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 An ode to noone • 2019 january

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Nathanael Keynes
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MessageSujet: An ode to noone • 2019 january   An ode to noone • 2019 january EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:35

I disconnect the act
I disconnect the dots
I disconnect the me in me.


Smashing Pumpkins – An Ode to No One – Vincenzo + Alastair

Bannersman’s, Cowgate St.

Le pub était déjà plein à craquer, pour un jeudi soir. Les natifs d’Edinburgh et les touristes de partout dans le monde se mélangeaient entre les quatre murs de vieille pierre peints de grafitis du vieil édifice de Cowgate pour écouter les groupes amateurs bien locaux. Le show n’était même pas commencé qu’il fallait gueuler, pour s’entendre. Ryan parlait de foot. Ryan parlait toujours de foot, quand il ne parlait pas de musique. Alastair l’écoutait d’une oreille distraite en sirotant son deuxième whisky de la soirée. Un grand pichet de bière rousse déjà bien entamé avait été posé sur la table et son collègue de travail avait déjà un peu pompette. Il ne se rendait compte de rien. Il suffisait vraiment simplement d’hocher la tête au bon moment, lorsque le mec déblatérait sur les supposés laisser-aller des arbitres lors du match Angleterre-Croatie. Comme si l’Angleterre pouvait un jour gagner la putain de Coupe du monde au lieu de s’en tenir au Cricket. Et que dire de l’Écosse? Même les écossais ne pariaient pas sur leurs propres équipes. C’était tout dire. Ils étaient complètement nuls au foot, les écossais. Ça n’avait rien à voir avec le talent du Brésil, du Portugal ou… ou de l’Italie. La putain d’Italie.

Pourquoi parlait-on de foot, déjà? Alastair soupira et prit une lampée de whisky. Il savoura l’arôme subtil de fumée, de caramelet finalement, de citron sur sa langue en fermant doucement les yeux. Il devait s’avouer que Ryan avait eu l’idée du siècle. À sa grande surprise, son collègue l’avait abordé dans la cuisinette du bureau, à la pause-café, en lui demandant s’il connaissait le Bannerman’s. Un groupe qui ressemblait pas mal à Smashing Pumpkins devait se produire le soir même. Et on savait tous, au bureau, qu’Alastair aimait le rock des années 90. Ça s’entendait, même pas mal, au travers des murs, malgré les écouteurs.

Ryan était le genre de type qui parlait à tout le monde et colportait les potins sans vraiment s’en rendre compte. Il avait mentionné ça, distraitement, en installant la dernière mise à jour de l’antivirus, sur le poste du jeune avocat. Le jeune technicien avait s’était frotté la barbe et lui avait fait un grand sourire chaleureux.

‘’Maggie m’a dit que t’as pas l’air dans ton assiette, ici. Elle m’a dit qu’on te voyait juste au World’s End et que tu y avais l’air foutrement déprimé. Ça doit faire pas mal changement de Londres, hein? Je veux dire… il y a tellement de bars là-bas… pour tous les goûts, si… tu vois ce que je veux dire. Tu connais le Bannerman’s? C’est sympa, je t’assure. Mon pote m’a lâché ce soir, à cause de sa meuf… ça te dirait?’’

Bien sûr qu’il connaissait le Bannerman’s. Il s’y était produit avec les UNTITLED, deux ans plus tôt, lors du Fringe Festival. Un petit séjour festif où la musique et le whisky avaient coulé à flot, en toute jovialité. Ils avaient défoncé la scène, ce soir-là. Ils s’étaient amusés. Il avait joué au touriste. Il avait encore ses longues boucles blondes, à l’époque. Les petites groupies rousses du coin adoraient ça. Il était encore innocent… en quelque sorte. Un séjour qui lui semblait bien loin de tout ce qu’Édimbourg représentait maintenant pour lui. Ces vieilles pierres noires et cette architecture gothique lui donnaient le cafard, maintenant. Comme la prison austère que son père avait érigé pour lui.
Comme si le Nor Loch allait réapparaître juste pour lui et l’engouffrer à tout jamais dans ses eaux brunes et pestilentielles.

Le groupe commençait à s’affairer, sur scène. À brancher leur équipements. Leur fébrilité était contagieuse et Alastair pouvait presque sentir leur trac. Dieu que la scène lui manquait. Les cris de la foule, la chaleur des projecteurs sur sa nuque, les touches sous ses doigts… Il écoutait à peine Ryan qui avait enfin abandonné le foot pour bifurquer sur un autre sujet.

« Tu sais, Maggie t’a vu l’autre jour à Wester Hailes*, en prenant le tramway. Elle t’a dit bonjour et il paraitrait que tu l’as complètement ignoré. Tu sais que la petite a l’œil sur toi, hein? Elle était si en pétard qu’elle a insinué que tu devais probablement être gay ou un truc du genre... Tu imagines… Putain, moi, j’aimerais qu’une fille comme Maggie ait l’œil sur moi… »

Le britannique haussa les épaules et aboya un rire hautain, en vidant d’un trait son verre de whisky. Fuck Maggie. Cette petite secrétaire judiciaire pouvait aller se faire foutre. Vraiment. Que savait-elle faire d’autres que faire des photocopies, se faire les ongles et dire des conneries? Il remplit son verre vide de bière et en prit une goulée, en grimaçant. Il n’aimait pas vraiment la bière. Mais c’était aussi du malt et de l’alcool, non?

« Maggie raconte n’importe quoi. Qu’est-ce que j’irais foutre à Wester Hailes, sérieux, Ryan? Et puis, bordel, il y a des filles bien plus jolies qu’elle, crois-moi, mate. Tu mérites mieux que ça. »

Exécré, il survola un peu trop rapidement l’endroit et son regard tomba naturellement vers le bar. Un autre Kilchoman aurait été le bienvenu. Une jeune femme attendait pour commander. Une jolie fille rousse, le visage bardé de tâches de rousseur et les yeux bruns d’une douceur infinie. Bien roulée, avec les lèvres roses et rieuses. Parfois, Alastair regrettait. Il regrettait amèrement de ne pas être plus attiré que ça par le beau sexe. Il regrettait à présent de s’être laissé aller entre les bras de ce garçon, au Collège Français. Il regrettait parfois cette vie détachée, sans queue, ni tête. Ni attachement véritable. La solitude et le vide, lorsque l'orgasme était passé. Son ex petite amie, tiens. Pourquoi n’avait-il pas pu se contenter d’elle?

Et ce putain de voyage en Italie.
Et soirée dégueulasse, à Rome. Dégueulasse. Il se souvenait encore des dreads qui lui caressait les joues. Ces lèvres trop timides qui l’avaient embrassé. Cette peau brune sous ses doigts blancs. Ces yeux en amandes qui le dévoraient déjà…. Et puis les mains rugueuses qui s’étaient emparées de lui. Et le recul de l’autre. À qui pouvait-il en vouloir. Il n’avait pas dit non.

Aurait-il choppé le Sida, s’il s’était contenté d’une jolie fille comme ça?

« Tiens. Celle-là Ryan. Elle est jolie, non? Elle a l’air vachement bien, cette fille. Mieux que Maggie, en tout cas.»

Ryan se retourna vers la demoiselle en question et rougit, sous sa grosse barbe brune. Alastair avait visé dans le mille. Le reste n’était qu’un peu de fanfaronnade et de charme. Lundi matin, plus personne n’écouterait les conneries de Maggie.

Mais le technicien baissa les épaules et piqua le nez dans sa bière, l’air piteux.

« Oh… je sais pas, Harry. Elle si belle… et puis… et puis, je crois l’avoir vu entrer avec un autre mec. Alors… »

Harry. Alastair inspira un grand coup et sourit de plus belle et tapota la main poilue de son comparse d’un air presque paternel.

« Oh! Elle était avec un mec? Pauvre petite. Elle est avec lui parce qu’elle ne t’as pas rencontré TOI, mate…. Ou moi. »

Le sourire d’Alastair s’élargit, sous les yeux paniqués de Ryan qui bredouillait déjà des inepties. Il se pencha vers lui et poussa son verre de bière à moitié vide dans sa direction, avec un clin d’œil espiègle.

« Hold my beer, mate. »

Le reste n’était qu’un jeu d’enfant. Se diriger au bar, nonchalamment, à distance polie. Regarder avec insistance le barman. Soupirer. Puis jeter un sourire tout timide à la rousse. Est-ce que la subtilité avait sa place ici? Probablement pas. Il fit signe au barman. Deux. Deux whiskies. Kilchoman. Il plaça le deuxième verre devant la jeune femme et leva le sien en signe de salut, poliment. Et lui fit son plus beau sourire.

« Est-ce que ce bar est toujours aussi plein? Il paraît que ça va être un fichu bon show, ce soir. Tu aimes le rock des nineties? Je me demandais… je me demandais si tu ne viendrais pas nous accompagner, pour un pichet. Après tout, un rock de cette qualité… ça s’apprécie en bonne compagnie. Ça te dirait? »

*Selon une rapide recherche sur le web, ce serait LE quartier À éviter, le plus pauvre, à Edinburgh, au sud-ouest de la ville.
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Nathanael Keynes
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MessageSujet: Re: An ode to noone • 2019 january   An ode to noone • 2019 january EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:35

« Vinnie, t'es pas sorti depuis que t'es arrivé ici. Non, me sors pas que tu vas à la librairie, nager, ou au Summerhall. Je parle de sortir, prendre une bière quelque part, écouter un peu de musique. Des trucs de notre âge quoi ! »

Elle est venue s'asseoir à côté de lui, l'air préoccupé devant sa mine paniquée.

« Ecoute. Y a un groupe sympa qu'est programmé au Bannersman’s, sur Cowgate St. là où je vais souvent. Ca va te plaire, c'est pas mal ton genre de musique. Et on prend une bière, c'est tout. Juste une pinte, on écoute un peu, et on rentre. Tu risques rien, ok ? »

Il a soupiré, et fini par acquiescer. C'est qu'elle le tentait, aussi, avec ce groupe et sa musique. Mais elle l'a bien vu se raidir dès qu'ils sont entrés dans le bar, dès que les voix fortes de l'assemblée et la foule ont touché ses oreilles et ses yeux. Un mouvement de recul, presque imperceptible, mais elle a tout de suite mêlé sa main à la sienne, pour le guider vers une table, un peu à l'écart. Elle a supposé brièvement ce qu'il souhaitait boire, et était déjà partie vers le bar avant même qu'il ne réponde. Elle n'avait pas vraiment besoin de poser la question de toutes les façons. Et si une seconde, il a tenté de faire le tour de la pièce des yeux, il a abandonné dans l'instant, se concentrant sur l'écran de son téléphone pour oublier le monde qui l'entourait. Trop de monde. Trop de bruit. Il avait déjà hâte que Nessa revienne.

Un instant, il a relevé la tête, au premier grésillement sur la scène. Le groupe s'installait, et ses yeux ont automatiquement cherché la guitare, tracé les courbes de l'instrument que son propriétaire s'affairait à câbler puis accorder. La guitare, puis la basse. Pas qu'il rejette l'importance des autres instruments, loin de là. Mais il n'y connaît pas grand chose, ne gère que les cordes métalliques d'une Fender, d'une Strato ou d'une de leurs consoeurs. Les touches d'ébène ou d'ivoire ne rendent rien sous ses doigts, et il est incapable de tenir un rythme quelconque sous des baguettes, alors sont regard ne s'attarde pas vraiment sur les préparatifs de ces côtés-là. Et puis son regard plonge à nouveau sur l'écran bleuté, mis en veille sur un fond marin, qui déverrouille à nouveau pour jouer à un quizz en ligne quelconque, en attendant le retour de son amie, inconscient des discussions au sujet de la rousse, quelques tables plus loin.

Elle non plus, n'a pas idée de ce qui se dit dans son dos, mais quand un mouvement attire son attention à sa droite, elle sourit poliment en retour, quand le jeune brun à présent près d'elle soupire. Un petit regard qui veut tout dire. "Va falloir t'armer de patience, mec, c'est comme ça que ça marche". Elle arque un sourcil, cependant, quand un verre de whisky se retrouve devant elle, un petit sourire en coin face au sourire colgate de l'autre.

« Est-ce que ce bar est toujours aussi plein ?
- Pretty much.
- Il paraît que ça va être un fichu bon show, ce soir. Tu aimes le rock des nineties ? Je me demandais… je me demandais si tu ne viendrais pas nous accompagner, pour un pichet. Après tout, un rock de cette qualité… ça s’apprécie en bonne compagnie. Ça te dirait ? »

Le sourire de la rouquine s'élargit. Nessa en a une vus d'autres, des énergumènes dans son genre. Parfois ça l'arrange, quand elle sort seule et qu'elle n'a pas envie de finir la nuit de la même manière. Mais pas ce soir. Ce soir, elle est avec Vince, et elle n'a pas l'intention de le laisser de côté. Même pour le plus beau sourire du brun le plus sexy de la soirée - Vince excepté, mais lui, il est hors catégorie aux yeux de l'écossaise.

« You really talk too much, pal'. »

Elle a attrapé les deux brunes que le barman lui tendait, après avoir rendu son verre au playboy à ses côtés. Elle aurait pu partir sur ces mots, elle serait bien en peine d'expliquer pourquoi elle s'est sentie obligée d'en rajouter d'autres. Peut-être parce qu'au fond, elle voulait que Vince s'ouvre un peu, quand bien même ça n'a jamais trop été son genre. Alors la musique, ça pouvait bien être un point de départ. Et le type pourrait lui plaire, elle en est presque sûre...

« Et je suis déjà en très bonne compagnie, ce soir. Mais si t'aimes le rock des nineties, tu devrais bien t'entendre avec lui, si le coeur t'en dit... »

Elle a jeté un regard en direction de la table abandonnée. Est-ce qu'il a senti la chaleur de ses yeux sombres sur lui ? Ou est-ce le froid de celui de l'anglais quand il l'a repéré ? Vincenzo a relevé le regard dans leur direction, un frisson lui parcourant l'échine. Nessa avait leurs bières en main, mais tournait à nouveau la tête vers un jeune homme brun. La première réaction de l'italien a été de sourire comme il imaginait son amie éconduire le brun à ses côtés. Mais son sourire est vite retombé, quand les traits du jeune homme lui sont apparus plus clairement malgré la pénombre, et les corps lui bouchant par moment la vue.

Riccioli d'Oro.
Le même regard olive, les mêmes traits, gravés dans sa mémoire. Un peu plus pâle, un peu plus émacié peut-être. Et ces mèches brunes au lieu des boucles blondes. Pourtant son cerveau allume des message d'alerte, et l'envie de fuir l'étreint furieusement.
Les doigts crispés sur son mobile, il n'entend même pas le groupe annoncer qu'il va commencer à jouer. Il ne voit que le visage de l'anglais, celui de Rome superposé à celui qui lui fait face de l'autre côté du bar. Il sent encore ses doigts, emmêlés aux siens, dans cette chambre d'hôtel glauque.
Et la bile qui remonte au fond de sa gorge.
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MessageSujet: Re: An ode to noone • 2019 january   An ode to noone • 2019 january EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:35

And you're mistaken, it's you that's faking
Living and breathing and dying too
This message is for anyone
who dares to hear a fool

You can't bring me back,
you can't bring me back
'Cause I gave it all back to you

Through sacred alleys, the living wrecks
Wreak their havoc upon this world
The disenchanted, the romantics
The body and face and soul of you
is gone down that deep black hole


Smashing Pumpkins – An Ode to No One – Vincenzo + Alastair

Le rejet. Le putain de rejet. Déjà, en temps normal, il avait toujours eut du mal à l’avaler. La distance inflexible de sa mère, quand il voulait juste un calin, étant gosse. Son départ subi pour Aberdeen, le jour même de son onzième anniversaire. Toutes les valises fushias sur le parquet ciré de leur maison, juste au coin de Hyde Park et la dernière effluve de son parfum, qui se mélangeait à l’air doux du printemps londonien. La main crispée de la nouvelle nounou de l’été sur son épaule tremblante. Une nounou parmi tant d’autres, une petite canadienne de 16 ans, engagée du programme PAIR qui partirait avant même la fin de son mandat, traumatisée par ses épouvantables crises de colère. Pourquoi sa mère était-elle partie? Qu’avait-il fait de mal? Il se l’était toujours demandé. Était-ce parce qu’il avait déballé son cadeau d’anniversaire d’avance, en fouillant dans le placard? Était-ce parce qu’il lui avait piqué une crise de larmes, deux ans plus tôt, parce qu’elle voulait s’asseoir sur la chaise libre à côté de lui et que « Gus » y était installé? Il n’en savait rien. La playstation 2 était restée dans le placard et « Gus » avait cessé d’être ce confident imaginaire, qu’il avait bâti avec ses espoirs, son vide et les brides de contes macabres qu’on lui racontait. « Gus » était devenu cette partie noire et inavouable en lui. Celui qui faisait toutes les bêtises à sa place et qui en encaissait les conséquences.

Non, Alastair n’acceptait pas vraiment le rejet. Son sourire si parfait disparut, le temps d’une seconde pour laisser la place à son petit égo écorché. Pourtant, ça marchait toujours, avant. Avant son diagnostique. Ou presque. Il n’avait jamais eu vraiment à lever le p’tit doigt pour les filles – et les garçons – lui tombent dans les bras. Mais cette rouquine l’avait rejeté. Pire, elle avait repoussé un verre d’excellent whisky. Il darda son regard vert dans le brun limpide et bravache de la fille et fit la moue, comme si ça pouvait changer quoi que ce soit. Qu’avait-il fait, ce coup-ci?

You talk too much, pal’.

Ryan faisait des moulinets anxieux, avec ses grosses paluches. Le jeune avocat lança un regard apaisant à son collègue. Un clin d’œil discret pour signifier qu’il avait la situation en main, peu importe ce que ça impliquait. Quelles seraient les rumeurs au bureau, lundi matin? Qu’il n’était même pas capable de ramener une fille dans son lit? C’est Maggie qui allait jubiler… En y repensant, plus tard, Alastair se dirait que tout ce qui comptait, à ce moment-là, c’était que personne ne questionne son orientation sexuelle. Surtout pas au bureau. Que la soirée aurait pu être somme toute correcte s’il en était resté là. Au fond, il l’avait abordé pour ça, non? Parce qu’elle était déjà accompagnée. Ça aurait dû excuser tout. Qu’avait-il à faire de cette rouquine? La baiser dans un va-et-vient mécanique en imaginant Sam Heugnan à sa place? Ou… ou ce putain de mec et ses dreads? La contaminer, peut-être, avec un préservatif rompu? Lui refiler le Sida?

Mais cette fille l’avait rejeté. Et il n’avait pas l’intention d’en rester là.

Attrapant le verre de scotch délaissé, il le vida d’un trait avant de sourire de nouveau, à belles dents.

« Ça a l’air d’un mec bien, ton copain, dis donc. Vous sortez ensemble depuis longtemps? Alors il aime le rock? Smashing Pumpkins, il connaît? Une chance, hein, vu l’endroit. Va. Allons lui dire bonjour, dans ce cas! Je ne cracherait jamais sur une conversation avec un type qui aime la vraie bonne musique. »

Il prit le verre de scotch plein qu’il restait sur le bar, en lançant un deuxième clin d’œil à son collègue désemparé. Ouais. Il voulait voir de ses propres yeux cette si bonne compagnie qui volait un peu son ego, ce soir. S'en mettre discrètement plein la vue ou rire sous cape. Il suivit la rouquine en placotant de tout et de rien, au travers du brouhaha de la foule et des corps qui se mouvaient autour d’eux. Il jeta un dernier regard à la scène. Le pianiste faisait les derniers tests de son, égalisait la fréquence de son Rolland. Son Rolland. Putain que son instrument lui manquait. Il pouvait presque sentir la roulette sous ses doigts. Reverrait-il la scène un jour? Le chanteur prenait enfin le micro.

Le show allait commencer.

Et puis, son regard tomba sur la banquette que la rouquine lui pointait. Et sur le type recroquevillé devant, son smartphone à la main.

Il faillit ne pas le reconnaître, vraiment. Après tout, il ne restait que des images floues de cette soirée. Des projecteurs violets partout. Des contrastes. Tout ce qu’il restait de cette maudite soirée n’était qu’un amas de contrastes blanc, violet et noir. Les peaux blanches et celles plus foncées des natifs s’étaient confondues dans un dégradé de violet. Les corps moites qui se trémoussaient, la sueur et le lubrifiant glissant dans son dos et ces yeux en amandes, noirs, qui s’étaient rivés sur lui. L'accent italien qui butait si poétiquement sur le "G" trop guttural de Gus. Et cette bouche pulpeuse qui lui avait sourit timidement, de l’autre côté du plancher de danse.

Un sourire timide, un peu effrayé. Pourquoi n’avait-il pas vu ça, à l’époque, hein? Pourquoi n’avait-il pas vu la peur, dans ce sourire-là?

Les dreads. Les putain de dreads qu’il trouvait si sexy. Les dreads qui lui effleuraient la joue.
Disparus. Gone.

Le verre de whisky lui glissa des mains et éclata en morceaux sur le plancher. La guitare émit sa première distorsion et la foule l’acclama.

Comment le monde pouvait-il être si petit, hein? COMMENT?! Comment Rome arrivait-elle à le narguer dans sa putain de geôle?

Les bras ballants, il n’arrivait plus à bouger. Combien de fois avait-il rêvé à ce type? Les fantasmes érotiques de cette peau brune et de ces lèvres chaudes contre les siennes, de ces doigts emmêlés aux siens le prenaient, juste avant que le sommeil ne le happe pour se transformer en cauchemars. Le goût trop sucré du rhum sur sa langue. La piqure de la seringue dans le creux de son bras gauche. Des mains froides, qui se multipliaient, se multipliaient et se multipliaient encore, qui l’agrippaient de partout. Des mains poisseuses, pleines de lubrifiant, dans ses longs cheveux blonds. Et ce type qui restait là, sans rien faire, le sourire timide, transparent de peur.

Et cette putain de question qui le hantait encore et encore.
Pourquoi n’avait-il pas dit non?

La rage. La rage fit une boule dans son estomac. Il la sentit monter, brûlante et acide dans son œsophage. Une rage sans but qu’il masquait depuis un an et demi maintenant. Une rage sordide mêlée d'une honte sans nom et aussi rauque que les premières notes criées par le chanteur sur scène, qu’il vomit en italien, en faisant les trois pas qui le séparaient de cette putain de table.

À la face du lâche qui l’avait abandonné là, dans cette putain de chambre d’hôtel.

« COMBIEN?! COMBIEN T’ONT-ILS PAYÉ?! Hein?! Ils t’ont donné combien pour m’attirer dans cette maudite chambre d’hôtel, fils de pute? »
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MessageSujet: Re: An ode to noone • 2019 january   An ode to noone • 2019 january EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:35

Elle ne se rend pas compte du mal que ça lui fait, elle imagine bien que se faire rembarrer n'est jamais agréable - ça ne l'est pas pour elle non plus - mais elle ne se doute pas de la proportion que ça peut prendre pour l'anglais à ses côtés. Elle se dit, simplement, que c'est le jeu de la drague, des fois on gagne, des fois on perd. Elle a bien remarqué que le sourire du beau brun s'est terni un instant, et sourit en expliquant plus ou moins son refus. Il parle trop, et elle est, surtout, déjà prise. Il n'a pas besoin de savoir la teneur réelle de sa relation avec Vince. A qui elle a promis une pinte, une seule, alors elle repousse naturellement le whisky. Peut-être qu'elle n'a pas tenu toutes les promesses faites dans sa vie, mais celles qu'elle a pu faire à l'italien, il n'en est pas une qu'elle n'ait pas honoré, et elle n'a pas l'intention de déroger à cette règle auto-fixée.

Il a vidé le verre abandonné, l'anglais, et son sourire est reparu. Un beau sourire, vraiment, qu'elle lui rend aimablement. Surtout qu'il accepte la porte qu'elle vient d'entrouvrir, et l'idée de faire sortir son ami de sa bulle lui plaît.

« Ça a l’air d’un mec bien, ton copain, dis donc. Vous sortez ensemble depuis longtemps? Alors il aime le rock? Smashing Pumpkins, il connaît? Une chance, hein, vu l’endroit. Va. Allons lui dire bonjour, dans ce cas! Je ne cracherais jamais sur une conversation avec un type qui aime la vraie bonne musique.
- He's the best. »


Elle ne peut pas s'empêcher de penser qu'il ne sait pas, cependant, malheureusement. Que Vince devrait se voir à travers ses yeux, parfois, pour arrêter de se mettre lui-même plus bas que terre.

« C'est comme si on avait été ensemble toute notre vie. »

Une réponse pas tout à fait vraie, pas vraiment fausse non plus. Ils ont toujours été ensemble, seulement pas de cette façon-là. Qu'importe, il n'a pas besoin de le savoir.

« Il aime la musique en général. Mais le rock, ouais, c'est particulièrement son truc. Bien sûr qu'il connaît Smashing Pumpkins, qui ne connaît pas Smashing Pumpkins ? Et Pearl Jam. Et Foo Fighters, ah mate, Dave Grohl, c'est un Dieu pour lui. Le type qui finit son concert avec une jambe cassée. T'imagines ça ? Un Dieu je te dis. Au même titre que Trent Reznor ! »

Elle n'a pas vu tout de suite le regard qu'il a jeté sur Vince. Un temps d'arrêt et ce verre qui s'écrase sur le sol, dans l'indifférence totale. La surprise se lit sur le visage de la rousse, autant que la terreur dans le regard de l'italien. Les yeux bruns vont et vienne, entre les deux paires de prunelles olive. Il lui manque des éléments, assurément, mais elle n'a pas le temps de demander des explications que le playboy fonce droit sur son ami, et elle s'élance à sa poursuite, se faufilant entre les clients à la suite de l'autre, ses deux bières en main.

« COMBIEN?! COMBIEN T’ONT-ILS PAYÉ?! Hein?! Ils t’ont donné combien pour m’attirer dans cette maudite chambre d’hôtel, fils de pute? »

Elle s'est arrêtée à un mètre de la table, dévisage l'autre avec effroi. Il vient de parler en italien, et ce qu'il insinue ne tarde pas à s'imbriquer dans les souvenirs de son ami paniqué dans ses bras, rongé par la culpabilité. Et à le voir se ratatiner davantage encore sur sa banquette, comme s'il pouvait se fondre dans le cuir derrière lui, elle n'a pas besoin de l'entendre parler pour comprendre ce qui n'est pas réellement dit.

Vince panique. Son téléphone dans sa main tremblante, il n'en regarde plus l'écran, mais se retrouve incapable de détacher ses iris brillants de ceux scintillant de rage face à lui. Qu'est-ce qu'il ne donnerait pas pour pouvoir se changer en petite souris et se terrer dans un coin à cet instant ! Revoir ce visage qui le hante ici, alors qu'il a mis tous ces kilomètres entre les souvenirs de Rome et lui, quelle chance y avait-il, hein ? Et les mots rageurs le heurtent de plein fouet, le blessent davantage encore qu'il ne l'est déjà.

« Pagato ? No... »

L'incrédulité se lit sur son visage quand il comprend les insinuations de Riccioli d'Oro. Comme s'il avait prémédité tout ça, en quelque sorte. Comme s'il avait eu quelque chose à y gagner ! Non, non ça n'avait rien à voir avec ça. Il n'était pas le rabatteur des deux autres, ça ne devait pas se passer comme ça. Pas dans son esprit en tout cas. Il n'était pas clair, ce soir-là, aucun d'eux ne l'était. Il ne sait pas bien à quel moment il a accepté que ça se passe en groupe, alors qu'il n'avait qu'une envie, c'est d'être seul avec lui. Il sait juste que les choses lui ont échappé, sont devenues à tel point hors de son contrôle qu'il a paniqué. Qu'il s'est figé, incapable de poursuivre, et que les autres ont mené la danse. Qu'il a compris ce qui se risquait, mais n'a pas réussi à émettre la moindre parole ensuite. Et qu'il s'est enfui, lâche qu'il est, dès qu'il a été en mesure de le faire.

Tout ça, il est le premier à ne pas se le pardonner, alors pourquoi Gus le ferait, hein ? Qu'aurait-il pu espérer d'autre que la rage qui se déverse sur lui à cet instant ? Rien, rien sans doute, et sans doute qu'il ne sert à rien non plus de chercher à se justifier. Pourtant il ouvre la bouche, cherche ses mots, tente de s'expliquer dans sa langue natale, sans grand succès.

« Non ça n'est pas ça... Ca n'aurait pas dû se passer comme ça... Je voulais pas... Je voulais...
- Sa mère est une personne très respectable. »

Le son sec des deux pintes que Nessa tenait en main claquant sur la table au mépris de quelque gorgée de bière inondant ses doigts retentit et coupe court aux balbutiements de l'étudiant qui détourne finalement le regard, visiblement au bord des larmes. Elle aussi s'exprime en italien. Un italien plus littéraire et scolaire, ça n'est pas sa langue natale. Mais elle la maîtrise manifestement très bien.

« Tu continues à faire une scène jusqu'à attirer l'attention de tout le monde, ou tu t'assieds et on s'explique ? Je crois que vous avez des choses à vous dire. »

Mais il secoue la tête, l'italien. Qu'y a-t-il à dire, hein ? Il n'a aucune excuse, il le sait.

« Dire quoi ? Que je suis désolé ? Qu'est-ce que ça peut changer ? J'ai rien fait. J'aurais dû réagir, et je l'ai pas fait... »

Il a les larmes aux yeux, comme le jour où il lui a tout raconté, comme quand il s'est effondré dans ses bras, et qu'il a pleuré il ne sait même plus combien de temps. Et il lui a parlé, à elle, même si ses mots étaient pour lui, parce qu'elle sait déjà tout ça, elle. Il n'est seulement plus vraiment capable de croiser son regard.
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MessageSujet: Re: An ode to noone • 2019 january   An ode to noone • 2019 january EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:35

Ouf.... Harold est vraiment dégueulasse, dans cette réponse. Et je m'excuses. Je ne veux pas blesser personne. On parle d'un personnage en état de choc, qui ne réfléchit plus à ce qu'il dit ou fait. Non, le VIH ne se transmet pas par la salive. Au cours des dernières semaines, j'ai regardé plusieurs vidéos, des vox-pops et... et il y a encore des gens croient encore ces trucs qui obstracisent inutilement les porteurs du virus, même en 2019.
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Nathanael Keynes
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MessageSujet: Re: An ode to noone • 2019 january   An ode to noone • 2019 january EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:36

Il n'oublierait jamais cette soirée, il le savait. Depuis, il tentait de vivre avec, non pas de l'oublier mais de la laisser de côté, sur l'impulsion de Nessa, surtout. Mais rien n'y faisait, tout le ramenait encore et toujours à cette foutue chambre d'hôtel dans laquelle il n'aurait jamais dû mettre les pieds. Ou plutôt, où il n'aurait jamais dû laisser Gino et Miquele l'accompagner. Il aurait dû rester seul avec l'anglais, et ça aurait été un joli souvenir malgré l'obscurité glauque de la chambre, pour égayer son quotidien parfois tout aussi morne. Un rayon de soleil, comme la lumière dans ces cheveux dorés qu'il avait fixés dès qu'ils étaient arrivés dans son champ de vision. Le parfum mielleux du rhum, et la douceur de sa peau sur ses doigts.

Au lieu de ça, tout se confondait dans le flou de l'ivresse et la terreur qui s'est emparée de lui lorsque son cerveau a fini par intégrer ce qui était en train de se produire et qui revient le hanter chaque nuit. Dans le sourire crispé sur les lèvres du britannique, quand bien même il n'a pas refusé l'étreinte. Dans ces absences, qui morcellent ses souvenirs et ne lui permettent même pas de savoir quand il est sorti de cet hôtel minable. Dans les questions qu'il n'a jamais posé aux deux autres, à qui il n'a plus jamais donné signe de vie. Il ignore à quel moment ils sont partis - avant, après lui ? - tout autant que l'état dans lequel ils ont laissé Riccioli d'Oro. Il ignore la disparition du portefeuille et des papiers d'identité. Ne reste que la culpabilité et la honte, pour toutes les conséquences de ce qu'il s'est passé, et tout ce qu'il peut imaginer.

« Il n’y a RIEN à dire. Foutrement rien à dire. »

Il y aurait tellement eu à dire, pourtant, s'il avait pu ouvrir la bouche. Mais il restait là, figé, à encaisser les propos venimeux et les regards haineux. Un type les a rejoints, et Nessa élève la voix, mais il ne l'entend plus, il ne les voit même plus. Il ne voit que ces lèvres qui l'insultent, crachent dans son verre avant qu'il ne le pousse vers lui.

« À ta santé, mate. »

La pique l'atteint, vibrante de rage. Et il ne dit toujours rien, prostré face à l'autre, incapable de se relever. Est-ce qu'il sait ? Est-ce qu'il est renseigné sur la maladie ? Ou l'a-t-il découverte tardivement, en ignore-t-il les réelles caractéristiques, loin des idées reçues qui circulent encore dans les esprits ? Vincenzo a eu tout le temps de se poser des questions, et d'en chercher les réponses. Avec sa rencontre avec Miquele, tout d'abord, et les questions qu'il a pu lui poser, et puis après cette nuit-là, surtout, et tout ce qu'il a cherché à savoir de ce qu'elle pouvait impliquer.

Et qui n'avait rien de glorieux.
Combien de fois a-t-il imaginé le devenir du blond qu'il avait laissé dans cette chambre ? Combien de scénarios s'est-il créé, tous plus tragiques les uns que les autres ? Et s'il ne pouvait pas se soigner, s'il succombait au virus, faute d'avoir pu prendre le traitement que Miquele négligeait ? Et s'il infectait d'autres personnes ? Des gens qu'il aimait, juste parce qu'il ne pouvait pas savoir, ou parce qu'il a su trop tard ? Est-ce qu'il pourrait jamais vivre normalement après ça ? Les recherches qu'il a pu faire lui ont pourtant indiqué que oui, mais il n'est jamais parvenu à imaginer qu'il puisse en être autrement qu'un scénario catastrophe.

Le crachat dans son verre lui soulève le coeur, bien que ça n'ait rien à voir avec la maladie, en soi. Songer à cette nuit, à nouveau, le rend malade. La haine palpable de l'autre le rend malade. La présence de tous ces autres, autour d'eux, l'achève. Et si le britannique se tourne vers son amie le regard noir, lui ce sont des yeux paniqués qu'il coule vers elle.

« À ta place, j’exigerais que ton petit ami mette un deuxième préservatif. On ne sait jamais, avec ces putains d’étrangers. »

Il a lancé un regard perdu à la rousse, ne sachant absolument plus quoi dire ou faire. L'inconnu a appelé en vain Harold, mais il ne réalisera que plus tard la mention de ce nom. Et s'il reste inerte, c'est Nessa qui se lève d'un bond, et lui intime de faire de même.

« Non mais ça, c'est juste hors de question. Et toi, tu viens avec moi ! »

Elle lui a pris la main, presque en même temps qu'elle s'est emparée de son blouson, et même s'il lui a fallu quelques instants pour réagir, il l'a suivie. A contrecoeur tout d'abord, frigorifié dans l'instant où les éléments se sont abattus sur lui ensuite, malgré son cuir épais, et incapable de déterminer finalement s'il souhaitait retrouver la silhouette du londonien à travers le rideau de pluie, ou s'il préférait qu'il soit perdu de vue.

« Là ! »

Il n'a pas eu le choix, a suivi le mouvement. Ness s'est élancée à la poursuite de l'anglais, et elle est venue se planter droit face à lui, lui barrant le passage. Un pas à droite, un pas à gauche. Non, il n'irait pas plus loin.

« Il y a beaucoup à dire, au contraire. Et à entendre. Pour toi comme pour lui. T'es en colère, t'en as tous les droits. Mais tu crois pas que ça serait mieux de crever l'abcès une bonne fois pour toutes ? »

Elle en sait plus qu'il ne l'imagine - ou ne l'imaginait jusque-là, toujours - à l'évidence. Vincenzo dans son sillage s'est arrêté un mètre derrière le britannique, et reste figé, incapable de savoir quoi dire ou faire. Il ne sait même pas si le gaillard barbu qui l'accompagnait a suivi Riccioli d'Oro au dehors. Il ne sait même pas s'il arriverait à émettre la moindre parole, si on lui imposait à l'instant de la prendre. Mais le regard de Nessa en dit long : lui non plus, ne s'en tirera pas comme ça. Crever l'abcès une bonne fois pour toutes... Il ne voit pas bien ce que ça pourrait apporter de bon, imagine que l'autre, comme lui, tente désespérément de mettre le plus de distance - et de temps - entre les souvenirs de cette nuit-là et lui-même, aujourd'hui, ici. Alors pourquoi remuer le couteau dans la plaie, hein ? Pourquoi...

« Je voulais pas que ça se passe comme ça... Je voulais pas... Je voulais... Mais j'ai rien fait pour l'empêcher, et... »

Les mots écorchent sa gorge, un à un. Comme si sa langue natale était devenue un fardeau, au même titre que tout ce qui ramène ses pensées vers Rome. Il ne voulait pas que les autres les rejoignent. Il ne voulait que lui. Que leurs deux corps mêlés dans une chambre d'hôtel, même glauque. Mais il s'est tu, tout du long. Et puis il a fui.

« Je suis tellement désolé... »

Mais qu'est-ce que ça peut changer, hein ? Il baisse les yeux, attend l'avalanche de reproches, et toute la haine qu'il mérite. Parce qu'il n'y a que ça à attendre, à présent.
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MessageSujet: Re: An ode to noone • 2019 january   An ode to noone • 2019 january EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:36

And I give it all back to you
I give it all back to you, yeah
I give it all back to you
For you



Smashing Pumpkins – An ode to No One – Vincenzo + Alastair

La pluie déformait tout. Même la silhouette des touristes, qui le dévisageaient, sous leurs imperméables fluorescents bon marché. Où étaient les deux autres? Où étaient-ils? Il avait cru, pendant presque deux ans qu’il exagérait. Qu’il suffisait de ne plus y penser. Que tout était dans sa tête. Comme Gus. Ces fantômes obscènes qui tournaient autour de son lit, la nuit. Ces mains froides qu’il sentait sous son veston, sous sa chemise, même en plein milieu du palais de justice. Ces râles qu’il entendait dans le silence de la salle d’audience. Il avait cru que tout ça n’était que dans sa tête, comme le reste. On était à des kilomètres et des kilomètres de Rome. On était loin, très loin de la chaleur de l’Italie. Très loin de ces paysages pittoresques, chargé de pastel, de ces villas romaines dont il gardait souvenir. Ici, il n’y avait que ce climat âpre et ces pierres brutes. Ce gris, ce brun et ce noir. Pourquoi un putain d’Italien viendrait ici, hein? Pourquoi?

S’était-il senti en sécurité? Non. Bien sûr que non. Mais il pouvait prétendre que toutes ces sensations et ces visages qu’il voyait sans cesse du coin de l’œil n’était pas réel. Comme ce double de lui-même, les boucles blondes souillées, qu’il avait aperçu, près de GreyFriars Kirkyard. Qu’un sale tour de son esprit embrumé de fatigue et d’alcool. Tout s’excusait par l’alcool.

Mais maintenant? Que faire maintenant qu’il avait vu ce putain d’Italien, recroquevillé sur sa banquette? Comment-était-ce seulement possible? La question tournait en boucle, dans son esprit. Comment-était-ce seulement possible?

« Là! »

Où étaient les deux autres? L’attendaient-ils au coin de cette ruelle, sous South Bridge? Étaient-ils cachés sous ces maudits imperméables, à l’épier, avec leurs sourires éclatants? Où était-ce ces ombres, sous le rideau de pluie qui le suivaient depuis tout à l’heure? La terreur le gagnait peu à peu. Il aurait voulu se mettre en boule, dans un coin et fermer les yeux pour ne plus voir ces trois ombres qui lui tournaient maintenant autour. Même s’il était trempé et glacé jusqu’au os. Il serait encore malade. Tant pis. Le médecin avait bien dit, non que son système immunitaire déficient flancherait bien avant la moyenne d’incubation du virus?

Il s’affala sur le mur de pierre et tenta d’éviter leurs regards. Ils n’étaient que dans sa tête, non? Ce n’était que la rouquine. Et Ryan, son collègue. Ryan qui assistait à tout ça, derrière. Sa réputation au boulot allait être fichue. Complètement fichue.

L’autre? On s’en foutait de l’autre.

Un pas à gauche, un pas à droite. Un autre pas à gauche. Rien n’y faisait. On ne le laisserait pas s’enfuir. Une danse macabre qu’il n’était disposé à faire. Le visage de la rouquine se juxtaposa à celui de d’autres. Il aurait voulu pousser violemment l’intrus et le rouer de coup, en gueulant toute sa rage. Alastair serra les poings et en leva un qui resta suspendu dans les airs.

Ce n’était que la rouquine.

Avait-il chuté au point de frapper une fille? Une femme. Il allait frapper une femme. Le bras retomba, ballant contre son corps. Il baissa la tête et resta silencieux, un moment. Puis, sans même écouter ce qu’elle disait. En occultant complètement les gémissements pitoyables de l’Italien. Crever l’abcès une bonne fois pour toutes? Que savait-elle? Que savait-elle de ce qu’il endurait depuis presque deux ans? Que savait-elle de l’effroi qu’il vivait, depuis six mois?

Il tâta sa poche arrière et en sortit son porte-feuille et en sortit quelques billets. Comme si il n’y avait qu’elle, dans cette ruelle. Elle et son collègue déboussolé.

« Je… Je t’assure que je suis un gentleman. Je t’assure. Je ne sais pas ce qu’il m’a pris. J’ai agi comme un gros con. J’ai pris ton amoureux pour une autre ordure que j’ai croisé en voyage, je crois. Tiens. 50 livres. Vous allez pouvoir vous payer un pichet ou deux et profiter du spectacle. »

Il lança un regard d’excuse à son collègue, avec un petit sourire gêné, comme si la rouquine et le lâche qu’elle trainait avec elle ne lui barraient plus la route. S’apercevaient-ils qu’ils le trahissaient devant un collègue de travail?

« Tu vas rire de moi, Ryan. Il y a deux ans, je suis tombé dans le plus vieux piège à touriste du monde. J’étais à cette discothèque à Rome, tu vois et il y avait cette fille, tu comprends. Cette fille… La plus belle que j’aie jamais vu de ma vie. Avec de grands yeux où tu plonge pour ne plus jamais ressortir et des lèvres, Ryan… de ces lèvres… J’avais jamais ressenti ça de ma vie, mate. J’avais le cœur qui battait dans la poitrine, des papillons dans le ventre… Je l’ai suivi comme un con. Et ses potes m’attendaient au coin de la rue. Les types… ils m’ont fait des bleus. Ils m’ont éclaté le nez. Ils ont pris mon fric et mon passeport et m’ont laissé là, dans cette ruelle. Je me suis pissé dessus, comme un con, en leur donnant ce qu’ils voulaient, sans rien faire. C’était pas beau à voir… Je suis pas fier. J’aurais dû me battre mais j’avais peur. Et la fille avait disparue. Tu comprends Ryan? C’était une pute, cette fille. Une pauvre pute. Un appât à touriste. Je n’étais absolument rien, pour elle. Absolument rien. Je crois que j’ai eu ma leçon, concernant les prostituées, hein? Si ça ne te dérange pas… je vais allez me pieuter chez moi. On se voit demain au boulot, okay?»

Demain, tout le Crown Office saurait qu’Harold Clarence Alastair Pratt se payait des prostituées. Radio-Thunder en ferait une émission spéciale. Il s’en fichait, complètement Son père s’en payait aussi. Il leur donnait le nom de « secrétaires ». Son grand-père s’en était payé aussi. Des tas et des tas. Des écossaises plus chétives et désespérées les unes que les autres que l’Ancêtre habillait avec des sous-vêtements affriolants, le temps de clichés obscènes, alors que la Guerre faisait rage. Il ne faisait que répéter ce qu’on s’attendait qu’un gosse pourri comme lui fasse.

C’était mieux que d’être homosexuel et pestiféré, non?

Il reporta son regard vers la rouquine. Il était las, si las…

Un pas à droite. Et un autre encore.

« Profites bien du show, d’accord? Tu as l’air d’une fille vraiment bien, toi. »
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MessageSujet: Re: An ode to noone • 2019 january   An ode to noone • 2019 january EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:36

:
Je n'ai pas besoin de ton argent.

C'est faux. Tu le sais, je le sais, et lui aussi le sait.

Ca se voit que tu ne le connais pas ! Regarde-le ton démon. C'est un chaton perdu, vraiment !
- Laisse tomber, Nessina...

Il a raison, tout est de ma faute. Je...

Je suis tellement désolé.
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