelque chose. J'ai besoin de ça, même si je ne sais jamais expliquer par des mots ce que je ressens, même si j'ai tendance à avoir des réactions un peu trop... expressives.

« Je dirais la constellation de la Lyre. Elle n’est pas très imposante et elle est perdue au milieu des autres. Je crois que c’est ce qui me plait chez elle. Et la tienne c’est Andromède ?
- Ah... Véga de la Lyre... Tu connais son histoire avec Altaïr ? C'est un peu les Roméo & Juliette des étoiles. C'est une histoire chinoise, je crois. Ou japonaise. J'ai un doute... Ca vient de quelque part en Asie en tout cas. Il n'y a qu'une nuit dans l'année où ils peuvent se retrouver, le reste du temps, ils sont séparés par la voie lactée. J'aime beaucoup leur histoire aussi, mais oui, j'ai un faible pour Andromède. »

La sacrifiée. Celle qu'on donne en pâture au monstre qui ravage la côte pour protéger les villageois. Je crois que le côté preux chevalier de Persée qui la délivre joue aussi pour mon attachement à son histoire, mais j'aurais certainement l'air parfaitement ridicule à évoquer mon romantisme exacerbé. Et pourtant, je m'entends reprendre la parole, alors que je songeais justement à garder le silence.

« Il y a tellement de choses que je ne fais pas comme les autres... Je me suis toujours dit que c'était comme ça que j'étais, que je ne devais pas me renier, mais... A force, j'ai l'impression que ça ne m'apporte rien de bon. Que... que tout ce qui me tient à coeur, ce qui fait réellement partie de moi, n'est qu'un sujet de plus pour les railleries des autres. Je suis trop romantique, et trop rêveuse. Trop timide parfois, et trop pudique surtout. J'aime la peinture et la musique, mais j'ai parfois le sentiment qu'on considère ça comme des activités de second choix. Et puis... Il y a mon don... Et même si au fond, je suis fière de l'avoir hérité de ma mère, ça finit toujours par m'attirer des ennuis parce que les gens ne le comprennent pas. Et... Et... Et je sais pas pourquoi je te raconte tout ça, pardon... »

Je suis écarlate, et je n'ose plus bouger ni ajouter quoi que ce soit. Je sens que je tremble comme une feuille, et Brontë est remontée sur ma poitrine pour frotter son museau sur mon visage. J'ai envie de me terrer dans un trou de souris, de disparaître sous terre ou de remonter le temps pour m'empêcher de prononcer ces mots. J'ai envie de pleurer, aussi, mais je fais mon maximum pour me contenir, même si deux larmes roulent sur mes joues, en silence. C'est bientôt la nouvelle lune, assurément. Et il y aurait tellement d'autres choses à dire ! Maman. Mes grands-parents qui me méprisent. Mon frère jumeau qu'ils ont réussi à éloigner de moi. Ma soeur qui n'en pense sans doute pas mieux. Et lui, ce garçon qui a réussi à faire battre mon coeur différemment mais qui s'en fiche éperdument. J'étais venue ici pour me défouler, et pour profiter du spectacle et voilà que je gâchais celui de quelqu'un d'autre. Et c'est à peine un souffle qui passe mes lèvres, encore, entrecoupé de sanglots.

« Je... Je suis désolée... vraiment... Je me plains pas comme ça d'habitude... »

Alors pourquoi maintenant, hein ? Pourquoi là, alors qu'on parlait sagement des étoiles ? Pourquoi lui, alors qu'on ne s'est jamais adressé la parole auparavant, que je ne parle quasiment pas de tout ça non plus avec mes cousins, pourtant plus proches de moi ? Je me dis que la Directrice a peut-être raison, quand elle me suggère d'aller voir la psychomage. Il faudra que je trouve le courage d'aller la rencontrer. Demain. La semaine prochaine. Un jour. Peut-être. Si je survis à l'humiliation que je m'inflige toute seule ce soir.

***

« Brontë ? Comme la famille Brontë ? Ma chouette s’appelle Létys. Je ne sais pas d’où ça m’est venu, je trouvais juste que ça sonnait bien et puis, ça lui plaisait.
- Comme Emily Brontë, oui. C'est joli Létys. »

J'avais été surprise qu'il connaisse : la plupart des sorciers qui ne venaient pas du monde moldu ignoraient tout des écrivains ordinaires. Moi j'avais un père non-sorcier pour m'apprendre à voir le monde avec les deux prismes, sorcier et moldu. Ce n'était pas le cas de tout le monde, et je considérais ça comme une richesse, n'en déplaise au sectarisme du sang de mes grands-parents.

« Décidément, le hasard est un grand emmerdeur cosmique. Enfin, passons. »

Je ne voyais pas de quoi il voulait parler, mais puisqu'il souhaitait passer, je laissai ce point sous silence. De toute façon, j'avais embrayé sur un autre sujet, et j'en étais la première étonnée.

Parce que je ne faisais jamais ça. Je riais, je pleurais, j'avais peur ou j'étais dans mes rêves. Tout se voyait sur mon visage et parfois ça me pesait, mais je n'expliquais jamais rien d'ordinaire. Et je ne savais absolument pas pourquoi, là, maintenant, je me mettais à déballer mon sac devant Vahon. Ce que je savais, c'était que je n'aimais pas ça, et que je m'en voulais déjà d'avoir pris la parole. Et que si je voulais éviter que ça se renouvelle, il valait certainement mieux que j'accepte la suggestion de Mademoiselle Courterois et que j'aille voir Mademoiselle Beauchêne. Ca ne m'enchantais pas, mais si je devais en arriver à expliquer tout ce que j'avais sur le coeur, il valait sans doute mieux que ce soit à la psychomage, qui, elle, était censée être en mesure de m'aider, plutôt qu'à n'importe qui.

L'année écoulée avait été si pleine d'événements marquants. A différents niveaux, d'ailleurs. Evidemment, mes petites interrogations amoureuses n'étaient en rien comparables à ce qu'il s'était passé avec l'organisation. Mais c'était malgré tout une première pour moi, et donc, quelque chose qui me touchait particulièrement. Pourtant, j'avais fait partie des résistants. J'avais combattu, comme j'avais pu, comme nombre d'entre nous. J'avais été au coeur de l'action, j'avais vu les ravages de l'OS. Et malgré tout, ça me touchait moins directement, et je m'en voulais, aussi, d'être aussi futile. Des jeunes étaient morts, sacrifiés sur l'autel de la guérilla qui avait déchiré le monde sorcier. Et moi je pleurais parce que je n'étais pas acceptée par les autres, moins encore par celui qui avait réussi à toucher mon coeur, bien malgré lui. C'était ridicule.

Il m'avait écouté, cela dit, et était loin de se moquer de moi, ce pour quoi je lui étais particulièrement reconnaissante.

« Écoute, je suis pas doué pour parler aux gens, je suis encore moins doué pour réconforter ou donner des conseils. Je ne suis pas d’une popularité sans borne, certaines personnes me détestent même très franchement, ça n’est un secret pour personne. Mais je crois qu’il faut rester soi-même, être fidèle à soi-même, qu’est-ce qui nous reste après sinon ? Je ne sais pas ce que c’est que ton don non plus mais je ne pense pas que tu devrais t’en faire autant. »

Je hochai simplement la tête. parce qu'au fond, c'était bien ce que je m'efforçai de faire, la plupart du temps, au mépris des racontars qui fusaient derrière mon dos. Oui, j'étais différente de la plupart des gens, je le savais bien. De par mon caractère et mon côté artiste, déjà. Et puis il y avait mon don. Celui que peu de gens acceptaient. Est-ce que je pouvais lui en parler ? J'avais le sentiment confus que oui, quand bien même je redoutais malgré tout sa réaction.

« Je suis médium. Je vois des gens qui sont morts. Et parfois, j'ai des aperçus d'événements à venir, mais c'est plus rare. Et je n'arrive pas à comprendre pourquoi dans notre monde pourtant bourré de choses invraisemblables les gens ne conçoivent pas que ça puisse exister. Je m'en fais autant parce que... Parce que même dans ma famille, ça n'est pas forcément facile à appréhender, alors les autres... Je me heurte tout le temps à l'incompréhension et au rejet. Au bout du compte, c'est assez difficile à encaisser.
- Tu sais, le regard des gens a une fâcheuse tendance à détruire, le regard qu’on porte sur nous aussi d’ailleurs. Tu aimes l’art ? Des artistes, il en faut, des musiciens aussi. Je ne vois pas pourquoi tu ne pourrais pas être toi-même sous prétexte que les autres considèrent ça comme un choix de second ordre. Regarde-moi, je ne sais même pas ce que je vais faire en sortant d’ici. Je ne sais même pas si j’arriverais à terminer mon année à vrai dire. »

Pourquoi je ne pourrais pas être moi-même ?... Ah... moi non plus je ne le comprends pas, mais pourtant, il y a bien des gens qui me le font sentir. C'est pourtant ce que je fais, au fond, de rester moi, de continuer à peindre, à jouer, à écrire même si je me sais médiocre dans cette activité, et à ne pas refuser mon don même s'il m'attire souvent des ennuis. Mais ça me vaut la distance de mon frère jumeau et l'inimitié de mes grands-parents maternels. Mon père en est fier, mes cousins ravis, et heureusement qu'ils sont là pour me soutenir. Je ne serais certainement pas capable de continuer à vivre mes passions si je n'avais pas leur aval.

« Il faut rester soi-même, il faut assumer ce qu’on est.
- C'est ce que je m'efforce de faire. Il y a juste des moments où c'est une croix plus difficile à porter que d'autres... »

Je sèche mes larmes, je me suis suffisamment donnée en spectacle pour le moment. Et je me décide à croiser son regard que j'ai consciencieusement évité tout du long.

« Ca ne me regarde pas, certainement, mais... Pourquoi tu ne pourrais pas terminer ton année ? Je veux dire... C'est la dernière, c'est dommage de ne pas aller jusqu'au bout maintenant. Je peux t'aider ? »

Je tournai subitement la tête vers le ciel, cependant. JE ne l'avais qu'aperçue dans mon champ de vision, pourtant j'étais persuadée de l'avoir vue, et comme pour me le confirmer, une seconde fit son apparition, fusant un instant à travers l'obscurité du ciel.

« Un étoile filante ! Fais un voeu, V. ! »

Et sur le coup, je ne me rendis même pas vraiment compte que j'avais posé la main sur son bras pour attirer son attention. Pour ma part, mon voeu restait celui d'une gamine qui rêvait de son prince charmant...

***

Je crois que je ne mesurais pas encore bien ce qui était en train de se passer. Sérieusement, j'avais vraiment dit tout ça ? J'avais vraiment été jusqu'à me confier à un parfait inconnu, ou presque ? Dans quelques heures, lorsque je serai de nouveau seule et que j'y réfléchirai, je serai parfaitement horrifiée de ce que je venais de raconter. Et je n'oserai plus guère croiser le regard du blondinet à mes côtés. A cet instant, pourtant, ça m'avait fait du bien de parler, malgré mes larmes, et plus encore d'être écoutée sans jugement négatif à la clé. Je n'étais pas venue pour ça, je ne m'étais pas attendue à ça, mais ce n'était, peut-être, pas plus mal finalement. Au lieu de la solitude, j'étais en compagnie de quelqu'un de compréhensif pour changer. Au lieu de danser sous le mince croissant de lune, j'étais allongée à regarder les étoiles. Et même si on abordait des sujets qui ne me plaisaient guère, et de mon propre fait de surcroît, je crois que cette conversation, j'avais besoin de l'avoir. Et d'avoir le retour d'une personne moins sectaire que les autres, aussi, ce que j'avais auprès de l'Hypnos.

« C’est stupide… De te traiter différemment pour ça je veux dire. Tu es qui tu es. Ton don, c’est aussi toi. Enfin je suppose. J’ai jamais rencontré de médium mais ça fait partie de toi alors… et puis c’est pas comme s’il n’y en avait jamais eu dans le monde sorcier.
- Les gens ont peur de ce qu'ils ne comprennent pas. Et même si c'est censé être plus facile à appréhender pour un sorcier, ça reste quelque chose de suffisamment marginal pour qu'on ait du mal à le concevoir. La plupart des gens pense que je mens. C'est très bizarre pour moi, parce que je ne trouve pas ça plus étrange que la sorcellerie aux yeux d'un moldu... Mais oui, ça fait partie de moi, et du reste, j'en suis fier. C'est quelque chose que je partageais avec ma mère, et je ne le renierais pour rien au monde, même si parfois, c'est dur... »

Oui, "partageais", parce qu'elle n'était plus là. Mais ce n'était ni un secret, ni, à mes yeux, le moment de m'appesantir encore sur mes petits traumatismes. Bon d'accord, sentir que ça va arriver et voir sa mère tomber là, d'un coup, devant ses yeux, ce n'est peut-être pas un "petit" traumatisme, mais passons, je n'ai pas envie de continuer à l'ennuyer avec mes états d'âme, et je passe ça sous silence. Du reste, je comprends tout à fait que les gens n'aiment pas forcément se confier, moi je n'aime pas ça non plus. D'ailleurs, ce soir, j'ai vraiment le sentiment de m'être donnée en spectacle, et je commence à en ressentir une certaine honte. C'est peut-être pour ça aussi que je me tourne vers lui et lui pose mes questions. Mais s'il n'y avait pas répondu pas, je crois sincèrement que je n'en aurais pas été plus formalisée que ça.

« Disons que je ne sais pas si j’arriverais à tenir à ce rythme et que personne ne peut m’aider. Je sais c’est vague mais c’est tout ce que je suis capable d’en dire.
- Si un jour je peux faire quelque chose, n'hésite pas. »

Non, donc, je ne chercherai pas à en savoir plus, je ne suis pas comme ça. Je sais que certaines personnes seraient capables d'essayer de lui tirer les vers du nez, lui poseraient mille questions ou seraient outrées qu'il refuse de leur répondre clairement, de tout leur expliquer, de révéler ses secrets, mais je refuse d'être de ceux-là. Cela étant, je suis peinée de l'entendre dire que personne ne peut l'aider, parce que c'est triste de savoir qu'il ne sait pas vers qui il peut se tourner. Qu'il n'ait pas besoin de moi, c'est logique, nous ne nous connaissons vraiment pas pour ainsi dire, mais qu'il n'ait personne d'autre de suffisamment proche, en qui il ait suffisamment confiance pour pouvoir se confier et avoir un soutien qui semble nécessaire, c'est effectivement désolant. Mais je serais sans doute mal placée pour faire des commentaires à ce sujet. Et je ne me suis pas vraiment rendue compte, tout de suite, que j'avais osé le toucher et l'appeler par un surnom auquel je n'avais même pas réfléchi. C'était venu tout seul, un peu trop naturellement pour moi qui ai tendance à avoir une certaine réserve d'ordinaire, et quand je réalise finalement ces détails, je sens mes joues s'empourprer quelque peu comme je retire ma main pour caresser Brontë - joli alibi que cette petite boule de poils, donc. Merci ma belle, je te revaudrais ça.

« Depuis quand on avait pas vu d’étoile filante ?
- Une éternité. Avant l'organisation, s'il y avait bien un moment où je faisais en sorte d'être dehors la nuit, c'était quand on prévoyait qu'on verrait des étoiles filantes. Les nuits où elles sont le plus susceptibles d'apparaître, tu peux être sûr de me trouver à faire le mur, même si je n'aime pas trop enfreindre les règles en fait... »

Cette conversation plus anodine me convenait bien mieux, à moi aussi.

« Et en dehors de l'astronomie, c'est quoi les matières qui te plaisent ? Moi ça a beau ne pas être très sorcier, j'aime beaucoup les langues vivantes aussi... »

Après tout, tant qu'à apprendre à se connaître, autant commencer par les trucs de base, ce qu'on dit sans trop y réfléchir, naturellement. On a un peu commencé à l'envers par ma faute, j'essaie de me rattraper comme je peux maintenant. Il me faut encore quelques instants pour que ma respiration se calme parfaitement, mais mes larmes ont cessé de couler, et l'obscurité cache heureusement mes yeux un peu trop brillants et mes joues rosies.

***

Nous étions sans le savoir d'accord sur ce point aussi : cette guerre qui ronflait entre les écuries était particulièrement ridicule, et le fait qu'on nous impose presque d'y prendre part, plus encore. Certes, chacun avait le droit de donner son avis sur la position de la Directrice, mais on ne pouvait quand même pas être tous du même avis juste parce qu'on faisait partie de la même écurie, si ? Moi, je n'avais pas d'avis tranché, et je ne savais pas encore que mes sympathiques camarades de maison n'allaient pas tarder à chercher à me rallier à la cause anti-Courterois. Quant à être fier de soi-même, j'ignorais qu'il ne l'était pas, pour sa part, et j'aurais eu toutes les peines du monde à le comprendre. A mes yeux, et peut-être que notre rencontre somme toute récente faussait mon jugement, c'était un garçon sympathique, un peu secret, mais ce n'était pour moi pas une tare, et dont le côté rêveur s'exprimait par son goût pour les étoiles. Je supposais de par son discours une grande soif de liberté, et je comprenais ça parfaitement. Moi j'avais l'art pour m'évader, quel qu'il soit, mais ça n'était pas le cas de tout le monde. Sans ça, comment aurais-je réagi dans l'enceinte somme toute assez fermée de l'école ? C'était une belle cage dorée, certes, mais une cage tout de même : on ne pouvait pas en sortir comme on le souhaitait.

Bref... J'ai toujours été d'un naturel compréhensif et conciliant, encore plus envers les autres qu'envers moi-même d'ailleurs, et ce côté secret ne m'exaspérait pas le moins du monde : c'était encore quelque chose que nous partagions, même si je ne l'avais pas vraiment démontré ce soir. Alors je ne fus pas très surprise qu'il ne répondît pas à ma proposition : au fond, j'eusse été assez surprise qu'il vînt me voir, même si ce n'était pas des propos en l'air. S'il le faisait tout de même, je m'efforcerais de l'écouter et de tenter de l'aider autant que possible, mais je doutais sincèrement qu'il le fît. Qui sait, lors d'une prochaine nuit étoilée peut-être ?

« Vraiment ? Tu n’aimes pas enfreindre le règlement ? C’est drôle, l’école, ça sert aussi à ça non ? Enfreindre un peu les règles. Et puis, qu’y a-t-il de mal à faire une balade nocturne pour regarder les étoiles ? J’aime enfreindre quelques règles. Bon… je dois bien admettre qu’en fait je n’ai même pas lu le règlement, ça m’a joué un tour pas plus tard qu’en début de cette année. J’ai appris par un prof’ que les cuisines étaient ouvertes non stop… Moi qui voulais aller piquer un peu de nourriture avec un pote, on a eu l’air assez cons quand le prof’ est venu nous dire qu’elles étaient en libre service… Imagine ma tête. Je me dis toujours qu’il faudrait que je le lise mais j’ai la flemme. Il ne reste qu’un an, à quoi bon le lire. Il y a des choses plus intéressantes à faire.
- Disons que je crains surtout la sentence si on se fait prendre. Je suis... assez peureuse comme fille. Enfin tant qu'on touche pas à ceux que j'aime. Pour Brontë, j'ai aucune idée de ce qu'ils feraient s'ils la trouvaient, et je tiens trop à elle pour accepter qu'ils lui fassent du mal. »

Je souris cependant à la mention de sa petite mésaventure faute de connaître parfaitement les règles. Le règlement, je l'avais lu, au début, quand je suis arrivée, mais il y avait belle lurette que j'en avais oublié les points que nous n'appliquions pas au jour le jour. Quant à avoir des choses plus intéressantes à faire, je ne pouvais qu'acquiescer : pour ma part la musique, la peinture et l'équitation en faisaient partie. L'écriture et la photographie aussi. Et puis je devais bien admettre que perfectionniste comme j'étais, j'avais tendance à trouver des choses intéressantes dans la majeure partie des cours aussi.

« Les potions et la botanique. Je traîne souvent dans la serre quand il y a du soleil. Le prof’ de botanique n’a rien contre. En fait, on m’encourage assez bien. Ce n’est pas comme si j’étais super attentif dans les autres matières. Au moins, en botanique et en potions, je ne dors pas, je n’arrive pas en retard et je suis toujours attentif. J’ai même fait une hybridation de plante l’année dernière. Un mélange de plantes urticantes et sifflantes. De quoi casser les oreilles et rendre marteau n’importe qui en aurait pris une décoction. Je crois que certains l’ont utilisé mais je ne sais pas vraiment.
- Et bien je suis ravie de ne pas en avoir été la cible ! On m'a déjà filé de l'amortensia à mon insu, j'ai pas trouvé ça très drôle. Je crois que j'en ai entendu parler, cependant, mais j'ai tendance à être un peu dans la lune parfois aussi... Alors j'en suis pas très sûre. En tout cas, je ne crois pas qu'on m'ait dit que ça venait de toi, mais bravo, c'est un joli tour de force. Après voilà, je suis rêveuse, mais je déteste ne pas arriver à un résultat, alors je travaille beaucoup en dehors des cours aussi... Les potions j'ai un peu de mal sur la pratique, mais il faut dire que je ne suis pas super douée en cuisine et que je trouve que ça s'y rapporte. Par contre, on se retrouve aussi sur la botanique. Je pourrai venir avec toi aux serres ? »

Et si on me posait la question, moi je lui aurais sans doute conseillé de se diriger là-dedans.

« L’histoire de la magie ça n’est pas ma tasse de thé, les langues non plus d’ailleurs. Trop de choses à retenir, j’ai du mal en anglais pour tout dire. Mais ce que je déteste par-dessus tout, c’est la métamorphose et les sortilèges. Rien à faire, je suis un véritable boulet dans ces matières. Je surnage… J’ai la moyenne et ça me suffit. Tout le monde perd patience quand il s’agit de me remettre à niveau. Et toi, c’est quoi les matières que tu détestes ? Tu dois bien en avoir non ?
- L'histoire de la magie, je me maintiens juste. Je n'aime pas plus que ça, mais je ne déteste pas non plus. Mais je pourrai t'aider en anglais, si tu veux. Je te promets d'être une prof très patiente. Par contre je peux rien pour la métamorphose. Je m'en sors parce que j'apprends par coeur la théorie, mais dès qu'on passe à la pratique, je suis nulle. C'est pour ça que je ne peux pas changer l'apparence de Brontë pour nous protéger, et ça m'ennuie profondément d'ailleurs. Et puis je déteste la divination. J'ai pris l'option et je souhaite la garder parce que d'un certain côté, ça me permet d'appréhender une partie de mon don, mais la prof raconte n'importe quoi la plupart du temps et ça m'agace, alors c'est la seule matière où je ne fais vraiment aucun effort. »

J'étais, malgré mon petit passage à vide précédent, étrangement sereine à présent. Je ne savais pas ce que je devais remercier pour ça, la nuit étoilée et les étoiles filantes, la présence de Vahon, Brontë, cette discussion anodine ? Mais le fait était que je me sentais mieux. Et Brontë dut le sentir, aussi, car elle se déplaça, d'abord timidement, puis plus franchement et s'approcha de mon camarade d'insomnie. Et ça, ça avait de quoi surprendre, parce qu'elle avait tendance à être assez sauvage avec les gens. Et quand elle descendit pour aller poser ses deux petites pattes sur le bras de V., je la regardais un instant interloquée avant de reprendre la parole.

« Ca, c'est très surprenant. Elle n'aime pas les gens, d'habitude. Même ma cousine a du mal à l'approcher et pourtant elle l'a vue dès le départ... Je crois qu'elle t'aime bien. »

Et à part moi, je songeais que moi aussi. Je me fiais assez souvent à mon ressenti, même s'il était parfois disproportionné, et là, c'était plutôt positif. Est-ce que ma ratoune le ressentait aussi ? Je l'ignorais, mais la scène me fit sourire.

***

Les gens censés ne devaient pourtant pas manquer les couloirs de BeauxBâtons. Nous étions pourtant une académie réputée, non ? Pour ma part, je ne doutais pas de l'intellect de mes camarades, simplement de leur empathie et de leur tolérance, parfois. Quant à savoir si j'étais capable de nouer des relations sociales avec les autres... joker. En dehors de mes cousins, d'Ana même si j'avais l'impression de la perdre un peu ces derniers temps, et de mon frère avec qui je renouais tout juste le contact, je n'avais pas grand monde autour de moi. Et même si d'ordinaire, je ne me livrais pas vraiment, peut-être que justement, j'en avais besoin. Une fois n'est pas coutume, n'est-ce pas ? C'était tombé sur Vahon, et je n'en étais pas particulièrement fière, mais en même temps, je ne le regrettais pas vraiment. Etre là à discuter avec lui, c'était agréable.

« Tu sais, je ne pense pas qu'on lui ferait du mal. Peut-être qu'on te demanderait de la confier à quelqu'un dehors mais je ne crois pas qu'on lui ferait quelque chose. Au pire, tu peux toujours demander au prof de soins aux créatures magiques ou à ma cousine. Enfin, là je m'avance peut-être un peu mais... Y a toujours moyen si tu as peur pour elle...
- Ta cousine ? »

Je restai songeuse un instant, avant de me remémorer son nom à lui, puis celui de la garde-chasse. Il me fallut chercher un moment, suffisamment pour qu'il me réponde, avant de comprendre, et je hochai simplement la tête. Peut-être que je ferais ça, oui...

« J'y réfléchirai. Mais je ne voudrais pas l'ennuyer, elle a sans doute bien assez à faire sans s'occuper de mes petits problèmes mineurs... »

C'était une chose que je n'aimais pas faire : déranger les autres. Ca découlait grandement de ma propension à éviter les conflits : déranger une personne, c'était prendre le risque de l'énerver et donc de voir une querelle éclater. Chose que je ne supportais pas vraiment bien. Donc j'évitais au maximum, cqfd... En attendant, nous enchaînions sur l'anglais et des cours de soutien, et je l'écoutais évoquer son statut d'élève difficile.

« Tu t'avances sur un terrain glissant, je suis mauvais élève mais ça tu le sais déjà. T'es pas au bout de tes peines avec moi.
- Challenge accepted. »

Oui en anglais, oui, justement. Et peut-être que je n'étais pas au bout de mes peines avec lui, mais sincèrement, je ne m'inquiétais pas du tout pour ça. Sans doute qu'il faudrait du temps et de la patience pour que nous petits cours supplémentaires portent leurs fruits, mais ça, c'était le cadet de mes soucis. Du temps, j'en trouverai toujours. De la patience, j'en avais à revendre. Et je me faisais d'ores et déjà un devoir de parvenir à un résultat, même minime, sans savoir que ma cousine allait faire de même avec les sortilèges.

« Je vois que je suis pas le seul à galérer en métamorphose, c'est rassurant. J'peux pas t'aider. On apprend à changer des objets inanimés en animaux et je suis d'une nullité sans pareille. J'ai parfois l'impression que la prof me met la moyenne pour ne pas me revoir. En sortilèges, c'est un peu mieux mais c'est pas vraiment ça non plus. Tu parlais des potions tout à l'heure. C'est quoi qui ne te va pas ? La préparation des ingrédients ou ce qui se passe dans le chaudron ?
- Les ingrédients, ça va. Savoir par cœur les propriétés de tel plante ou des bouts de tel animal, je gère. En fait c'est un peu comme pour la métamorphose : tant qu'on reste sur la théorie, je me débrouille correctement. Je peux même te sortir des recettes de certaines potions par cœur. »

Plus que certaines, mais passons...

« Mais dès qu'il faut faire de la cuisine, c'est n'importe quoi. Ca cuit trop, ou pas assez, ou je mets trop de tel ingrédient alors pourtant que je sais pertinemment qu'il n'en faut qu'une pincée. Note que c'est un peu pareil en cuisine, ça n'a jamais été mon truc. Ophélia a toujours dit que ça n'était pas normal, pour une fille, de ne même pas réussir à cuire correctement des pâtes... »

Qui chez moi se terminaient invariablement en infâme bouillie collante tant elles passaient de temps dans l'eau bouillante. Quant à l'opinion de ma sœur à mon sujet, j'en resterai là. Ce n'était pas un secret que nous n'avions pas vraiment une relation très fusionnelle, à peine même cordiale. J'avais beau m'en vouloir, j'étais incapable de ne pas me sentir jalouse à chaque fois que je la regardais. Elle ressemblait tellement à Maman ! Et inversement, elle ne cachait pas son mépris à mon égard, et j'ignorais parfaitement qu'au fond, elle était seulement jalouse de la relation que j'avais eu avec notre mère, et par ce don que nous partagions.

Et s'il songeait à l'idée que les autres se feraient de nos entrevues studieuses, à vrai dire, je n'y songeais même pas. Eût-il voisé ses pensées, j'eusse haussé les épaules : ça faisait longtemps que je ne m'était résolue à entendre toute sorte de bêtises à mon sujet, même si parfois comme ce soir, j'avais du mal à encaisser les railleries. Tout ce qui comptait, c'était que ça se passe bien entre nous, que ça plaise ou non aux autres. Et comme ça plaisait à Brontë, c'était bien l'essentiel à mes yeux.

Amusée, je regardais donc ma rate s'approcher de V., poser ses pattes sur son bras. Il approcha doucement sa main et je le laissai faire, m'apprêtant à attraper ma puce si elle se décidait à réagir violemment, mais il n'en fut rien.

« On dirait bien. C'est étonnant pourtant, j'aurais cru qu'en ayant une chouette ça pourrait poser problème. Un peu comme quand un chien en renifle un autre, tu vois ? On dirait que je me suis planté. En même temps, les animaux et moi... Je suis juste capable de m'occuper de Létys. J'aime bien les animaux, mais je ne suis pas vraiment un pro avec eux. Magique ou non d'ailleurs.
- Je suis pas sûre qu'elle repère à ce point-là la présence de ta chouette, d'autant que tu ne l'as pas dans les mains tout le temps non plus. A la différence d'un chien qui marque beaucoup son territoire, je pense que Létys ne laisse pas autant de marque. C'est sûr que tu l'aurais eu sur l'épaule, ça aurait été différent. Quoi que je ne me serais pas approchée dans ce cas-là, je suis pas suicidaire non plus... On évitera juste de les laisser dans la même pièce toutes les deux. J'aimerais bien garder Brontë entière et je doute que Létys combatte son instinct prédateur face à elle... »

Les étoiles n'étaient plus filantes à présent, et je songeais à part moi que j'étais vraiment ridicule avec mes rêves de midinettes. Fort heureusement, nous n'avions ni l'un ni l'autre cherché à savoir ce qu'était le vœu de l'autre – et de toute façon, ça portait malheur de les raconter – et je ne comptais pas changer cet état de fait. Pendant de longues minutes, encore, je contemplais les étoiles, mon esprit vagabondant vers la galaxie d'Andromède, encore et toujours, avant que je ne me décide à reprendre la parole.

« Mettons-nous d'accord tout de suite, si tu veux bien. Quand serais-tu disponible pour ton premier cours de langue ? »

Innocente comme je pouvais l'être, je ne réalisai même pas que ma phrase pouvait être détournée de son sens premier. Ce qui m'aurait mise particulièrement mal à l'aise à vrai dire, parce qu'à ce niveau-là, c'était certainement moi qui en aurais besoin, en réalité...

***

« Si tu as vraiment un souci avec Brontë, dis-le moi, j’irai voir Mermaid. On trouvera peut-être une solution. »

J'hésitai. Je n'aimais pas trop l'idée d'en parler à quelqu'un de l'encadrement, mais en même temps, c'était déjà beau que personne ne m'ait grillé maintenant que tout le monde était rentré de vacances. Et ce n'étais clairement qu'une question de temps avant que quelqu'un ne découvre mon petit stratagème magique pour la cacher sous mon lit... L'idée de devoir me séparer d'elle, même temporairement pour la confier à mon père en dehors de l'école me serrait le coeur, et je n'arrivais pas à m'y résoudre, même si ce serait, certainement, la solution la plus raisonnable et la moins dangereuse pour moi. Alors je finis par hocher la tête et par répondre à sa proposition.

« Tu crois qu'elle pourrait... La garder pour moi ? Pour que personne ne sache qu'elle est là ? Je viendrai la voir tous les jours, évidemment... Je ferai n'importe quoi pour la remercier dans ce cas. »

Et j'étais parfaitement sincère, même si je voyais absolument pas comment je pourrais rendre la pareille à la garde-chasse avec mes maigres moyens de petite étudiante... Quant au sujet des potions... Vaste sujet que celui-là, et l'explication apportée par V. à mes difficultés dans ce domaine me laissa songeuse une fois encore.

« C’est peut-être ton côté artiste, tu as besoin de fantaisie… Enfin, je dis ça, je n’en sais rien. Quant à cette Ophélia, c’est ridicule ce qu’elle dit. On peut très bien être une fille est être nulle en cuisine tout comme être un garçon et détester tous les types de compétitions sportives.
- Ophélia est ma petite soeur. Mais on ne peut pas dire qu'on soit vraiment proches en fait. J'avoue que j'ai un côté rêveur qui fait que j'ai du mal avec les durées précises de cuisson, et même si je sais parfaitement ce que je dois mettre, et bien... ce n'est vraiment pas drôle de faire toujours la même chose. »

Quant au goût pour les compétitions sportives, je ne pouvais pas trop dire le contraire. Je ne suis pas une grande sportive, mais l'équitation et la danse sont des exercices que j'affectionne particulièrement, et je suis avec une certaine ferveur les courses de l'Académie. L'an passé, je n'étais pas vraiment très chaude pourtant, pour le tournoi. Je le trouvais trop dangereux, et les événements qui s'y sont déroulés ne m'ont pas détrompée. N'empêchait, donc, que j'étais une fille, une artiste, et que j'étais quand même fan de certains sports. A mes yeux, qu'un garçon ne s'y intéresse pas, ça n'avait rien d'étonnant. Mais sans doute qu'Ophé ne serait pas d'accord avec moi...

« Et si je te filais un coup de main en potion ? Ce serait la moindre des choses non ?
- Tu crois que tu pourrais faire quelque chose pour moi ? »

Non parce que je n'étais pas vraiment certaine d'être capable de beaucoup mieux en fait. Ce n'était pas comme si je ne travaillais pas, je suis perfectionniste jusqu'au bout des ongles, et je passe le temps qu'il faut à chacune des activités que j'entreprends pour parvenir à un résultat. Mais les potions, ou pire, la métamorphose, me résistent pourtant. Alors je ne suis vraiment pas certaine de pouvoir, même avec l'aide de V. faire jamais mieux que les résultats que j'obtiens actuellement. Et tandis que Brontë montait sur son bras, et qu'il lui caressait la tête. Et ça me plaisait de partager mon secret avec quelqu'un, mes cousins exceptés, quelqu'un d'extérieur, et qui, au demeurant, ne me jugeait pas, ce qui était réellement un soulagement.

« Je pense qu’il ne vaut mieux pas les laisser dans la même pièce, ma chouette ne va pas se priver d’un repas en effet. Je crois qu’elle doit avoir suffisamment de terrain pour chasser mais ça n’est pas une raison pour qu’elle fasse l’impasse, il faudrait éviter oui. Quoi qu’il en soit, je ne la laisse jamais enfermée. C’est mauvais pour elle, elle perd ses plumes quand elle est en cage J’ai donc pris le parti de la laisser me suivre comme elle l’entendait. Létys a un sale caractère.
- Il faudra que je fasse attention quand je sortirai avec Brontë qu'elle ne traîne pas dans les parages. J'ai pas vraiment envie que ma ratoune finisse dans le ventre de ta chouette. »

Après un petit bruit sourd, comme pour indiquer qu'elle en avait assez - ou alors était-ce du contentement ? - ma boule de poils quitta le bras de Vahon pour revenir sur moi. Et pendant ce temps-là, il réfléchissait à ma question.

« Le jeudi ? Je ne fais rien le jeudi. Alors si le jeudi te va, ce serait super.
- Ca sera parfait. »

D'habitude, le jeudi, j'avais tendance à repasser soit par l'atelier, soit par les écuries, soit à trouver un coin tranquille pour jouer du violon. Mais ça n'était pas comme si je ne m'adonnais pas à ces activités à d'autres moments de la semaine.

« Jeudi donc. On se retrouve... disons à la bibliothèque ? A moins que tu aies une meilleure idée... ou une plus originale où on pourrait se rejoindre ? »

Je réprimai alors un bâillement. Il était sans doute temps que je regagne mon dortoir, même si je n'avais pas besoin de beaucoup de sommeil, il m'en fallait quand même un minimum, et la nuit était déjà passablement avancée. Mais je ne voulais pas non plus me montrer impolie et pour l'heure, je restai encore un peu étendue dans l'herbe aux côtés de Vahon.

***

Il ne se trompait pas quant à mes difficultés au sujet de la bonne entente familiale. Après tout, il suffisait de me regarder avec mon frère et ma soeur. Avec elle, c'était juste le désert arctique. Moins on se parlait, mieux on se portait, de toute façon, elle me méprisait, et moi je ne pouvais pas m'empêcher d'être un peu jalouse de sa facilité à faire... à peu près tout comme elle le souhaitait en fait. Quant à mon frère jumeau... Je crois que nous faisions tous les deux des efforts, ces derniers temps, mais c'était toujours assez difficile d'imaginer que par le passé, nous avions été inséparables. Je ne savais encore rien de son acceptation du changement de nom que nos grands-parents le poussaient à faire. Et lorsque je l'apprendrai, j'en serais profondément déçue, parce que ce serait une faille indélébile, un écart entre nous qu'il nous serait désormais impossible de combler. La preuve flagrante que nous n'étions plus aussi proches que nous avions pu l'être..

Bref. Nous parlions à présent de nos cours de soutien respectifs, et même si je doutais d'être capable de mieux en ce qui concernait les potions, j'écoutais V. me rassurer à ce sujet..

« Je connais quelques petits trucs pour faire varier les potions. Bon, il y en a où il ne vaudrait mieux pas essayer mais pour quelques unes, tu peux changer des petites choses. Ça reste des petites choses mais ça t’aiderait peut-être. On pourra toujours trouver d’autres choses, on ne sait jamais.
- On verra, ça ne coûte rien d'essayer. ».

Et puis ça me permettrait de le revoir et d'élargir mon cercle social plus que restreint, ce n'était pas rien, même si ça, je le gardais pour moi. Et si, effectivement, il serait judicieux d'être prudent en ce qui concernait nos animaux respectifs, j'étais persuadée que nous arriverions à ne pas en faire un réel problème..

« Je crois qu’en effet, c’est mieux que l’on fasse attention. ».

Oui, voilà, il suffisait de faire ça. Brontë resterait cachée sous mon lit plus souvent, de toute façon, elle était cachée derrière ses barrières magiques la plupart du temps. Et quand je sortirai d'ici, elle pourra plus facilement rester sur moi, dans ma poche ou sur mon épaule. Il ne restait plus qu'un an, nous allions nous en sortir, je voulais m'en persuader, même si, au fond, je n'en avais aucune certitude..

« La bibliothèque, ça me va, j’y passe quand même pas mal de temps alors un peu plus ou un peu moins, ça ne changera pas grand-chose tu sais.
- Je comprends ça. Va pour la bibliothèque alors. ».

Moi, ça m'allait tout aussi bien, parce que même si je n'y passais peut-être pas autant de temps que lui, eut égard à mes autres activités, c'était un endroit que j'aimais. Et nous aurions ainsi pléthore d'ouvrages de référence à notre disposition. Je hochai simplement la tête comme pour me confirmer à moi-même que c'était la bonne solution et me forçai - enfin - à rester éveillée, ce qui signifiait que je pourrai prochainement rejoindre mon dortoir sans craindre de tourner des heures dans mon lit. Cette soirée était décidément à classer parmi les bonnes surprises, et j'ignorais, pour l'heure, l'état dans lequel serait mon camarade dans les semaines à venir. Un état qui m'inquiéterait grandement sous peu, alors même que je serai incapable de trouver comment l'aider, ni même si j'en avais le droit..

« Je vois que tu es fatiguée. Je vais te laisser. Je vais encore me balader un peu et puis je rentrerais. Fais attention à toi et ne te fais pas prendre.
- Toi aussi sois prudent, ça m'ennuierait de te savoir collé à cause de notre escapade... ».

Même si au fond, je n'y serais pas pour grand chose alors, puisque nous serions sortis l'un sans l'autre tout de même. Comme il s'asseyait, je fis de même, étirant mon dos un peu endolori par le sol rude. Mon lit serait assurément plus confortable, et il était en effet plus que temps que je le rejoigne. Je me tournai finalement de nouveau vers Vahon, ne réalisant pas encore totalement ce que je m'apprêtais à faire, et lui souhaitait une bonne nuit..

« Bonne nuit V. Fais attention à toi... »

Je déposai un baiser furtif sur sa joue et me relevai en vitesse, refusant à présent que je m'étais rendue compte de mon geste de recroiser son regard, et lui fis un dernier signe de la main, dos à lui, avant de m'éloigner, un peu trop rapidement sans doute, vers la bâtisse de la Primevère où je ne croiserai fort heureusement personne.
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23. Under the moonlight and shooting stars ♫ ft. Vahon

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