Est-ce que c'était encore un rêve ? Est-ce que je n'avais pas déjà vu ça ? Je ne savais plus exactement. Je m'étais éveillée en sursaut, en nage et le coeur battant, mais était-ce un rêve au milieu d'un autre, ou la réalité ? J'étais bien incapable de le déterminer. Plus les jours, les semaines passaient, plus je doutais de ce que je vivais - ou croyais vivre. Et comment croire ce que je voyais de la fenêtre de la chambre rose ? Ou plus exactement, ce que je ne voyais plus... Des ronces obstruaient toute visibilité, et dès que je m'en étais rendu compte, j'avais commencé à me sentir oppressée. Ma première question avait été de savoir si on pouvait encore sortir du bâtiment. Je m'étais préparée à une vitesse folle, pressée de sortir de mon dortoir, et avais donc gagné le couloir en uniforme comme il se devait, aussi impeccable que mon empressement et mes doigts fébriles me l'avaient permis, les cheveux simplement démêlés cependant, Brontë dans ma poche comme à son habitude, autant pour sa sécurité que pour me rassurer. J'avais définitivement besoin de sa présence, de sentir son pelage dans la paume de ma main à intervalles réguliers. Et quand j'avais retrouvé Rosa, j'avais eu du mal à me concentrer sur la conversation, inquiète de ce qu'il se passait.

« J'ai un mauvais pressentiment Rosa... »

J'avais à peine prononcé ces mots, incapable d'en préciser davantage la teneur, d'ailleurs, que de drôles de personnages vêtus de capes noires passaient devant nous, m'arrachant un frisson. Je n'aimais pas ça, sans savoir pourquoi j'étais aussi mal à l'aise en leur présence. Leur aura mystérieuse, leur teint livide, peut-être ? Le fait qu'ils s'imposent parmi nous, sans qu'on en ait été prévenus ?

« Viens... Il faut qu'on comprenne ce qu'ils trament... »

Ma cousine avait raison, et j'ai hoché simplement la tête, prête à la suivre. On avait eu raison de suivre notre instinct concernant les inferis, j'espérais que cette fois encore, nous étions en train de prendre la bonne décision, et que tout ça ne serait pas aussi dramatique qu'il me semblait - mais ça n'était pas comme si je pouvais réellement me fier à mes impressions, il fallait bien l'avouer.

***

Ces gens m'inquiétaient, et c'était un euphémisme. La tour macabre n'avait rien de bien engageant non plus, d'ailleurs, et voir autant de monde s'y regrouper n'était pas pour me rassurer. Avec Rosa, nous nous étions rapprochés d'un groupe d'encadrants, membres du personnel et préfets, à qui nous nous étions adressées dans l'espoir d'obtenir de plus amples renseignements sur ces intrus à l'académie. La prof que nous avons tout d'abord interrogée avait commencé par nous répondre aimablement, mais lorsque le sujet des silhouettes encapuchonnées était venu sur le tapis, elle nous avait 'gentiment' demandé de ne pas nous en mêler. Certes, ce n'étaient peut-être pas nos affaires, mais ça ne me disait rien qui vaille, et sa réaction me confortait dans l'idée que quelque chose de louche se préparait. Je n'aimais pas ça. Et après un regard interrogateur envers ma cousine, j'ai bien compris que je n'étais pas la seule.

Alors non, nous n'en étions pas restées là. Un préfet nous avait souri, ou plus exactement, avait souri à Rosa, sa collègue en quelque sorte, qui lui avait rendu ce sourire avant d'engager la conversation. Banale tout d'abord, la discussion avait savamment était aiguillée vers ces drôles d'hôtes par la brunette, et j'attendais, légèrement en retrait, les réponses que notre camarade allait pouvoir nous donner aux questions sans détour qu'elle lui posait. Malheureusement, il n'en savait pas beaucoup plus. Tout au plus pouvait-il nous indiquer qu'ils venaient tous d'une Confrérie ancienne et connue. Connue ? De qui ? Fronçant légèrement les sourcils, je tentais de raccrocher les wagons, creusant dans mes souvenirs pour essayer de relier ce que nous pouvions voir de ces gens à des groupes mystérieux dont j'aurais pu entendre parler, mais pour l'heure, point d'illumination. Ca n'empêchait cependant pas que je comptais bien en apprendre davantage, quitte à écumer tous les rayonnages de la bibliothèque pour ça dans les jours à venir... Je voyais bien à la tête que faisait ma cousine que tout ça ne lui plaisait pas, mais je ne savais pas vraiment si c'était seulement à mettre sur le compte de ces membres d'une drôle de confrérie ou s'il y avait autre chose - son exclusion de cette réunion à laquelle d'autres préfets participaient, par exemple - si bien que je préférais garder le silence.

« J'ai un mauvais pressentiment Rosa... » avais-je dit tout à l'heure. Ce n'était pas vraiment en voie de s'arranger...