Je ne devrais pas être là, après tout je n'ai plus rien à y faire à présent. J'aurais des raisons de gagner à nouveau l'atelier, ou le pavillon Mozart, mais pourquoi la Nymphéa ? Je suis étudiante, c'est dans les locaux de l'Université que je devrais me trouver... Et pourtant, je suis là, dans ces couloirs que j'ai tellement arpentés par le passé, parfois sans vraiment les voir. Aujourd'hui, j'ai un peu le sentiment de les connaître par coeur... Et d'avoir besoin de me raccrocher à quelque chose de connu, aussi. Nath' est parti, sans grande surprise, poursuivre des études de sport à Durmstrang. Ophe' n'a jamais perdu ses bonnes habitudes de ne pas m'adresser la parole. Rosa a disparu de la circulation avant la rentrée, et puis... Et puis je l'ai revue, sous forme éthérée.

Et outre mon propre deuil, il a fallu que je l'annonce à notre famille. A mon père qui ne comprend que partiellement mon don. A sa soeur en sachant pertinemment que la perte d'un de ses enfants la détruirait. A mon frère par hibou, à défaut de pouvoir le faire de vive voix. Et à Flo, qui refusait déjà de m'adresser la parole. J'ai cru qu'il allait me frapper, quand j'ai fini par lâcher cette bombe, mais ses poings serrés ne se sont abattus nulle part en ma présence. Et pour toute réaction directe, je n'ai eu que cette phrase cinglante : « Je ne veux plus rien avoir à faire avec toi ». Il n'encaissait déjà pas mon passage dans l'Elite, comment pourrait-il accepter que je n'aie pas été là pour sa jumelle, que celle qui était censée être sa meilleure amie n'ait rien pu faire pour l'aider ? La sortir de la dépendance qui lui a coûté la vie ? J'ai gardé le silence, et je l'ai suivi du regard, comme il s'éloignait. Il n'y avait rien à dire, rien qui puisse atténuer cette rancoeur qu'il avait à mon égard... et comme je ne vais pas vraiment vers les autres, étant l'ancienne Elite et redoutant le jugement de mes camarades, je me retrouve plus seule que jamais.

A une époque, j'aurais été euphorique à l'idée d'entrer à l'Université. Et une partie de moi est ravie de ce que je vais pouvoir apprendre. Une autre est... blasée peut-être. Eteinte, un peu, aussi. J'ai toujours cru que je serais ici avec Flo, qu'on suivrait des cursus proches... mais lui aussi, il a préféré disparaître. Ou plus exactement, il est parti en CM à Poudlard et son absence se fait cruellement sentir. Mais ça n'est pas non plus comme si on était encore proches avant qu'il parte. Juste que l'espoir que j'avais encore, caché quelque part, de pouvoir un jour le retrouver, peut-être pas comment avant mais presque, a complètement disparu à présent.

Mon violon dans une main, l'autre effleurant un mur, une porte parfois, j'erre dans les couloirs, jusqu'à m'arrêter, finalement dans une espèce d'alcove un peu plus loin. Je crois que je suis restée là, appuyée contre le mur plusieurs minutes, immobiles et sans rien dire, et puis j'ai placé mon violon sur mon épaule et commencé à jouer. La Méditation... La dernière fois que je l'ai jouée devant quelqu'un, c'était devant Wade, l'an passé. Il y a une éternité. Cette fois je suis seule, et le son des cordes résonne dans les couloirs. J'aurais pu gagner le salon Mozart, c'aurait été plus logique... mais je n'avais pas envie d'être logique, comme il faut, ou comme on pensait que je devais être. J'ai pris mon violon avec moi en sortant de ma chambre, sans but réel. Mes errances m'ont guidée ici, sans que je le réalise vraiment, et c'est là que j'ai envie de jouer. Et après ? C'est pas comme si quelqu'un me cherchait, et au pire, on me demandera plus ou moins amicalement de partir...