Elle se devait d'y assister, ne serait-ce que faire acte de présence, pour ce que ça représentait. Et cette fois, elle n'avait pas voulu forcer la main d'Eden. La dernière fois, elles avaient dû encaisser l'agression d'un élève et elle ne doutait pas que ça avait dû ébranler l'animagus, alors, non, cette fois, elle la laisserait prendre la décision seule, ne souhaitant pas lui imposer encore une présence à une soirée où il pourrait malheureusement se produire un nouveau drame. Même si elle espérait vraiment que cette fois, tout irait bien...

Surtout que ce soir, c'était tout un symbole qui se mettait en place. Demain, ce serait l'ouverture officielle des Jeux Olympiques Sorciers, et elle ferait partie du défilé. Ce soir, elle n'était qu'une simple membre de l'encadrement de BeauxBâtons parmi la foule anonyme qui se pressait déjà au Houdini. Une boîte dans laquelle, en d'autres circonstances, elle n'aurait jamais mis les pieds. Elle reconnut certains visages, d'autres restaient anonymes. Elle adressa des sourires aux élèves qu'elle reconnut, puis se fraya un chemin vers le bar, où elle commanda un Martini. Elle n'était pas du genre à boire jusqu'à plus soif, parce qu'elle gardait toujours le contrôle, il le fallait, mais un verre ne faisait pas de mal, et ça lui donnait une contenance. D'une main délicate, elle attrapa la pique plantée dans une olive qui ornait son verre, et la dégusta en balayant la pièce du regard, jusqu'à ce qu'elle repère une table libre un peu plus loin. Elle attrapa alors son verre et s'y rendit, peu désireuse de se trouver sur la piste de danse lorsque la musique s'animerait. Ce qui ne tarda pas.

Installée un peu à l'écart, elle gardait son statut d'observatrice, un sourire flottant sur ses lèvres à la vue des convives décontractés. C'était une bonne chose, qu'ils puissent tous passer une soirée normale, à profiter de l'événement qui se préparait, à s'amuser, à faire des rencontres, aussi.

« Vive les Jeux Olympiques » murmura-t-elle comme pour un toast avec elle-même.

Tout dans la sobriété, elle portait une robe bustier noire, ajustée à la taille et à la coupe courte et de hauts escarpins noirs ornés d'une boucle argentée. Une pochette de cuir noir avec une chaîne d'argent en bandoulière renfermait sa baguette et un peu de monnaie pour ses consommations du soir, ainsi que son kit d'urgence en cas de choc anaphylactique. Elle avait laissé ses cheveux libres, une raie naturellement formée sur le côté gauche de son crâne et portait quelques bijoux d'argent, deux boucles d'oreilles ornées d'étoiles, un pendentif brillants de strass en forme de lune. Et l'anneau de fiançailles en or blanc d'Alexandre.

Les musiques se succédaient, comme elle sirotait son verre, se contentant de battre parfois la mesure au rythme des mélodies, mais refusant de se mêler à la foule qui se déhanchait sur la piste de danse. Ce n'était pas vraiment dans ses cordes. Danser un slow avec un être cher, elle pouvait, mais se déchaîner ainsi, laisser libre cours à ses émotions, ça ne lui ressemblait simplement pas. Elle faisait acte de présence, surtout, c'en resterait là, et ce serait très bien comme ça.

***

Je crois que c'est une évidence, je suis quelqu'un de plutôt réservé. Ca n'est pas que je sois particulièrement timide dans le sens où je ne perds pas complètement mes moyens quand on m'adresse la parole, j'ai plutôt un contact assez facile, mais je ne suis pas du genre à me mettre en avant. Et puis je parle peu de moi en général, et je déteste plus encore expliquer mes états d'âmes. En général, ces choses-là restent secrètes, et il n'y a que Rosa, Flo ou Mademoiselle Beauchêne, qui peuvent les entrevoir. Etonnamment, j'ai réussi à faire rapidement confiance à la psychomage, et même si je ne cours pas après nos entretiens, je dois bien avouer que ça fait du bien de pouvoir m'expliquer devant une adulte sans craindre son jugement.

Mais ça ne veut pas dire que je ne sache pas m'amuser, loin de là. Au fond, je ne suis pas dans l'écurie Hébé pour rien. J'aime danser et rire, chanter et jouer de la musique aussi, évidemment, même si ce soir, ce n'est pas à moi de faire l'animation. Non, ce soir, je suis une simple spectatrice, et pour éviter de me faire trop remarquer, j'avais opté pour une robe bustier gris perle, aux jupons de taffetas superposés, et des ballerines assorties, histoire de ne pas en rajouter à ma taille de girafe. Un gloss rosé sur les lèvres, une ombre gris métallique sur les paupières, j'avais laissé mes cheveux détachés. Rien de bien extravagant, quelques breloques d'argent à mes poignets et mes oreilles, et ça suffisait bien.

J'ignorais parfaitement si j'allais retrouver ma cousine ce soir, mais je l'espérais. J'imaginais difficilement Rosa manquer une occasion pareille. Mais comme nous ne nous étions pas concertées à ce sujet, c'est seule que je passais les portes du Houdini, où je n'avais encore jamais mis les pieds. Il y avait déjà du monde, et des fumeurs qui me firent plisser le nez. Je n'aimais pas l'odeur de la cigarette, et songeais déjà avec une pointe d'agacement que je sentirai le tabac en rentrant, ce qui ne me ravissait pas vraiment. Je résolus d'éviter au maximum la proximité des fumeurs, après m'être approchée du bar et avoir commandé un jus d'airelles. Non, l'alcool et moi, nous ne nous étions toujours pas présentés, et je n'avais pas l'intention de changer cet état de fait maintenant. Sirotant mon verre, je m'éloignai vers les tables un peu plus loin quand je reconnus le visage de Vahon. Un visage que j'avais trop peu vu ces derniers temps, malgré les cours de soutien que nous étions censés nous donner l'un l'autre. Un peu hésitante parce qu'il n'était pas seul, je finis par m'approcher, restant pourtant à quelques mètres pour lui adresser un petit signe de la main et un sourire.

« Salut V. ! »

Je ne veux pas le déranger non plus, puisqu'il est accompagné, et après quelques secondes embarrassées, je finis par poursuivre ma route vers une table non loin. Je doute d'être jamais rejointe par qui que ce soit malgré la chaise vide devant moi, et je continue à siroter mon verre, en faisant le tour de la salle des yeux. Tout à l'heure, j'irai danser, quand l'ambiance me porterait. Pour l'instant, je me contente d'observer, et quand mon regard tombe sur la psychomage, je lui adresse également un sourire et un petit signe de la main, auquel elle répond en levant son verre. Là, sur l'estrade, je reconnais Alix qui danse lascivement, et je fronce légèrement les sourcils. Il est bien loin, le temps où, enfants, nous nous isolions des soirées mondaines de nos familles pour jouer ensemble. Un soupir m'échappe et je secoue la tête comme pour le chasser. Ce soir, je suis là pour m'amuser, pas pour ressasser les mauvais souvenirs. Et je me focalise sur la musique, qui ne tardera sans doute pas à me motiver à aller rejoindre la piste de danse.

***

Elle observait, parce qu'elle non plus, elle n'était pas vraiment à sa place en ces lieux. Preuve en était qu'elle avait trouvé une table aussitôt son verre en main, et qu'elle dédaignait la piste de danse. Très peu pour elle. Mais l'effervescence, l'ambiance joviale en majeure partie lui plaisait, et rien que parce que c'était pour l'ouverture des JOs, elle avait résolu d'y assister.

Et puis elle ne pouvait pas ne pas remarquer certaines choses. Certaines têtes, puisqu'elles faisaient partie de l'académie, et notamment celles de certains 'patients'. Et certaines tenues, dont une robe rouge magnifique, échancrée juste comme il le fallait, agrémentées de breloques qui tintaient au moindre mouvement de sa propriétaire. Elle ne connaissait pas la jeune fille, mais ne pouvait pas ne pas noter le goût certain pour la mode de celle-ci. Et devant l'air perdu de l'inconnue, elle se décida à quitter sa place pour s'approcher d'elle, au moment où celle-ci portait son verre à ses lèvres et manquait de s'étouffer avec.

« Quelle imbécile je suis !
- L'idiot, ce n'est pas vous mademoiselle, mais plutôt celui qui vous a servi ce verre... »

Avec un sourire avenant, elle lui prit ledit verre des mains et le posa sur le comptoir, où elle commanda un jus de fruits pour la rouquine, qu'on ne manqua pas de lui servir, cette fois-ci.

« Voulez-vous venir vous asseoir ? »

D'un geste de la main, elle lui désigna la table qu'elle venait de quitter et qui n'avait pas encore été prise d'assaut, l'invitant à la suivre. Et une fois qu'elles eurent pris place toutes les deux, elle lui tendit la main.

« Mon nom est Lëtalia. Enchantée de faire votre connaissance, mademoiselle... ? Vous n'êtes pas à l'académie, n'est-ce pas ? Votre français est excellent, cela dit, ce n'est pas toujours le cas des transfuges des autres écoles... »

Ce n'était en rien une critique, comme en témoignait le ton de sa voix et son sourire, simplement une constatation. Les élèves de Durmstrang avaient souvent cet accent rude hérité de leurs langues slaves, ceux de Poudlard et Londres les notes chantantes de l'accent britannique. Pourtant ce n'était pas le cas de son interlocutrice, et c'était suffisamment étonnant pour être noté. Tout comme sa toilette était suffisamment particulière pour être remarquée.

« Je dois vous avouer que je suis assez admirative devant votre robe, elle est simplement magnifique. Et ce rouge vous va à ravir. »

Et sans doute était-il plus seyant que le noir de sa propre tenue, tout aussi confectionnée main que celle d'Aubépine. Détail prêtant à sourire, elles possédaient le même sac à main, et Lët songea qu'il valait certainement mieux qu'elle ne se méprenne pas : son kit d'urgence pouvait lui faire défaut à tout moment si elles échangeaient leurs bien par inadvertance, et elle n'avait pas vraiment envie de finir la soirée aux urgences sorcières...