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 Rebirth • 2019, may

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Nathanael Keynes
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Rebirth • 2019, may Empty
MessageSujet: Rebirth • 2019, may   Rebirth • 2019, may EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:53

Février 2019

- Je suis désolée Vince...
- C'est rien. C'est sans doute mieux comme ça. Je sais pas ce que j'aurais pu dire de toute façon...

C'était pas complètement faux, mais ils savaient bien tous les deux que ça n'était pas complètement vrai non plus. Mieux pour qui, hein ? Pas pour l'italien, en tous les cas, qui ne cesse de penser à lui. Il ne devrait pas, il le sait bien. Mais c'est plus fort que lui. Il se revoit sur ce putain de lit, l'anglais à ses côtés, son téléphone à la main. Debout près de la porte après une dernière vérification - n'a-t-on rien oublié ? - il est prêt à quitter l'hôpital, et assez pressé de mettre tout ça derrière lui. Même si dans son dossier, le numéro de quelques cabinets psychiatriques lui sont conseillés, et qu'il n'a pas vraiment eu d'autre choix que d'assurer qu'il continuera à voir quelqu'un.

Il a attendu quelques jours avant de reprendre contact. Quelques jours où il s'est contenté de scruter les pages des réseaux d'Entitled Brat en espérant y voir des nouveautés, tout comme il avait commencé à le faire alors qu'il était encore cloîtré dans cette chambre aseptisée. Et puis il n'a plus tenu, et a pris le prétexte d'un morceau qu'il écoutait. Genre "je vous aurais bien vus jouer ça, avec ton groupe... faut trop que t'en remontes un !" ou quelque chose de ce style. Il ne sait même plus. Les réponses sont restées sporadiques, au départ. Et puis la St-Patrick est passée, et c'est comme si le trait d'humour de l'écossais semble-t-il, avait brisé la glace. Ils ont commencé à discuter, de plus en plus fréquemment. Jusqu'à ce jour où il lui a avoué avec agacement être obligé de patienter dans un quartier où il n'avait pas coutume d'aller. Un quartier proche de la piscine municipale d'où Vince sortait. Il lui a proposé de le rejoindre quelque part, pour l'aider à passer le temps. Après avoir tergiversé avec lui même pendant plusieurs minutes, le message écrit, le pouce prêt à appuyer sur le bouton envoyer, encore hésitant. Et pour la première fois, Harold a dit oui.

Ils se sont retrouvés dans un café, et après quelques minutes de gêne, le temps d'aborder les sujets qui les rejoignent, ils n'ont plus vu les minutes passer. Et par la suite, ils ont gardé contact plus facilement. Plus fréquemment, surtout. Pour son plus grand plaisir.

*
Avril 2019

Nessa a ri quand il lui a avoué qu'il avait ces chocolats pour lui aussi, un exemplaire identique à celui qu'il prévoyait d'offrir à Pâques à son amie de toujours.

- Je sais, c'est idiot. Comment je vais lui remettre, hein ?

Elle a ri, mais elle ne s'est pas démontée une seconde, et lui a ouvert de grands yeux horrifiés quand il a compris ce qu'elle était en train de faire.

Elle a appelé Harold. Elle l'a appelé, le plus naturellement du monde, pour lui demander ce qu'il faisait ce dimanche, et s'il voulait se joindre à eux. S'il n'avait pas mieux à faire, évidemment.

- Bon bah c'est nous ou sa vieille tante alors...

Dit comme ça, ça pouvait être mal pris, mais il en fallait un peu plus pour vexer Nessa, et Vince était trop sous le choc pour réagir à ce point de détail. Elle avait invité Harold à venir pour Pâques. Mais quelle idée ?! Mais qu'est-ce qu'ils allaient préparer, alors ?

Plus embarrassé que jamais, incapable de le faire de vive voix, il a usé des mêmes réseaux qu'ils ont toujours employés pour demander au londonien s'il y avait quelque chose à éviter, un plat, un aliment quelconque. Un dégoût ou une allergie, n'importe. Harold lui a certifié que non, et il a passé des heures, et des heures, et des heures en cuisine. Des jours à se demander s'il valait mieux opter pour un plat plutôt qu'un autre. S'il n'en faisait pas trop. Ou pas assez. A la dernière minute, il a préparé encore un mets, renoncé à ajouter encore un dessert de plus. Et s'il avait foiré une préparation ? C'est mama qui cuisine, à la maison. Nessa l'a aidé, mais tout de même. Et si... Plus tendu que jamais, il aurait dormi dans la cuisine si la rousse n'avait pas fini par le mettre au lit d'office.

*
Dimanche 21 avril 2019

- Hé vince, tu songerais pas à te doucher et te changer avant qu'il arrive ?

Nessa était déjà prête, elle. Habillée, légèrement maquillée, elle peignait ses cheveux roux, avec un calme olympien contrastant drastiquement avec la nervosité de son coloc.

- Hein ? Mais quelle heure il est ?

Il a levé la tête vers l'horloge du salon, et ouvert des yeux ronds, pris de panique - davantage encore que ces derniers jours. Mais pourquoi n'a-t-il tout simplement pas tout annulé, hein ? Quelle idée de l'inviter là, chez eux ? On aurait pu envisager un restaurant plutôt, non ? Une part de lui était reconnaissante à Nessa pour avoir fait ce qu'il n'aurait jamais osé, l'autre lui en voulait tellement l'angoisse suintait par tous les pores de sa peau.

- Oh merde...

Un cri du coeur avant qu'il ne laisse en plan les couverts et file comme suggéré par son amie dans la salle de bain en quatrième vitesse, pour en ressortir quelques minutes plus tard et poser pour la énième fois les mêmes questions à Nessa :

- Tu crois que ça va aller ? Il y a peut-être des trucs qu'il ne mange pas... Le repas... Ca va suffire tu crois ? Et la table comme ça, qu'est-ce que...
- Eh oh vince, déstresse !... C'est juste un repas, ok ? Tu joues pas ta vie. Et je suis là. Zen.

Pile au moment où la sonnette retentit. Cramoisi, il s'est dirigé vers la porte, pour ouvrir à leur invité, les cheveux encore humides, faute d'avoir été séchés correctement, et dégoulinant un peu sur son t-shirt des Ramones.

- Salut... Ca a été pour venir ? Je t'en prie, entre... Attends, je te débarrasse...

Il parle trop vite, il le sait. Et il rougit davantage encore, terriblement gêné. Harold est là, chez lui. Bordel, il est chez lui... Il s'est effacé pour le laisser passer, et jette un regard implorant à son amie afin qu'elle prenne le relais. Parce que s'il doit lancer la conversation, ils ne sont pas prêts de briser le silence...

*

Nessa a fait le plus gros de la conversation. Elle fait toujours l'essentiel de la conversation. Avec des regards insistants, parfois, entre eux deux. Et un petit sourire en coin qui en dit long. Parfois, elle s'est éclipsée en cuisine avec il ne sait même plus quel prétexte, où elle est restée beaucoup trop longtemps pour être crédible.

Est-ce qu'Harold est dupe ? Vince ne l'est pas vraiment, lui, concernant le goût de l'anglais pour les plats préparés. Il se mord la lèvre, chaque fois qu'il s'en rend compte, passe à la suite en vitesse. Mortifié, il a le sentiment de tout avoir foiré, en oublie presque les chocolats achetés expressément pour le londonien, qu'il lui fourre dans les mains à la va-vite avant de le laisser partir en bredouillant que c'est rien du tout, juste histoire de marquer le coup.

- T'es écarlate Vinnie, encore plus que quand il est arrivé. Moi je te le dis : S'il a pas compris, il est encore plus aveugle que t'es timide.

*
Mai 2019

Des dizaines de commentaires instagram échangés. Des messages sur Skype et par sms, à la pelle. Pas un jour ne passe sans qu'ils ne s'échangent au moins quelques mots. L'italien regarde les notifications dès le réveil, sourit quand il voit "Harold" ou le pseudonyme d'entitledbrat s'afficher sur l'écran.

Mais pas ce soir.
Ce soir, il est devenu livide en voyant les mots inscrits noirs sur blanc. Et devant les interrogations de sa rouquine de petite amie, il lui a tendu l'appareil, avant de faire les cent pas dans l'appartement. Elle a fini sa phrase quand il a voulu lui demander si elle accepterait qu'il passe, à l'improviste. Mais les minutes passent, sans réponse, et le romain continue à arpenter la pièce, plus nerveux chaque seconde.

- Viens, on y va.

Il est resté comme un con, à la regarder, paralysé sur le coup.

- T'avais regardé où c'était sur maps, non ?

Ca a eu l'effet d'un électrochoc, il a attrapé son blouson en quatrième vitesse, un trousseau de clé, et ils ont filé. Jusqu'à cette baraque qui doit coûter... il imagine même pas combien. Devant le battant, il est resté hésitant.

- Maintenant tu frappes, et tu lui parles. Moi je reste dans la voiture, tu me dis si t'as besoin de moi, sinon je rentre.

Elle a fait demi-tour, le laissant seul sur le perron, et est retournée s'asseoir sur le siège conducteur de son vieux tacot après lui avoir lancé un geste visant à le pousser à manifester sa présence. Alors il prend une profonde inspiration, comme si ça pouvait vraiment lui donner du courage, et toque à la porte. Une fois, puis deux. L'attente, pourtant relative, lui semble interminable. Et insupportable. Mais quand il se retrouve face à la concierge, gouvernante, ou il ne sait quel titre porte la femme dont le visage se dévoile, il lui faut quelques secondes pour trouver ne serait-ce que quelques mots à dire.

- Bonjour Madame... Pardonnez-moi de vous déranger, mais... Je suis un ami d'Harold et...

Un ami, ouais, c'est ça... Il a bien fallu dire quelque chose, mais il ne sait réellement pas comment définir sa relation avec lui, en réalité, alors il a le sentiment de mentir éhontément à cette femme. Cette femme au regard inquiet, qui lève la tête vers l'escalier et l'étage derrière elle, visiblement paniquée... et l'angoisse s'insinue davantage encore dans le coeur du peintre.
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Nathanael Keynes
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MessageSujet: Re: Rebirth • 2019, may   Rebirth • 2019, may EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:53

Hope measuring time without end
You could be just like the sun
Beautiful like a dream
Innocent like a child
Heroic and brave
Like the kings and the warriors in the legends

Behold the depths of your innermost soul
A minotaur walking in endless despair
Mythical like a dream
Invisible like a soft breath of wind
But still in your fantasy
This will always be real

I'll show you who you are
I'll furnish you with a burning desire
I'll show you who you are
I'll furnish you with a burning desire


Bel Canto – Time Without End – Vincenzo + Alastair

Bel-Canto - Time Without End

April 20th, 2019

L’assistante de son père le lui avait confirmé par email. Pas d’aller-retour pour Londres pour le congé pascal. Son père était soi-disant en France pour affaire. Pâques? Pâques n’était qu’une fête comme une autre après tout, non?

On était samedi après-midi, lorsqu’il reçut l’appel. Que faisait-il dans le living-room, un samedi après-midi? Sa vieille tante écoutait un énième épisode des Feux de l’Amour, le regard rivé à cette gigantesque télé, qu’on avait cloué au mur. Un édifice de cette époque. Quel gâchis. Les acteurs, beaucoup trop bronzés, beaucoup trop maquillés défilaient à l’écran avec leur dialogue complètement insipide. Il répondit à la deuxième sonnerie en formulant muettement des excuses à la vieille qui le fusillait des yeux et qui tapait le bout de sa canne contre le plancher. Il se leva et s’éloigna du canapé.

Nessa l’invitait à un souper. Un putain de souper de Pâques. Il hésita un moment. Dîner avec l’Italien? Vraiment? Youtube, ça allait parfaitement. Instagram? Même chose. Il n’y avait plus vraiment de public, depuis le temps. Personne ne le suivait vraiment, maintenant qu’il avait quitté Untitled. Facebook? Non. Le laisser accéder à toutes ses connaissances d’Oxford? Non. Bien sûr que non. Skype? Il aimait leur intimité sur Skype. Ils pouvaient parler de n’importe quoi, sans même se voir. C’était parfait, non? Alastair pouvait même se laisser aller à confidences qu’il n’avait jamais fait ailleurs. Vincenzo lui en faisaient tout autant. Ces putain de papillons qu’il ressentait, dès que l’Italien se connectait, le soir. Cette attente, toute la journée… Il essayait de l’ignorer. Il suffisait d’effacer l’historique après.

Mais un dîner? Un dîner avec lui? Il lança un regard versa vieille tante, affalée sur le sofa. Le cendrier était plein, quand bien même sa bombonne d’oxygène était posée juste à coté. Cigarette au bec, elle écoutait son télé-roman avec les yeux complètement vitreux. Regarderait-elle encore le même épisode demain? Alastair frissonna.

« Si je comprend bien, vous me laissez le choix entre passer Pâques avec ma tante ou espérer autre chose que la résurrection d’un vieux dentier à la table? Je dois emmener du vin rouge ou du vin blanc, déjà? »

**

Il s’était présenté en retard, comme d’habitude. Que se serait-ils imaginés, s’il était arrivé d’avance, hein? Sitôt la porte ouverte, il tendit ses deux bouteilles de Chianti comme on tend les armes. Une pour eux. Pour faire poli. Une pour lui, pour passer au travers de l’épreuve. Vincenzo venait à peine de sortir de la douche. Ses yeux glissèrent malgré lui sur cette goutte qui coulait, le long de la clavicule jusqu’en dessous du futile T-shirt. Allait-il survivre à cette soirée, bordel?

Il sourit de plus belle.

« Tu me sers un verre, Nessa, dis ? »

**

Il avait oublié tout ça. Ça s’était perdu, quelque part dans son esprit entre la texture déguelasse du lubrifiant dans ses cheveux et l’odeur de désinfectant. Ça s’était perdu. La beauté de la chapelle Sixtine et le goût du ristretto qui roulait onctueusement sur sa langue. Et les antipasti à n’en plus finir. Comment avait-il fait pour oublier ces orgies de nourriture?

Il s’était attendu à des tranches de jambon et de la purée, de l’agneau avec une sauce à la menthe. Ou pire encore, leur foutu haggis. Comment les écossais pouvaient-ils se vanter de leurs intestins de moutons en miettes? Il ne s’était pas attendu à voir l’Italien devant les fourneaux. Il avait toujours eu un faible pour les gens qui savaient bien cuisiner.

Peut-être parce qu’il n’arrivait même pas à se faire chauffer une casserole de fèves au lard lui-même et qu’il détestait la cuisine de Mrs. Campbell. Était-ce pour ça qu’il avait autant maigri?

Était-ce pour ça qu’ils l’avaient gavé, Vincenzo et la rouquine? Parce qu’il était maigre? Il n’en savait rien. Il avait même mangé le truc aux épinards, pour ne pas les froisser. On allait devoir le rouler sur Royal Mile, pour revenir chez lui, à présent. Comme un tonneau.

**

May 3rd, 2019

C’est une femme entre eux âges, enveloppée de son châle et de sa robe de chambre qui ouvrit la porte du 16, Chambers Street. Une femme visiblement exécrée d’être encore debout, à cette heure tardive. Elle examina le jeune homme en face d’elle des pieds à la tête, tiqua sur l’anneau dans sa narine, l’air méfiant avant de finalement laisser la porte d’entrée ouverte, d’un air las.

« Un ami, vous dîtes? Ça fait dix mois qu’il est ici et je ne l’ai jamais vu inviter qui que ce soit… Entrez… et allez lui dire d’arrêter de tourner en rond comme un éléphant et de faire du tapage. Il y a des gens qui essaient de dormir, ici. Si ça ne cesse pas, on va devoir en informer son père, vous comprenez? »

Elle soupira et lui pointa l’escalier, au bout du corridor avant de disparaître derrière une autre porte.

**

Tous les cadres avaient été décrochés, un à un, dans l'immense living-room. Ils tronaient sur le canapé, sur les fauteuils autour de la table basse où était posée une bouteille de scotch bien entamée déjà. c'était son cinquième verre. Un cinquième verre bien rempli. Alastair tournait en rond, comme une bête sauvage, le regard rivé sur ces yeux morts qui le fixaient. À gauche, il y avait sa Grand-mère, une chose frêle et triste qu'il n'avait jamais connue. À droite son Grand-père, avec ses sourcils broussailleux et son air d'aristocrate déchu. Le même que son père, adolescent, dont la photo siégeait sur un autre fauteuil. Entre les deux, des trucs qui dataient des années 20 et même du début du siècle. Le même air pédant et ces mêmes yeux clairs, bien germaniques, un peu globuleux qui affichaient tous l'ennui le plus profond.

Quel imbécile avait pu réellement croire qu'il était des leurs, hein? Qui?
Lui. Lui y avait cru. Enfin presque.

La mendiante qui l'avait abordé sur Grassmarket avait davantage de traits communs avec lui que tous ces putains de portraits.

Et le mec, à l'arrêt d'autobus... ce putain de mec, avec ses piqures de seringues plein les bras... c'était son portrait craché.

Qu'est-ce qu'il donnerait à son fils, comme gênes pourris? La schizophrénie? Une foutue tendance à la toxocomanie? Et quels autres trucs morbides encore?
Il ne le savait pas et ça le rendait dingue.
Il ne savait pas qui il était.

Est-ce qu'Ismael se reconnaitrait en lui, un jour, en voyant une photo posthume de lui?
Est-ce qu'Ayo daignerait lui en montrer une, un jour?

Il entendit des pas, dans l'escalier. Encore Mrs. Campbell. Il renifle, prit son verre et la photo de son grand-père sous le bras et s'apprêta à l'envoyer vertement chier.

Mais ce n'était pas la concierge.

Alastair regardait, hébété, la silhouette monter dans l’escalier. L’italien.
Mais pourquoi Vincenzo était ici? Pourquoi ce soir?

« Qu’est-ce… qu’est-ce que tu fais ici?! Com... comment t'as eu mon adresse? Ils… ils sont pas avec toi, hein? Ils sont pas avec toi? »
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Nathanael Keynes
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MessageSujet: Re: Rebirth • 2019, may   Rebirth • 2019, may EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:53

Il ne sait pas ce qu'il a pu raconter, mais le sourire de Nessa s'était élargi à sa réponse, et quand elle avait raccroché, elle avait été radieuse - presque comme si c'était elle, qui était intéressée par l'anglais. Il aurait pu s'inquiéter, s'ils ne se connaissaient pas si bien tous les deux. Mais il sait pertinemment qu'il n'y a aucun lieu de le faire. Et que le sourire de la rousse n'est dû qu'à son affection pour lui, et à celui que ça génère, sur son propre visage.

*

Il est un peu en retard, mais c'est tant mieux, au final, parce que Vince aussi. Il sort à peine de la douche, peste intérieurement contre son allure loin d'être parfaite, ses cheveux encore trempés, et contre le rouge qui lui monte aux joues face au sourire d'Harold. Dio qu'il est beau ce type, et ce sourire-là, il ne l'a pas oublié depuis Rome. Même s'il a été terni par cette fin de nuit apocalyptique.
Le revoir, là, chez lui, dans des circonstances moins chaotiques que les précédentes, ne le laisse pas indifférent. Bien loin de là. Est-ce qu'il vient de s'imaginer accueillir le londonien d'un baiser ? C'est ridicule, parfaitement ridicule, il faut vraiment qu'il fasse taire son cerveau, et ses hormones en feu.

« Tu me sers un verre, Nessa, dis ? »

Oh oui, un verre ! Plusieurs même. Il ne sait pas comment se donner une meilleure contenance que le chianti, et les plats qui se succèdent. Même s'il n'en a pas vraiment l'autorisation médicale.

*

Trop. Beaucoup trop de plats, il en avait oublié que les anglais n'avaient pas les mêmes habitudes culinaires. Ni les mêmes gouffres stomacaux sans doute. Il a vu les bouchées avalées tout rond avec de grands verres de vin pour les faire passer. Il est passé aux plats suivants, sans rien dire, s'empêchant difficilement de céder à la panique, presque certain d'avoir tout foiré. Leurs conversations instagram à suivre lui donnaient à moitié raison.

*


May 3rd, 2019

Pourtant, le contact ne s'était pas rompu, oh non. Les commentaires sur YouTube, ou sur Instagram, les sms parfois, et Skype, oh Dio Skype et leurs conversations à n'en plus finir ! Nessa se fichait de lui, parfois. Mais pas ce soir. Non ce soir, elle a vu son visage changer de couleur, elle a vu son inquiétude, lu les mêmes mots que lui... Et pris l'initiative qu'il n'osait pas entreprendre.

*

Il est là, devant cette foutue porte, dansant d'un pied sur l'autre, hésitant à faire demi-tour tout en sachant pertinemment qu'il le regretterait quand la porte s'ouvre sur cette femme dont il est assez peu capable de déterminer l'âge qui le dévisage, tique visiblement sur son look.

« Un ami, vous dîtes? Ça fait dix mois qu’il est ici et je ne l’ai jamais vu inviter qui que ce soit… Entrez… et allez lui dire d’arrêter de tourner en rond comme un éléphant et de faire du tapage. Il y a des gens qui essaient de dormir, ici. Si ça ne cesse pas, on va devoir en informer son père, vous comprenez? »

Vincenzo déglutit difficilement, cherche ses mots.

« On ne se voit... qu'en dehors... Hum... Oui, oui, je comprends... »

Du peu qu'il en sait, la relation d'Harold et de son père est loin d'être cordiale, et il conçoit aisément qu'il vaudrait mieux éviter de contacter Mr Pratt Sr. L'angoisse grandissant, il regarde cet escalier, pointé par la femme qui disparaît aussitôt derrière une porte vers il ne sait trop où. Et la porte s'ouvre, sur Ali qui le dévisage, sans doute surpris de le voir monter ce putain d'escalier. Il ne lui jette pas la pierre, il est surpris de se trouver là lui-même. Une main nerveuse dans les cheveux, il s'arrête deux marches sous l'écossais quand celui-ci l'interroge, ne sachant trop quoi répondre, et piquant immédiatement un fard.

« Qu’est-ce… qu’est-ce que tu fais ici?! Com... comment t'as eu mon adresse? Ils… ils sont pas avec toi, hein? Ils sont pas avec toi?
- Hein ? »

Qui ça ils ? La culpabilité d'avoir trouvé son adresse sans son consentement explicite - ça fait stalker, non ? - s'efface face à l'incompréhension. Qui ça, qui n'est pas avec lui ? Nessa, il aurait dit "elle". Mais ils... qui d'autre ont-il en commun. Une sueur froide lui parcourt le dos comme il réalise qui l'esprit embrumé d'alcool d'Ali évoque.

Gino et Miquele.
C'est eux qu'il craint de voir débarquer, n'est-ce pas ?

« Miquele ? Miquele et Gino ? Non... Non bien sûr que non... »

L'angoisse grimpe d'un cran. Ali est saoul, il le sent même à un mètre de lui. Est-ce qu'il peut se permettre de grimper les dernières marches ? Ou est-ce qu'il va se faire jeter ? Il hésite, ne sait pas quoi dire. Quoi répondre de plus. Est-ce qu'il doit attendre une réaction ou ?...

Un pas, un autre. Il grimpe à la hauteur d'Ali, les doigts noués. Et reprend la parole, plus hésitant encore.

« Tu m'avais montré une photo et... Et je me demandais où ça pouvait être... Et... On est pas loin de la fac alors j'ai fini par trouver... »

S-T-A-L-K-E-R. Y a ces lettres qui s'allument dans son esprit. Et il a toutes les peines du monde à poursuivre. Et il se mord la lèvre pour éviter de lui demander pardon une nouvelle fois - il sait bien qu'il se fait engueuler à chaque fois.

« Y a... Y a que moi Ali... Est-ce que... Est-ce qu'on peut le partager ce scotch ? »

Histoire de pas lancer la bombe de l'enfant tout de suite. Histoire de trouver une raison favorable à sa présence. Il ne devrait pas, il est toujours sous anti-dépresseurs et les cachets ne s'associent pas bien avec l'alcool, on l'a mis en garde un paquet de fois. Tant pis. Tant pis pour ce soir. Il tentera de limiter sa consommation, voilà tout. Il ne peut simplement pas s'en aller et le laisser dans cet état. Peut-être plus amaigri qu'à Pâques encore, les cernes visibles, les traits tirés, ivre et... désespéré ? Non, définitivement, il ne peut pas le laisser là, comme ça. Et il prie intérieurement pour que le pianiste ne lui referme pas la porte sur le nez.
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Nathanael Keynes
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MessageSujet: Re: Rebirth • 2019, may   Rebirth • 2019, may EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:53

Je reste enfermé chez moi
et je ne sors pas
J'attends comme la fin du monde
et je ne sais pas
Combien de temps ça prendra
mais je ne l'oublie pas
Parfois la nuit on s'ennuie
et ça ne plait pas
Non ça ne vous plait pas...
oh oh oh
oh oh oh


Indochine – electrastar – Vincenzo + Alastair

Miquele et Gino. Miquele et Gino. Les deux noms se répercutent dans sa tête comme une sombre litanie. C’est comme ça qu’ils s’appelaient? C’est comme ça qu’il devait appeler ceux qui le précipitait à la mort? Il dévisagea un instant VIncenzo qui s’était avancé d’une marche et respira bruyamment, les muscles crispés. Il ne voulait pas savoir leur nom. Il y avait encore parfois des jours, où il aurait encore préféré ne pas savoir le nom de celui qui montait les marches. Malgré les bons moments sur Skype. Malgré ce dîner de Pâques qui l’avait laissé joyeux et la panse bien remplie. Il leva une main pour se pincer l’arête du nez, contrarié. Il ne voulait pas penser à ça. Pas maintenant. Ni jamais.

"Je t’ai montré où je restais, moi? J'ai fait ça"

C’était une question, juste une question, toute bête. Depuis quelques temps, les petites bourdes se multipliaient. Il s’était réveillé un matin avec deux ou trois notifications facebook de gens inquiets d’un truc dont il ne se rappelait même plus avoir posté. Un truc tout con qui se moquait des Tories. Peut-être avait-il envoyé une bêtise à Vincenzo, un soir trop arrosé. Ceux-là aussi prenaient de l’ampleur. Avec les trous de mémoire qui allaient avec. Et si Radio-Thunder avait réellement aperçu quelque chose?

Est-ce que cette mendiante, qui rôdait maintenant autour du Crown Office se souvenait de tout ce qu’elle faisait, elle? Avait-elle déjà oublié ces 500 livres?

Alastair soupira lourdement et lui fit signe agacé de monter, en libérant le passage. Au fond… au fond il était content que l’Italien soit là. Il sentait un peu seul, face à ses vieux portraits.

"Ok. Ok, pour le verre. Viens, je te sers, Enzo... mais il faudra aller chercher une autre bouteille, après, au Tesco. Il me reste un peu de monnaie, t'inquiètes... Tu vas pouvoir faire ça pour moi?"

Il revint au living-room sans trop se soucier si l’autre le suivait ou pas. Était-ce parce qu'il n'avait pas pas vu la table basse? Il se percuta le genou dessus et lâcha le portrait qu'il tenait sous le bras. Le cadre s'écrasa par terre et le vitra éclata en miette, à ses pieds.

"Fuck."

Il n'arrivait plus à ressentir grand chose. Qu'était-ce à part une vieille photo d'un illustre inconnu auquel il n'avait jamais été réellement apparenté? Son père, agé de 15 ou 16 ans à l'époque lui souriait toujours, dans son bel imperméable clair. Qui était le gosse au visage de poupon à côté? Il n'avait jamais su. Son père avait l'air radieux. Avait-il jamais vu son père aussi radieux?

"Tu trouves que je lui ressemble, toi?"

Il avait levé la tête vers l'Italien et montrait mollement la photo par-terre. L'italien n'était pas un pote d'Oxford qui cherchait à obtenir des faveurs. Il ne connaissait peut-être pas encore la culture générale du pays. Thatcher ne lui disait peut-être pas grand chose. Peut-être... Peut-être n'aurait-il pas googlé son putain de nom encore... Sa réponse allait peut-être avoir un peu d'honnêteté, peut-être...

"Laisse. Mrs. Campbell s'en occupera demain. Ma.., ma tante est à Londres pour... pour la semaine, je crois. J'ai même pas ce privilège-là, tu imagines? J'ai même pas ce privilège-là... Il ne veut pas me voir. Ça fait plus deux ans qu'il ne veut pas me voir..."

Le jeune ivrogne renifla et haussa les épaules. De peine et de misère, il enjamba le gâchis sans se couper la plante de ses pieds nu et se rendit au buffet pour y prendre un autre verre. Il retourna à la table basse et remplit à nouveau les deux verres au ras-bord. Il ne restait qu'un doigt, à présent. Il faudrait aller en chercher une autre bientôt. Il poussa le verre en direction de l'Italien et lui sourit, chaleureusement. Oui,il était content qu'il soit là.
'Tiens. Ça vient de la distillerie familliale. Enfin... pas vraiment familliale. On prétend que ce l'est, tu vois. On est propriétaire. On est propriétaire d'un peu tout, à Aberdeenshire. La prochaine bouteille, ce sera moins bon.'

Il s'écrasa lourdement sur le canapé, entre deux aîeuls. Il expira et renversa la tête sur le dossier. À l'étage, la radio était allumée. On pouvait entendre l'animateur de nuit parler du come-back de cette vedette des années 80 dont personne ne se souvenait plus du nom. Mrs. Campbell avait dû oublier de l'éteindre, lorsque son mari était venu chercher la vieille. Il roula la tête pour contempler l'italien, en face de lui. Cet air toujours un peu perdu. Ces lèvres charnues et ces yeux verts en amandes. Putain qu'il était beau, à regarder, avec cette fausse contenance. Juste comme ça. Il lui sourit, l'esprit embrumé.

Non. Il ne voulait pas penser aux deux autres. Peu importe leur noms. Pourquoi les trous de mémoire ne survenmaient pas quand il le désirait, hein? Pourquoi?

Pourquoi ne pas oublier Ayo et Ishmael? Faire comme n'importe quel géniteur... n'importe quel donneur de sperme. Pourquoi ne pas juste oublier qu'il avait ce putain de virus, là et maintenant?

Pourquoi, hein?

"Quel bel adulte responsable je fais, hein? Avoue que vous auriez envie de me confier vos futurs mômes, toi et Nessa."

Il attrapa son verre et en but une gorgée, avant de renverser de nouveau la tête par derrière.

"Je rigole, Enzo. Je rigole. Hey dis, je t'ai pas vraiment posé la question, à Pâques. Mais ça me tracasse. Tu vas mieux, dis? Ça va mieux? T'as plus envie de mourir à cause de moi, hein?"
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Nathanael Keynes
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MessageSujet: Re: Rebirth • 2019, may   Rebirth • 2019, may EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:54

Pourquoi les nommer, alors qu'Harold n'a sans doute jamais entendu leurs prénoms ? Vincenzo serait bien en peine de le dire, mais il semble que son cerveau ait du mal à raccrocher tous les wagons. La panique le gagne comme il voit son interlocuteur se crisper, respirer si fort. Va-t-il le mettre à la porte ? Après tout, il en aurait tous les droits, lui qui débarque à pas d'heure, dans une demeure dont il ne devrait même pas connaître l'existence ni la localisation, au fond...

"Je t’ai montré où je restais, moi? J'ai fait ça"

Il ne sait pas quoi répondre. Il ne l'a pas inventée, cette façade cossue, mais il a bien senti, ce jour-là, qu'il n'aurait pas dû recevoir cette photo. L'anglais vient de le lui confirmer. Et il baisse le regard, penaud. Va-t-il lui en vouloir, d'avoir cherché si désespérément où cette façade pouvait bien se trouver ? Lui dire d'aller se faire foutre, qu'il n'a aucune intention de partager l'alcool qu'il ingurgite depuis un moment à présent, visiblement ?
Non. Harold s'efface, pourtant agacé. Et il n'ose pas bouger tout d'abord, pas très certain de la marche à suivre.

"Ok. Ok, pour le verre. Viens, je te sers, Enzo... mais il faudra aller chercher une autre bouteille, après, au Tesco. Il me reste un peu de monnaie, t'inquiètes... Tu vas pouvoir faire ça pour moi?
- Oui bien sûr..."

Il est on ne peut plus sincère. Même s'il ne peut pas se voiler la face, et qu'il sait bien que ça n'est pas raisonnable vu l'état d'ivresse déjà bien avancée du londonien. Vu sa prescription médicale, aussi. A pas mesurés, comme s'il craignait chaque seconde de déranger davantage que la précédente, il suit le résident à l'intérieur, mais n'a guère le temps de rattraper le coup quand son hôte percute le meuble bas et laisse échapper un portrait.

"Fuck."

Un juron, sans plus de réaction que ça. Vince s'est élancé spontanément, mais la froideur des réactions d'Ali le glace.

"Tu trouves que je lui ressemble, toi?"

Il le dévisage, surpris, peine à comprendre le sens de la question. Son regard tombe sur le visage pâle sous les morceaux de verre au sol et pendant un moment il reste là, à observer les traits imprimés sur la pellicule. La ressemblance est loin d'être frappante, c'est une certitude. Il s'accroupit, comme si rapprocher son visage de celui dépeint sur la photo pouvait l'aider à y voir clair. Dans les traits de ces deux visages si dissemblables, dans le sens réel de cette question sans doute bien plus importante qu'il n'y paraît.

"Il paraît que je ressemble à un de mes oncles, mais je n'ai pas tellement de traits similaires à mes parents en réalité..."

Mais son propos manque de conviction, il l'entend bien lui-même. Certes, il est loin d'être la copie de l'un ou l'autre de ses parents. Mais le lien de parenté reste plus évident à appréhender que celui d'Ali et de l'homme sur le cliché. Et comme si ça pouvait lui permettre de mieux voir, voilà qu'il retire quelques morceaux de verres du portrait au sol.

"Laisse. Mrs. Campbell s'en occupera demain. Ma.., ma tante est à Londres pour... pour la semaine, je crois. J'ai même pas ce privilège-là, tu imagines? J'ai même pas ce privilège-là... Il ne veut pas me voir. Ça fait plus deux ans qu'il ne veut pas me voir..."

Le coeur de l'italien se serre à cette mention. La douleur de se sentir rejeté par les siens, il la comprend tellement bien ! Combien d'années a-t-il eu ce ressenti abject, que ses propres parents seraient plus heureux en son absence ? Est-ce qu'il doit lui répondre honnêtement, ou enjoliver un peu la vérité ? Il n'a aucune envie de lui mentir, pourtant, et bute presque sur chaque mot prononcé.

"J'avoue que c'est difficile de trouver une ressemblance..."

Avec aucun d'entre eux. Le portrait brisé au sol, mais les autres, autour d'eux, plus ou moins anciens également. Un verre apparaît entre eux, et le sourire chaleureux de l'anglais, malgré son discours pourtant désespéré le surprend.

"Tiens. Ça vient de la distillerie familiale. Enfin... pas vraiment familliale. On prétend que ce l'est, tu vois. On est propriétaire. On est propriétaire d'un peu tout, à Aberdeenshire. La prochaine bouteille, ce sera moins bon.
- Je crois que je n'ai pas le palais assez développé pour trop m'en rendre compte, tu sais..."

Concernant le whisky en tout cas. Il pouvait discuter gastronomie sans peine, et différencier nombre de rhums et gins différents... Mais il avait tout à apprendre concernant le whisky. Ali s'est laissé tomber sur le canapé, mais Vincenzo reste accroupi au sol, pas très certain de la conduite à tenir, si ce n'est qu'il tend le bras vers ce verre immense, qu'il se promet de siroter le plus lentement possible. Paraît que son foie n'apprécierait pas trop le mélange avec ses cachets. Même s'il s'est autorisé une bière ou deux, quelques fois, déjà.

"Quel bel adulte responsable je fais, hein? Avoue que vous auriez envie de me confier vos futurs mômes, toi et Nessa."

La stupeur se lit sans doute sur son visage. Leurs enfants ? A Nessa et lui ? Il ne comprend pas bien le sens de cette question, le pianiste n'a-t-il pas compris qu'ils n'étaient pas réellement ensemble ? Qu'ils étaient une famille, plutôt qu'un couple, en réalité ?

"Je rigole, Enzo. Je rigole."

Il n'a pas compris le second degré, et se sent un peu plus con encore que d'ordinaire. Pardon Ali, je percute pas toujours le second degré, pense-t-il encore, mais les mots ne passent pas ses lèvres. Des excuses, encore et toujours. Il n'a sans doute aucune envie de les entendre, n'est-ce pas ?

"Hey dis, je t'ai pas vraiment posé la question, à Pâques. Mais ça me tracasse. Tu vas mieux, dis? Ça va mieux? T'as plus envie de mourir à cause de moi, hein?"

Ses yeux verts s'agrandissent d'effroi instantanément, et le verre qu'il s'apprêtait à prendre enfin en main reste sur la table basse. Enzo s'est redressé, pour venir s'asseoir près de lui, repoussant un portrait importun.

"A cause de toi ? Non. Non c'est pas à cause de toi... C'est moi... C'est..."

Il entend Jamie lui affirmer rudement que ça ne venait pas de lui, se mord la lèvre aussitôt. Que c'était qu'ils étaient, tous, prisonniers de leur passé, de leur esprit. Quelles noirceurs se terrent dans celui de l'anglais, hein ?

"Ca va", se borne-t-il à répondre. "T'as pas à t'en vouloir toi non plus."

Parce que c'est de ça qu'il s'agit, n'est-ce pas ? De ce sentiment coupable qu'il connaît si bien. Trop bien. Un trop bel écho à son propre ressenti, et il se voit presque comme extérieur à son corps prendre la main du londonien dans la sienne.

"C'est pas à cause de toi, d'accord ? C'est pas de ta faute, j'ai fait ça tout seul comme un grand..."

Et il en porte la marque au poignet qui défigure son tout premier tatouage. Un jour prochain, sans doute, il verra pour dissimuler tout ça...
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MessageSujet: Re: Rebirth • 2019, may   Rebirth • 2019, may EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:54

"C'est pas à cause de toi, d'accord ? C'est pas de ta faute, j'ai fait ça tout seul comme un grand..."

Comme un grand. Qu’il y avait-il de grand, dans cette histoire?

Est-ce qu’Ayo lui permettrait de voir Ishmael, si elle savait qu’il voyait un mec qui l’avait abandonné tout seul dans une chambre d’hôtel sordide? Tout seul avec des inconnus, alors qu’il n’était là que pour lui. Drogué, nu et vulnérable dans un pays étranger où il ne connaissait personne… Alastair se mordit les jointures, en ignorant un moment la présence de l’italien. Ils n’en avaient pas discutés. Ils n’en discuteraient jamais.

Jamais. Parce qu’il était trop en colère. Surtout contre lui-même. Et que Vincenzo était un peu lâche, au fond.

Non, ce n’était pas de la faute de Vincenzo. C’était lui qui avait pris ces drogues, c’était lui qui était entré dans cette chambre. Personne ne l’avait forcé. Personne. Mais la blessure de l’abandon était encore là. C’était génial, lui parler de tout et de rien sur Skype. C’était génial de rêver un peu. Il commençait à s’attacher. Dangereusement. Et il le savait.

Il ne fallait pas s’attacher. Les gens finissaient toujours par vous abandonner. Toujours. Si Vincenzo l’avait fait une fois… il le referait encore. Et ce serait sa perte.

Sa perte.

Il ne le supporterait pas.

Il se leva, tanguant dangereusement et s’approcha du cadre, par terre. Son père souriait toujours, malgré son visage déformé par les éclats de verre. Et si son fils avait été dans le salon, avec eux? Allait-il vraiment laissé du verre sur le tapis, comme ça, parce que la concierge dormait? Et si le garçonnet qu’il imaginait rire et courir se coupait? Et si…

Il renifla et s’essuya le visage. Il s’agenouilla devant le cadre et le contempla un long moment.

« Je suis content que tu aies bien, Vincenzo. Je suis content. Tu mérites d’être bien avec ta famille. Tes potes. "

Il soupira lourdement et se mit en charge de ramasser les éclats, un à un. Tant pis s’il se coupait.

Tant pis pour tout.

« Va rejoindre Nessa, Enzo. Va rejoindre tes potes, s’il-te-plait. Comment ils s’appellent déjà? Comment ils s’appellent? Gino et Miquele, que tu m’a dit? C’est ça? Tu sera mieux avec eux. Tu n’as pas besoin de moi. Tu n’as pas du tout besoin de moi dans ta vie, tu vas finir par me le dire honnêtement un jour et me laisser à nouveau tout seul. »

Il inspira un grand coup.

« Sors, s’il-te-plait. J’ai besoin d’être tranquille, là. »
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MessageSujet: Re: Rebirth • 2019, may   Rebirth • 2019, may EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:54

Il n'y a rien de grand. Rien d'honorable non plus. C'est juste lâche, et minable. Et il en portera la marque jusqu'à la fin de ses jours. Pas seulement sur son poignet, mais dans un coin de son esprit. Dans le regard et les larmes de Nessa. Dans le son diffus de la voix d'Ali qui lui parlait en italien. Dans le souvenir éblouissant de cette chambre d'hôpital immaculé qui marque encore sa rétine, parfois, quand il ferme les yeux la nuit. Avant que la noirceur de cette nuit à Rome ne prenne le relai. Est-ce qu'il lui pardonnera un jour ? Est-ce qu'il se pardonnera un jour ? Rien n'est moins sûr, et ça le terrifie. Mais pour une fois dans sa vie, il ne fuit pas. Il reste là, près du pianiste, tendant peut-être le bâton pour se faire battre, attendant le moment où il le repoussera violemment. Est-ce qu'il mérite mieux ? Il n'en sait rien. Une part de lui espère que oui. Et une autre l'enterre davantage sous le poids de sa lâcheté.

Et le silence d'Ali l'alourdit encore. Il ne dit rien, s'écarte de lui, et un sentiment de rejet diffus l'étreint. Incapable de décider de la conduite à tenir, il le regarde ramasser le portrait brisé, l'observer longuement, avec la sensation collante d'être intrus à la scène.

« Je suis content que tu ailles bien, Vincenzo. Je suis content. Tu mérites d’être bien avec ta famille. Tes potes. »

Un adieu. Ca sonne comme un adieu. Et ça le tue. Il ne veut pas partir. Pas maintenant. Pas alors qu'il a la sensation que ce serait la dernière fois, s'il passait la porte dans l'autre sens à cet instant. Et Ali s'agenouille pour ramasser les éclats de verre, et il l'imagine un instant se couper et...

Il réalise à peine qu'il est venu s'agenouiller à son tour, l'aider à ramasser les éclats, comme il avait prévu de le faire à l'origine. Il réalise à peine qu'il se trouve si près de l'autre, qu'il en entend parfaitement la respiration lourde, et pressent la reprise de parole avant qu'il n'ouvre la bouche.

« Va rejoindre Nessa, Enzo. Va rejoindre tes potes, s’il-te-plait. Comment ils s’appellent déjà? Comment ils s’appellent? Gino et Miquele, que tu m’as dit? C’est ça? Tu seras mieux avec eux. Tu n’as pas besoin de moi. Tu n’as pas du tout besoin de moi dans ta vie, tu vas finir par me le dire honnêtement un jour et me laisser à nouveau tout seul. »

Un coup de poignard en plein coeur.
Il a cessé de respirer, le souffle comme coupé sous l'impact des mots qu'il assène. Il fallait sans doute que ça sorte, à un moment ou à un autre, et au fond, l'attaque est légitime. Mais ça n'enlève rien à la blessure.

« Sors, s’il-te-plait. J’ai besoin d’être tranquille, là.
- Non. »

Il se surprend lui-même, s'entend presque répondre comme s'il n'appartenait plus à son propre corps. Comme si quelqu'un d'autre avait pris les rennes et dirigeait ses gestes et sa voix.

« Non, je serai pas mieux avec eux... Je les ai plus revus, tu sais, depuis... Depuis... Et Nessa... T'imagines qu'elle m'accueillerait comment, hein, si je te laissais comme ça pour rentrer la rejoindre ? »

Il a un reniflement amer, comme il se cache encore et toujours derrière sa rouquine de meilleure amie. C'est pourtant bien une fausse excuse. C'est pas par peur des représailles de l'écossaise qu'il reste là, il le sait bien au fond. Alors pourquoi est-ce qu'il ne peut pas le dire, purement et simplement ?

Parce qu'il a peur que l'autre le rejette. Lui ferme la porte au nez. Lui renvoie dans la tronche ce qu'il a fait, là-bas...
C'est déjà le cas, pourtant, non ?

« Je mérite rien du tout. Je sais même pas pourquoi... pourquoi t'es intervenu. Je sais pas pourquoi t'as accepté de continuer à me parler. Je sais juste que... je passe mon temps à checker mon téléphone pour voir si tu m'as répondu. Que je sais que je le mérite pas après... après t'avoir laissé tomber là-bas, et que tu pourrais certainement trouver quelqu'un de plus brave et de plus audacieux, pour parler musique et siffler ton scotch... Mais... »

Il a la gorge nouée, et les larmes aux yeux. Il doit être particulièrement ridicule, là, à déballer des sentiments qui vont lui être renvoyés dans la tronche. Il lui a demandé de partir, après tout.

« Mais j'ai aucune envie que ça soit quelqu'un d'autre. J'ai aucune envie que tu sois plus dans ma vie. Et je partirai pas. Pas comme ça. Va falloir que tu me foutes dehors. Littéralement. Parce que je bougerai pas. Je m'en irai pas. Pas cette fois. »

Ca sonnerait sans doute mieux s'il était pas au bord des larmes. Mais tant pis. Tant pis, il sait bien qu'il est trop sensible, de toute façon. Il a jamais vraiment eu l'intention de jouer les durs, non plus. Ca n'empêche qu'il est bien résolu à rester.

« Non me ne andrò, Ali. Non ti lascerò di nuovo. »

Deux larmes roulent sur ses joues. Il a mal, tout ça lui renvoie sa lâcheté, et la culpabilité qui l'a mené à tenter de mettre fin à ses jours. Mais il voit bien qu'il n'est pas le seul à souffrir, bien loin de là. Et il refuse de donner raison à l'écossais et de le laisser seul, à nouveau.
Ni ce soir, ni demain, ni jamais.
Tant qu'il ne l'attrapera pas par le col pour le jeter dehors, toujours.
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MessageSujet: Re: Rebirth • 2019, may   Rebirth • 2019, may EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:54

Non.

Alastair releva la tête du cadre brisé, un peu confus. Il avait simplement demandé à l’Italien de partir. De le laisser tranquille. Il n’avait pas l’habitude qu’on lui refuse quoi que ce soit. Du moins…quand ce n’était pas son père. Il aurait voulu le traîner jusqu’à la porte. Le faire culbuter dans les escaliers, tiens, jusqu’à la sortie. Qui osait lui dire non? Qui?

Était-ce l’alcool? Était-ce cette conversation surréelle qu’il avait eu, plus tôt dans la soirée avec Ayo? Ou le manque de coke? Il se sentait si fatigué… si fatigué de devoir lutter, de s’expliquer, de combattre et de prétendre. Tellement fatigué…

Il entendit l’Italien bredouiller sur ces deux hommes qu’il ne voyait plus. Sur Nessa qui lui ferait la gueule s’il revenait ce soir en le laissant comme ça. ISur le fait qu’il ne le laisserait plus tomber. Jamais. Il vit les larmes couler sur les joues hâlées. Sa colère retomba pour ne laisser que les doutes. Pourquoi s’amusait-il à faire mal aux gens, comme ça? Sa mère lui avait souvent poser la question. Il n’avait jamais su quoi y répondre. Pourquoi ces accès de colère? Pourquoi ces accusations d’abandon?

Pourquoi tous ces mensonges hein? Pourquoi?

Il laissa tomber un morceau de verre sur le cadre et regarda un moment ses mains. Elles étaient encore intactes. Du moins pour le moment. Il avança la main essuya les larmes du bout des doigts, consciencieusement, le plus doucement possible. Combien de fois l’avait-il fait avec Ayo à la fin d’un trimestre éprouvant? Il se souvenait encore de cette soirée, où le journaliste les avaient coincés, juste avant d’entrer dans l’hôtel. Les larmes avaient coulé aussi, ce soir-là. Aucun commentaire. C’est tout ce qu’il avait pu répondre. Ayo était à son bras et il s’était contenté de fuir au lieu de se rebeller contre les propos racistes de son père qui étaient étalés là, devant la fille qu’il aimait.

Et Merwan. Il avait lâché Merwan aussi, non? Qui était-il pour jeter la pierre?

Le jeune homme laissa tomber mollement son bras pour contempler le visage de l’autre, en face de lui. Ils étaient là, assis par terre, entre les portraits et les canapés luxueux, à même le tapis du living-room. Comme deux mômes essouflés par leur mauvais coups, lors d’un pyjama-party. La radio à l’étage jouait toujours. Un truc ennuyeux dont les gens raffolaient, ces temps-ci. Il resta un moment silencieux, à écouter d’une oreille. Puis, il secoua la tête et ramassa son verre, sur la table basse.

« Tu… tu veux que j’avoue un truc? Moi aussi, j’attends tes réponses comme un débile. Je… je sais pas quoi faire. J’aurais envie de te haïr mais j’y arrive pas. J’y arrive pas. »

Il se mordit la lèvre. Il aurait pu déballer un tas de trucs judiciaire sur la non-assistance d’une personne en danger. Paraître clinique. Paraître froid. Au-dessus de tout. Mais il n’y arrivait pas. Pas quand ces yeux en amandes étaient là, rougis par les larmes, si proches des siens. Il haussa les épaules et fit un sourire penaud.

« J’y arrive pas, Enzo. Je repense à cette putain de nuit et maintenant… ouais maintenant j’arrive à imaginer, ce que ça aurait été, le lendemain matin. Si j’avais juste réussi à dire à ces deux c… ces deux hommes d’aller se branler tous seuls dans la chambre d’à côté. C’aurait… c’aurait été cool de me réveiller à côté de toi. Juste nous deux. D’apprendre que tu jouais de la guitare à ce moment-là. Parler un peu de musique avec la main dans tes dreads avant de te dire adieu et de reprendre l’avion. C’aurait été cool. C’aurait fait un beau souvenir de voyage. »

Il prit une autre gorgée de whisky et regarda les petits éclats de verre qu’il restait, sur le tapis. Une connerie. Il suffisait d’une connerie, pour attraper le sida. Une coupure. Une capote oubliée. Ou déchirée. Un rien vraiment. Il balaya une mèche du front du jeune homme en face de lui. Putain que ces dreads lui manquaient.
Et Dieu qu’il avait envie de ces lèvres. Un baiser, juste un. Peut-être pourrait-il passer enfin à autre chose. Oublier cette foutue soirée, cette foutue chambre d’hôtel. Oublier Rome.

Il avança la tête, doucement. L’italien le repousserait-il ? Il entrouvit les lèvres et… s’arrêta net. À l’étage, la musique s’était arrêtée. La radio s’était mise à grincher. @Radio Thunder. Le corps entier d’Alastair se crispa et il tourna la tête vers l’escalier. Allait-on encore parler de lui, ce coup-ci? On ne savait jamais.

Radio-Thunder a écrit:
Si vous pensiez que Vincenzo vit une parfaite idylle avec sa petite-amie, sachez que vous vous trompez fortement ! Nous avons ouïe dire qu'ils ne partageraient leur lit que pour dormir et rien d'autre. Vincenzo souffrait-il de problème d'impuissance ? À moins qu'il ne soit pas vraiment en couple avec sa dulcinée et que tout ceci ne soit en réalité qu'une couverture pour tenter de dissimuler une vérité bien moins glorieuse ? Nous n'en savons pas plus pour l'instant, mais ça ne serait tarder.


Alastair ouvrit grand les yeux… Putain de radio. Des semi-vérités enterrées sous un paquet de balivernes que personne… PERSONNE ne prenait au sérieux. Pourquoi la sueur coulait-elle dans son dos? La radio semblait l’avoir complètement oublié, depuis cette soirée caritative. Tant mieux… le reste… le reste n’était que des sottises. Vincenzo, impuissant?!

Il éclata de rire et se laissa tomber sur le tapis, en roulant sur le dos, en ricanant toujours, incapable de s’arrêter. Il s’essuya les yeux et réussit à articuler d’autres conneries, entre deux hoquets de rire.

« Tu crois qu’il va te falloir des petites pilules bleues, Vincenzo Mancini? Hein? Mon père en a toujours. Toujours. Pour se taper ses secrétaires… Je te conseille pas de surdoser, mate. Il y a trois… trois ou quatre ans… Il y avait ce bar underground et… ma fian… enfin j’étais libre pour la soirée et je voulais m’éclater un peu avec cet Adonis, sur Grin… sur Grindr. Alors j’ai chippé… j’ai chippé celles de mon père. J’en ai pris… je ne sais plus. Oh putain… la Gaule. La Gaule! J’ai… j’ai cru un bon moment que ça ne redescendrait jamais, que ça allait casser en deux et qu’il faudrait me la couper… la trouille du siècle… »

Le jeune homme rigola encore le regard rivé au plafond. Il tourna la tête vers l’Italien et lui fit un clin d’œil amusé avant de s’humecter les lèvres.

« Il me reste pas beaucoup de souvenirs. Juste des brides, tu sais. Mais je me souviens très bien, moi, que tu n’avais vraiment aucun problème de côté-là, Enzo. »
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MessageSujet: Re: Rebirth • 2019, may   Rebirth • 2019, may EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:58

Il a l'air perdu. Dans l'incompréhension totale. Et Vince se demande un instant à quoi c'est dû, s'il a parlé en italien dans la confusion du moment, peut-être trop vite, ou... ou quoi ?... Les mains de l'anglais ont lâché le cadre, pour venir essuyer les larmes sur ses joues. Le peintre réprime un hoquet de surprise, submergé par la honte de se laisser aller ainsi, autant que par l'emballement de son coeur sous le coup de ce simple contact, empli d'une tendresse infinie à laquelle il ne se serait pas attendu. Et Ali a attrapé son verre, et il s'est raccroché au sien aussi, pour se donner une contenance plus qu'autre chose. Il ne devrait même pas y toucher, pourtant le liquide ambré brûlant sa gorge le soulage grandement.

« Tu… tu veux que j’avoue un truc? Moi aussi, j’attends tes réponses comme un débile. Je… je sais pas quoi faire. J’aurais envie de te haïr mais j’y arrive pas. J’y arrive pas. »

J'aurais envie de te haïr. Ca lui fait mal, et pourtant, il sait bien qu'il ne mérite pas mieux que ça. Pourtant... Pourtant Ali n'y arrive pas. Et son coeur s'emballe davantage encore, au creux de sa poitrine.

« J’y arrive pas, Enzo. Je repense à cette putain de nuit et maintenant… ouais maintenant j’arrive à imaginer, ce que ça aurait été, le lendemain matin. Si j’avais juste réussi à dire à ces deux c… ces deux hommes d’aller se branler tous seuls dans la chambre d’à côté. C’aurait… c’aurait été cool de me réveiller à côté de toi. Juste nous deux. D’apprendre que tu jouais de la guitare à ce moment-là. Parler un peu de musique avec la main dans tes dreads avant de te dire adieu et de reprendre l’avion. C’aurait été cool. C’aurait fait un beau souvenir de voyage. »

Oh qu'il l'a imaginé, lui aussi, des dizaines, des centaines de fois, ce que ça aurait pu être, s'il avait juste eu le courage de dire non ! Qu'il est resté rongé par la culpabilité, de ne l'avoir pas fait ! Et en même temps... En même temps, il serait resté un beau souvenir de voyage, ouais. Juste ça, un souvenir. Et il n'aurait pas toutes ces discussions sur les réseaux, avec l'espoir de les poursuivre une fois ou deux en face à face, autour d'une bière ou d'un café quelque part, parce qu'à distance, il est persuadé que le contact se serait perdu. Il ne l'aurait sans doute pas oublié, et aurait gardé le goût amer des regrets.

Et il n'y aurait pas cette main retirant une mèche collée à son front, là, ni ces lèvres qui se rapprochent irrésistiblement des siennes. Dio qu'il en meurt d'envie ! Est-ce qu'il a le droit de se laisser aller, de suivre le mouvement, et de laisser sa bouche caresser la sienne ?

La radio à l'étage s'est arrêté, et le temps jusque-là comme suspendu a repris son cours, presque de façon accélérée. L'ambiance devient instantanément électrique, et il faut quelques secondes à Enzo pour comprendre ce dont il s'agit. Et son nom retentit depuis le couloir vide et son sang se glace instantanément.

Si vous pensiez que Vincenzo vit une parfaite idylle avec sa petite-amie, sachez que vous vous trompez fortement ! Nous avons ouïe dire qu'ils ne partageraient leur lit que pour dormir et rien d'autre. Vincenzo souffrait-il de problème d'impuissance ? À moins qu'il ne soit pas vraiment en couple avec sa dulcinée et que tout ceci ne soit en réalité qu'une couverture pour tenter de dissimuler une vérité bien moins glorieuse ? Nous n'en savons pas plus pour l'instant, mais ça ne serait tarder.

Il a blêmi, l'italien, immédiatement. Juste avant que le rire d'Ali ne retentisse dans la pièce et qu'il ne meure de honte. L'instant d'avant, toute couleur avait quitté son visage. A présent, mortifié, il est devenu écarlate, tandis que le pianiste débite ses anecdotes qui n'atténuent pas un instant son embarras, bien au contraire.

« Tu crois qu’il va te falloir des petites pilules bleues, Vincenzo Mancini? Hein? Mon père en a toujours. Toujours. Pour se taper ses secrétaires… Je te conseille pas de surdoser, mate. Il y a trois… trois ou quatre ans… Il y avait ce bar underground et… ma fian… »

Tétanisé par la honte, Vince ne sait ni quoi répondre, ni quoi faire. Et mais attendez... Il allait bien dire fiancée ?

« enfin j’étais libre pour la soirée et je voulais m’éclater un peu avec cet Adonis, sur Grin… sur Grindr. Alors j’ai chippé… j’ai chippé celles de mon père. J’en ai pris… je ne sais plus. Oh putain… la Gaule. La Gaule! J’ai… j’ai cru un bon moment que ça ne redescendrait jamais, que ça allait casser en deux et qu’il faudrait me la couper… la trouille du siècle… »

La surprise s'estompe un peu, l'embarras devient supportable, et son esprit recolle les morceaux de l'anecdote relatée par son hôte. Surdosage de viagra... Mais quelle idée aussi ! Le ridicule de la scène qui s'impose à son esprit comme il l'imagine sans doute un peu trop visuellement le fait sourire, et celui de son interlocuteur, assorti de ce clin d'oeil à tomber, le décoince un peu.

« Il me reste pas beaucoup de souvenirs. Juste des brides, tu sais. Mais je me souviens très bien, moi, que tu n’avais vraiment aucun problème de côté-là, Enzo. »

Il esquisse un sourire, et sans vraiment réfléchir cette fois, se rapproche et se penche presque au-dessus du corps de l'autre. En appui sur un bras, le visage proche de celui de l'anglais, il plonge son regard dans celui d'Ali.

« J'ai pas tout en tête non plus mais... Mais ça aurait été difficile de faire autrement... Comment tu voulais que je reste de marbre, moi ? »

Alors qu'il avait ce corps-là, tout contre lui ? Hésitante, sa main cherche à passer sous sa chemise, à retrouver le contact de sa peau blanche. Comme cette nuit, à Rome, avant que les autres ne viennent tout gâcher.

« Comment tu veux que je reste insensible ? »

Ce soir, comme il y a deux ans. Comment pourrait-il rester stoïque, quand ces lèvres-là ne demandent qu'à toucher les siennes, qu'à goûter sa peau ? Quand ces prunelles se perdent encore dans les siennes, comme cherchant à sonder le fond de son âme. Oh ! Il est loin d'être serein, il flippe de blesser l'autre, d'aller trop vite, de forcer les choses. Pourtant son corps parle pour lui, et le désir qui brûle au fond de son regard olive aussi.
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MessageSujet: Re: Rebirth • 2019, may   Rebirth • 2019, may EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:58

« J'ai pas tout en tête non plus mais... Mais ça aurait été difficile de faire autrement... Comment tu voulais que je reste de marbre, moi ? »

Ce corps juste au-dessus du sien. Ces lèvres charnues, haletantes, toutes proches des siennes et ces grands yeux en amandes plongés dans les siens. Cette subtile odeur de musc qui flottait dans l’air et qui lui rappelait sa main qui glissait sur ce corps brun en sueur, sur la piste de danse. Combien de fois en avait-il rêvé? Alastair ne les comptait plus. Dans ces rêveries, ils étaient encore dans cette foutue chambre d’hôtel, juste tous les deux, avec ces lumières pourpres qui passaient au travers des stores de papier maché de la chambre. Où était-ce la couleur de la pièce? Il ne savait plus.

Il ne savait vraiment plus.
Était-ce important, là, maintenant?

Il sentit une main timide se glisser dans son dos et un frisson de plaisir lui parcourut le corps. Depuis combien de temps ne l’avait-on pas touché, comme ça ? Des mois. Presqu’un an. Et encore… Il se mordit la lèvre. Vincenzo avait-il sentit les côtes qui tendaient sa peau, à présent? Il était loin, si loin, ce resplendissant petit prince blond à la peau dorée et au physique du parfait surfeur qui était entré dans ce bar à Rome, deux ans plus tôt. Si loin… Est-ce que Vincenzo voulait encore de lui, avec ses joues creuses blafardes, ses cheveux noirs et la peau sur les os ?

Ou était-ce seulement la culpabilité ?

Alastair s’aperçut qu’il respirait trop vite et inspira un grand coup. Depuis quand perdait-il son calme ainsi ? D’habitude, c’était lui qui dirigeait la danse. C’était lui qui menait le rythme, qui mettait ses amants au supplice. À cette torture qu’il ressentait juste là, dans sa poitrine et son bas-ventre. Il avança doucement la main et caressa la lèvre inférieure de l’autre du pouce. Dieu qu’il avait envie de l’embrasser. De l’attirer contre lui et de sentir tous les torts de cette putain de radio contre sa cuisse. De le prendre par la main et de l’emmener à l’étage, sans aucune question, avec toute l’insouciance dont il avait fait preuve par le passé. D’effeuiller ce corps docile et parfait, suintant de timidité et de douceur, petit à petit, de ces couches de vêtements trop peu flatteuses, en prenant tout son temps. Le déshabiller et l’explorer, avec ses courbes et ses arêtes aigues, comme un sculpteur qui pétrissait, peu à peu sa pièce d’argile pour en faire une œuvre d’art. L'emmener lentement à son apogée.


Était-ce ce qui l’attirait tant, chez l’Italien ? Cette malléabilité ?
Peut-être.

Il glissa sa main dans la crinière sombre et épaisse. Trop courte, maintenant. Trop sage. Il colla son front contre celui de l’italien, en baissant le regard et frotta son nez, avec tendresse, contre le sien. Il pouvait sentir le souffle chaud, contre sa joue, engorgé de cette odeur de tourbe fumée d’alcool. Ces lèvres humides si proches…

« Pourquoi t’as coupé tes dreads, Enzo ? Pourquoi ? T’étais si beau… t’es… t’es encore si beau, maintenant… »

Il agrippa la nuque de l’italien et pressa davantage son front contre la peau toute chaude et moite et ferma les yeux. Il était incapable de le regarder, à présent. Il avala lentement sa salive.

« Il faut que tu m’écoutes, okay Enzo ? Jusque… Jusqu’au bout. Ti voglio bene. Ti voglio bene, bordel. Je… je t’aime beaucoup… beaucoup okay ? Il faut… il faut que tu m’écoutes. On peut pas faire ça. On peut pas. Je ne peux pas te faire ça. J’ai… j’ai vu tes cahiers, dans le hangar. Je les ai lus. Je… je suis malade, okay ? Je suis malade, on va dire ça comme ça, d’accord ? Mais ça n’a rien à voir avec toi ni avec ce qui s’est passé. J’ai… je ne compte plus le nombre de mecs avec qui j’ai baisé. Ça aurait pû être n’importe qui. N’importe quand. Je n’ai pas fait attention. Je ne peux pas te faire ça. Pas à toi. »
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MessageSujet: Re: Rebirth • 2019, may   Rebirth • 2019, may EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:58

Comment aurait-il pu rester de marbre, vraiment ? A Rome, comme ce soir, d'ailleurs... Ce corps juste sous le sien, si près, si chaud. Ce regard pénétrant, plongé dans le sien, comme s'il cherchait à sonder son âme. L'envie de goûter les lèvres, d'effleurer la peau des siennes, bien davantage encore que de ses doigts hésitants. Ses doigts fébriles, qui sentent les os, là, sous la peau fine. Si maigre. Il l'a bien vu, lui, que l'anglais a changé. Il n'y a pas que ces mèches noires remplaçant les boucles blondes. Il y a les cernes sous ses yeux, les pommettes plus saillantes, la silhouette plus fine, plus pâle.

Plus maladive, sans doute.

Il le sait, au fond, que ce n'est pas dû à autre chose que ça. Mais il l'occulte, sur l'instant, refuse d'y penser. Parce que ça laisserait place à la culpabilité, celle qui le ronge, toujours, un peu, au plus profond de son être. Malgré les conversations infinies concernant la musique, malgré les messages intempestifs et les regards passionnés. Malgré les silences, aussi, et tout ce qu'il garde au fond de lui. Son doigt sur ses lèvres la réduit au silence, pour quelques minutes encore. Son front collé en sien, et l'arrête de son nez caressant doucement la sienne musellent les sombres remords qui l'assaillent encore, souvent, malgré les antidépresseurs et les séances de thérapie. Dio ! Qu'il a envie de l'embrasser, et goûter sa peau, encore, et d'en arpenter chaque parcelle de ses mains !

« Pourquoi t’as coupé tes dreads, Enzo ? Pourquoi ? T’étais si beau… t’es… t’es encore si beau, maintenant… »

Ses dreads. Ses dreads représentaient trop Rome, et cette nuit fatidique. Il ne supportait plus son reflet dans le miroir, refusait de faire face à celui qui avait lâchement abandonné l'étranger dans cette chambre d'hôtel sordide. Faire table rase du passé. Comme si couper les longueurs de sa chevelure pouvait effacer les souvenirs honteux. Il retient son souffle un instant, incapable de répondre réellement à cette question. Pourquoi ? Pour expier sa faute, peut-être. Même si le résultat n'a pas été très concluant. Il cherche ses mots, encore, sans parvenir à les choisir. Ali trouve les siens bien plus rapidement, à l'évidence, et il écoute l'aveu, soudain figé.

« Il faut que tu m’écoutes, okay Enzo ? Jusque… Jusqu’au bout. Ti voglio bene. Ti voglio bene, bordel. Je… je t’aime beaucoup… beaucoup okay ? Il faut… il faut que tu m’écoutes. On peut pas faire ça. On peut pas. Je ne peux pas te faire ça. J’ai… j’ai vu tes cahiers, dans le hangar. Je les ai lus. Je… je suis malade, okay ? Je suis malade, on va dire ça comme ça, d’accord ? Mais ça n’a rien à voir avec toi ni avec ce qui s’est passé. J’ai… je ne compte plus le nombre de mecs avec qui j’ai baisé. Ça aurait pû être n’importe qui. N’importe quand. Je n’ai pas fait attention. Je ne peux pas te faire ça. Pas à toi. »

Ti voglio bene.
Ti voglio tanto !
Oh ! Qu'il a envie de lui, lui aussi. Laisser parler les corps, et faire taire leurs cerveaux, pour une fois, pour ce soir, enfin. Mais il n'en est pas capable, pas alors que l'inquiétude et la culpabilité se rappellent à lui dans l'instant où le britannique a repris la parole. Il l'écoute, jusqu'au bout, oui, comme il le lui a demandé. Pourtant ses pensées s'emmêlent et l'accusent, quoi qu'il dise.

« Pas à moi ? »

Il entend à peine sa propre voix, perdue dans un souffle rageur.

« Pas à moi ? Mais Ali, d'où je mériterais un traitement de faveur ? Je t'ai laissé dans cette chambre tout seul... Je suis parti sans me retourner, j'ai fui comme un lâche... Et j'ai rien dit, bordel, j'ai rien dit, quand ils se sont incrustés. J'ai rien dit quand vous avez commencé... Alors que je savais... Je savais qu'il était malade aussi. Je savais et j'ai rien dit. C'est peut-être pas ce soir-là, tu crois ? Moi je crois que si. Et c'est ma faute. Alors non, je mérite pas vraiment mieux, en réalité... »

Il a reculé son visage, s'est redressé de quelques centimètres seulement pourtant, les larmes aux yeux, et c'est comme si un froid glacial s'était engouffré entre eux.

« Et pourtant je risque pas grand chose, tu vois ? Parce que je... je fais pas ça comme ça... j'ai toujours... toujours ce qu'il faut. Et je suis sous PreP depuis deux ans maintenant... »

La honte et la culpabilité, encore et toujours. Il ne risque pas grand chose, il a toujours fait en sorte de prendre les précautions nécessaires. Comment a-t-il pu laisser l'autre prendre de tels risques, il y a deux ans, hein ? Deux ans. Deux ans... Deux ans de trithérapie, ou presque... Pourquoi Ali n'était-il pas indétectable, alors ? Pourquoi parlait-il encore de transmettre la maladie ?

« Anch'io ti voglio... Ti voglio tanto, tanto bene... »

Ca n'est pas raisonnable, il risque de le regretter. Pas qu'il craigne la transmission, non, pas vraiment. D'une part, parce qu'il est sincère lorsqu'il énonce les précautions qu'il a toujours prises, d'autre part parce qu'il aurait très certainement tendance à penser que Dieu l'avait puni, s'il finissait par être infecté à son tour. Qu'il n'avait que ce qu'il méritait. Non, ça n'a rien à voire avec ça : il craint les regrets, par peur d'avoir forcé la main de l'autre, par peur de le blesser davantage encore que cette nuit-là, à Rome. Ca n'est pas raisonnable, ni sensé, et pourtant ses gestes n'écoutent plus la raison. Les centimètres entre eux se trouvent à nouveau comblés, ses lèvres viennent chercher les siennes, presque timidement. Et s'il essuyait un refus, physique cette fois ? Ali vient bien de lui dire qu'il ne pouvait pas faire ça, n'est-ce pas ?
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MessageSujet: Re: Rebirth • 2019, may   Rebirth • 2019, may EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:59

13 août 2018

« Est-ce que…que vous avez quelqu’un qui peut venir vous chercher, Harold ? Quelqu’un à qui vous pouvez parler? »

L’infirmière en face de lui avait répété la question d’un ton doux et professionnel. Il s’était levé, en faisant tomber la chaise et avait reculé, jusque dans le fond du bureau, les yeux rivés sur les résultats. Il avait froid tout d’un coup, si froid.

Comme si on était en plein mois de Janvier. Comme si la mort s’était déjà insinuée en lui.

Il s’était mis à trembler en secouant la tête et en tournant en rond. L’infirmière parlait. Elle lui disait que le médecin voulait le voir. Elle lui demandait qui elle pouvait appeler. Elle lui parlait du numéro de contact, dans son dossier médical, à la Royal Infirmary. Le numéro du cabinet de son père, à Londres. Il était resté là, à la dévisager, comme un con, la terreur dans les yeux. Puis sans réfléchir, il avait tout poussé sur son passage pour sortir du bureau. Et il avait couru et couru, à travers des corridors de l’hôpital. Comme un condamné à mort cherchant sa porte de sortie.

Il s’était retrouvé à Prince’s Gardens, au dessous du château, sous la pluie, sans trop savoir comment, en face des rames de tramway qui traversait la verdure et il s’était effondré, en boule, à sangloter à côté des rails.

**

« Pas à moi ? »

Alastair releva la tête, en silence, pour écouter la diatribe qui allait suivre. Encore ce putain flot de culpabilité qui lui donnait la nausée. Il resta un moment, à regarder le beau visage brun se tordre dans un énième méa culpa. Puis, avouer d’une voix suppliante que lui se protégeait.

Une onde de honte surmergea l’anglais. Qui, de nos jours ne prenait pas la PreP, quand on était du milieu, hein, qui ? Il les avait enmtendu, ces homos parfaitement assumés en parler à voix haute dans le metro et sur les plateformes virtuelles de rencontres où il naviguait lui-même en anonyme. Qui était assez con pour utiliser un préservatif maintenant que ce truc existait ? Parler de latex revenait presqu’à se faire dévisager, comme si toutes les MTS avaient disparues… Ils suffisaient de se faire tester souvent et d’avaler des antibiotiques pour le reste, non ? Et que dire de ceux qui attrapaient encore le Sida, avec ce médicament ? On les pointait du doigt, comme des vauriens. Des cons irréfléchis qui ne devaient s’en prendre qu’à eux-mêmes.*

Il n’y avait aucune raison d’avoir le Sida, en 2019. Aucune.

« Je… Je sais, Enzo. Je sais. Nessa me l’a dit. Tu fais attention, toi. Et… et c’est bien. On était quatre, Enzo, dans cette chambre. Quatre… quat…adultes… consentants. J’aurais… j’aurais dû dire non. C’est tout. Non. Ils seraient partis. Mais je ne l’ai pas fait. Et… et eux… ils ont pas pigé qu’on voulait juste être nous deux et que j’étais pas à l’aise. Ils le savaient aussi… et…. Et ils n’ont rien dit non plus. L’autre n’a rien dit à propos de son pote malade. Et j’étais trop bourré, j’étais trop défoncé et… et ils étaient trop bourrés et défoncés, bordel, pour que ça se passe autrement. »


Le jeune homme déglutit.

« Moi, je… je pouvais pas me permettre de prendre ce truc. Le PreP. Je… ne pouvais pas me le permettre, tu… tu comprends ? »

Est-ce que Vincenzo comprenait ce qu’il voulait dire ? Probablement pas. Ils étaient affalés, tous les deux, sur un tapis persan qui devait valoir des milliers de livres à lui tout seul. Le whisky, dans sa carafe devait coûter un mois de loyer. Sans parler du reste. Et il ne pouvait pas se permettre un médicament qui leur aurait épargné bien des tracas, à tous les deux...

« Anch'io ti voglio... Ti voglio tanto, tanto bene... »

Cela prit quelques secondes. Quelques secondes pour déchiffrer ces syllables chantantes, au travers de son esprit embrumé. Un souffle passionné qui lui avait emballé le coeur. Il avait entrouvert les lèvres, hébété… et celles de Vincenzo étaient venues les rejoindre.

Timidement.

Avec une telle douceur qu’il en était déstabilisé. L’avait-on jamais embrassé comme ça? Alastair ne savait plus. Ses expériences des dernières années se limitaient aux échanges torrides où tout était consumé dans la seconde. Aux pelles bien roulées où la langue de l’autre lui avait déjà exploré le gosier sitôt la bouche ouverte, comme si c’était le seul gage de désir possible.

Leurs lèvres s’effleuraient à peine pour se séparer et se réunir à nouveau. Ils étaient là, haletant tous les deux, à se jauger du regard, comme si chaque geste allait briser l’autre en mille morceaux. Les lèvres de Vincenzo goûtaient la tourbe fumée. L’arête de la machoire, mal rasée, lui picotaient les lippes et les cils, sur sa bouche étaient salés et les veines, sans le cou étaient saillantes. Ce fut à son tour de passer la main sous le T-shirt usé et de sentir les muscles du ventre sous ses doigts. Cette peau chaude et sombre dont il avait tant rêvé, malgré lui. Sa main se crispa sur le T-shirt et le souleva doucement, avec précautions, par dessus la tête. Il voulait le voir torse nu. Il voulait revoir ces tatouages qui avait allumé son regard. Vérifier s'il y en avait de nouveau. Il glissa le nez dans le creux de la clavicule et huma l'odeur avant d'enfouir dans le cou de l’Italien. Il s’arrêta un moment pour reprendre son souffle.

Distraitement, il passa la main sur la chaîne que portait l’italien et approcha le petit cadenas de son visage, pour mieux l’observer. Un cadenas tout con. Il l’avait remarqué, à Rome, lorsqu’il l’avait vu, sur la piste de danse. Était-ce parce qu’il était déjà sous le charme ou par simple défi? Il s’était dit que ce cadenas-là siègerait sur la table de nuit au petit matin et qu’il repartirait en Angleterre avec une partie de ce qu’il enfermait. Stupide arrogance.

Il caressa doucement le bijou improvisé et glissa son doigt le long de l’encre qui parcourait les bras de l’autre jusqu’à l’ancre brisée, à son poignet. La cicatrice était encore un peu boursouflée et défigurait à present le tatouage. Alastair prit doucement le poignet et y porta ses lèvres.

"On était quatre, Vincenzo. Quatre putains d'hommes adultes et consentants. C'aurait pu être toi. C'aurait pu être toi, avec leurs mains poisseu..."

Il s'arrêta un moment, secoué d'un frisson. Il secoua la tête et crispa la main dans sa chevelure, un instant. Il grelottait maintenant, comme dans le putain de bureau de l'infirmière, presqu'un an plus tôt. Il ferma les yeux et inspira, une fois, deux fois. Ça calmait tout ça, normalement. Ça calmait...

"Tu... tu veux vraiment de moi? Même... Même avec ça? Même si j'ai l'air d'un croque-mort, maintenant?"
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MessageSujet: Re: Rebirth • 2019, may   Rebirth • 2019, may EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:59

Il n'a évidemment aucune idée de ce qu'a vécu l'anglais. Ou plus exactement, il ne peut qu'imaginer, et sans doute que ses élucubrations resteraient loin de la vérité. En bien ou en mal, d'ailleurs. Et à cet instant, alors qu'il se perd dans ses pensées coupables, sans doute qu'il imaginerait pire encore que la vérité, pourtant déjà bien morne.

La solitude. Il sait ce que c'est, lui aussi, au fond. Il vit avec depuis toujours, ou presque. Pour des raisons différentes, certes, mais il n'empêche. Elle explique son mal-être général, et pourquoi il s'est raccroché à ces types, qui semblaient l'accepter, eux au moins. Ces types qui n'ont pourtant pas tellement cherché à renouer contact après cette nuit fatidique, comme si leur relation n'avait jamais eu pour but que de le faire rameuter un beau gosse... Il n'en a pas donné non plus, de nouvelle, et peut-être qu'eux aussi, aujourd'hui, s'en veulent et regrettent. Ou peut-être qu'ils ont eu ce qu'ils voulaient et n'en ont plus rien à battre.

Peut-être qu'au fond, il s'en doutait. Peut-être que c'est un peu pour ça qu'il se protégeait aussi bien, plutôt deux fois qu'une même. Peut-être qu'il n'a fait que se voiler la face pendant des mois. Des années.

« Je… Je sais, Enzo. Je sais. Nessa me l’a dit. Tu fais attention, toi. Et… et c’est bien. »

Pourquoi en a-t-il tellement honte, alors ?

« On était quatre, Enzo, dans cette chambre. Quatre… quat…adultes… consentants. J’aurais… j’aurais dû dire non. C’est tout. Non. Ils seraient partis. Mais je ne l’ai pas fait. Et… et eux… ils ont pas pigé qu’on voulait juste être nous deux et que j’étais pas à l’aise. Ils le savaient aussi… et…. Et ils n’ont rien dit non plus. L’autre n’a rien dit à propos de son pote malade. Et j’étais trop bourré, j’étais trop défoncé et… et ils étaient trop bourrés et défoncés, bordel, pour que ça se passe autrement. »

Un fatalisme violent qui le rend malade. Ca ne pouvait pas se passer autrement ? Vraiment ? Non... Non ça il refuse de le croire. Et s'il pouvait revenir en arrière, il le ferait. Il dirait non. Il empêcherait Ali de choper la maladie à cause de ces mecs qu'il avait cru être ses amis.

« Moi, je… je pouvais pas me permettre de prendre ce truc. Le PreP. Je… ne pouvais pas me le permettre, tu… tu comprends ? »

Il n'est pas certain de bien comprendre. Il voit bien qu'il n'est pas vraiment question d'argent, pas que. Tout ici respire l'opulence. Alors le traitement ne grèverait pas vraiment le budget général. Mais pourquoi, alors, ne pouvait-il pas se le permettre ? Il sait bien, l'italien, que sa relation avec sa famille est compliquée, mais il n'est pas en mesure d'appréhender l'ensemble. Mais il regrette, il regrette tellement de n'avoir rien dit. De n'être pas resté ensuite. Ne pas l'avoir soutenu.

Alors il est là, ce soir, et la maladie ne l'empêchera pas de rester près de lui. Ni elle, ni ce message cryptique concernant un enfant dont il ignore tout. Il est là, et il laisse parler son corps autant que son coeur, pour la première fois depuis des mois, des années pour l'un, toute sa vie peut-être pour l'autre. Ses lèvres se sont posées sur celles de l'héritier britannique sous lui, timidement, tendrement. Avec cette crainte latente de lui faire du mal ou d'être repoussé. Mais les lèvres ont rejoint les siennes à peine les a-t-il quittées, une fois, puis deux, avant de longer l'arrête de sa mâchoire, remonter jusqu'à ses paupières instantanément closes, puis son cou.

Un frisson lui parcourt l'échine, plus intense encore quand les mains d'Ali se fraient un passage sous son t-shirt. Il retient son souffle, cherche un instant encore un baiser avant que son haut ne finisse au sol derrière lui, sent la chaleur de son regard sur son torse, ses tatouages. Et son visage se lover dans son cou. Ses bras se referment autour de ses épaules, le serrent contre lui, comme s'il craignait de le voir disparaître. Et il sent les doigts se refermer sur sa chaîne et ce cadenas qu'il porte éternellement au cou, arpenter les lignes sombres sur ses bras, jusqu'à cette ancre, et cette cicatrice sur son poignet. Il frémit encore quand un baiser se pose sur son premier tatouage, enfouit à son tour son visage au creux du cou de l'autre à son tour.

« On était quatre, Vincenzo. Quatre putains d'hommes adultes et consentants. C'aurait pu être toi. C'aurait pu être toi, avec leurs mains poisseu... »

Est-ce qu'il s'est rendu compte qu'il a serré l'autre un peu plus fort à cet instant ? Il le sent trembler, comme si le froid s'était insinué dans la pièce, le glaçant jusqu'aux os. Et même leur désir brûlant ne parvient pas à le réchauffer. Pas encore.

« Tu... tu veux vraiment de moi? Même... Même avec ça? Même si j'ai l'air d'un croque-mort, maintenant? »

Il s'est redressé pour croiser à nouveau son regard, plonger ses prunelles olives dans le miroir des siennes. Mais comme toujours, les mots lui manquent. Alors il s'en passe, se contente de prendre le visage de celui qui hante ses nuis entre ses mains, tendrement, ses yeux toujours rivés dans les siens, et hoche doucement la tête. Bien sûr qu'il veut de lui. Bien sûr qu'il a envie de lui. Bien sûr qu'il y a un risque, mais il vient de le dire, il fait attention, et il n'a pas vraiment de raison de croire que cette fois sera différente des autres. Et bien sûr que le Ali qui lui fait face à cet instant n'est plus tout à fait celui d'il y a deux ans. Mais il ne l'aurait pas qualifié ainsi, à aucun moment, et ça n'enlève rien à l'attirance qu'il ressent pour lui.

Alors ses lèvres sont revenues prendre les siennes, plus fougueusement cette fois peut-être. Ses mains longent sa nuque, pour descendre sur son torse, se fraient encore un passage sous la chemise hors de prix, caressant le corps dont il a tellement rêvé. Ses doigts dessinent la ligne de ses abdominaux, glissent dans son dos, l'attirant plus près de lui encore, tandis que sa langue cherche enfin la sienne.

« Tu... »

Une seconde d'hésitation, comme il reprend son souffle, caresse doucement les mèches brunes devant les yeux du pianiste.

« Tu vas pas le regretter, n'est-ce pas ?... »

Un doute qui subsiste, qu'il a besoin de lever avant de laisser son corps prendre le relais sur son esprit. Si seulement pour une fois, il pouvait se mettre en pause. S'il pouvait cesser de réfléchir, de penser en permanence à tout et n'importe quoi. Un nouveau baiser partagé au milieu de ce salon luxueux, et il se redresse, entraîne l'anglais dans le mouvement, caresse encore le corps lové contre le sien, avant de déboutonner un à un les boutons de nacre pour dévoiler la peau pâle et la couvrir de mille baisers.
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Nathanael Keynes
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MessageSujet: Re: Rebirth • 2019, may   Rebirth • 2019, may EmptyLun 2 Sep 2019 - 19:26

Le sel de cette peau tannée sous sa langue. Les plein et les creux des épaules sous ses lèvres. L’encre sinueuse sur le bout de ses doigts, Combien de tatouages Vince avait-il? Chaque morceau de peau dénudé dévoilait un petit chef-d’oeuvre qui n’avait cesse de l’émerveiller. Est-ce que ce taouage sur le bras droit était là, avant? Et celui sur la poitrine? Pourtant, il se souvenait du torse nu de l’Italien, sous les néons violets. La chaine et son cadenas qui brillaient sur la peau sombre, emmêlée dans cette toison discrète qu’il adorait tant. Virilité subtile que démentait l’angoisse et la passion de ses grands yeux olives.


L’angoisse.

« Tu vas pas le regretter, n'est-ce pas ?... »

Toujours l’angoisse.

Le corps à demi soulevé par l’élan de sensualité du méditerranéen, il s’arrêta pour lever un regard noir vers lui, les lèvres crispées. Il recula la tête pour le toiser, les sourcils froncés. Qu’insinuait-il ?


« Pourquoi je regretterais, Enzo? Hein, pourquoi? »

Le fiel emplissait de nouveau sa bouche, acide. Il n’avait rien dit, la dernière fois. Même quand ils s’étaient emparés de lui, tour à tour. Même quand ils avaient un peu forcé. Il s’était laissé faire, comme une poupée de chiffon. Il s’était contenté de sourire.


« Pourquoi? »

Il jeta un regard à la bouteille de whisky presque vide et au verre du cadre, plus loin sur le sol. L’alcool alourdissait amplement déjà son haleine et il n’était pas certain de pouvoir marcher sur une ligne droite. Était-ce cela que craignait l’Italien ? Que l’alcool altère son désir, ses pulsions ?


Que l’éther le pousse dans les bras du premier venu, peut-être, hein ?

L’anglais se leva de peine et de misère. Les portraits grisâtres de ses ancêtres semblaient tournoyer, dans la pénombre, autour de lui. Il baissa le regard vers l’homme à ses pieds. Les jeux de lumières n’étaient plus les mêmes, dans ce salon. La lampe Tiffany, dans le fond de la pièce, jetait son aura lourde et dorée sur les meubles et sur les pommettes du garçon. Elle accentuait les creux. Les coins sombres. Il n’y avait que des teintes sépia, ici et que des ombres.

Trop d’ombres. Trop de non-dits.

Sans un mot, il prit la main d’Enzo dans la sienne et le guida à l’étage.

**

Alastair n’osait pas ouvrir les yeux. Pas tout de suite. Il poussa un gémissement plaintif, malgré lui. Sa tête était trop lourde et son dos lui faisait mal. Ses fesses étaient endolories. Il sentait déjà les futures ecchymoses sur ses bras et ses mollets. L’odeur du sexe flottait encore dans l’air et il se sentait rompu, vulnérable.

Nu.
Comme à Rome.

Il serra un peu plus les paupières et se cacha le visage dans le coussin qui lui servait d’oreiller de fortune. L’odeur empesée de fumée de cigarettes et d’alcool, si familière du bureau de son grand-père parvint jusqu’à lui. Il pouvait sentir les lattes du vieux plancher, sous son ventre nu. Sa tête s’appuyait sur une patte de la table basse. Le tapis d’Orient élimé avait sûrement dû être repoussé sous le bureau, au milieu des ébats.

Il s’était refusé d’emmener Vincenzo dans sa chambre à coucher. La lourde porte de chêne, trop imposante l’angoissait toujours. Le papier peint le déprimait et la coiffeuse, avec son grand miroir lui foutait les jetons. Il se sentait prisonnier, dans ce vieux lit à baldaquin. C’était trop grand. Trop d’espace. Trop d’espace pour que les spectres du passé se glissent entre eux.

Il avait préféré le bureau. Parce qu’avec tous ces vieux meubles et tous ces livres, ces bibelots, on pouvait à peine être deux, là-dedans. À peine. Une troisième personne n’aurait pas pu se joindre à eux. Il s’était cogné de partout, dans sa hâte d’enlever ces foutus jeans qui les encombraient, tous les deux. Il s'était mis à genoux, en tremblant presque devant ce corps qu'il avait trop longtemps fantasmé. Le canapé avait d’abord grincé sous le poids d’Enzo et seuls ses gémissements avaient rompu le silence, pendant un moment. Puis les lèvres d’Alastair étaient revenues chercher les siennes. Ses mains s'étaient replongées dans la crinière sombre, sa langue était revenue chercher celle de l'Italien et il l’avait entrainé avec lui sur le plancher, en le couvrant de baisers. Il avait inspiré très fort et avait posé les jambes sur les épaules de son amant et lui avait carressé les lèvres du pouce, en le regardant droit dans les yeux et en hochant la tête. Il était prêt à acceuillir Vincenzo et ne faire qu'un avec lui.

Sans sourire. Il n’était plus une poupée de chiffon.

Oh non.

**

Il avança avec précaution la main. Il sentait le plancher bois encore chaud, sous sa paume. Alastair avala sa salive et se cacha davantage le visage, dans le coussin.

L'angoisse. L'angoisse de se retrouver seul. Serait-il un bon souvenir d'Écosse, pour l'étranger?


« Vincenzo ? »
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Nathanael Keynes
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MessageSujet: Re: Rebirth • 2019, may   Rebirth • 2019, may EmptyLun 2 Sep 2019 - 19:27

L'angoisse. Malgré le désir et la fièvre s'emparant de lui, un peu plus à chaque caresse, chaque baiser, elle reste là, latente, grandissante, même, et met un instant sur pause l'envie de ne faire qu'un avec lui, enfin. Comme à Rome.

Comme à Rome, leurs corps se réclament et les mots s'oublient. Comme à Rome, ils (re)découvrent la peau de l'autre, s'attardent sur les fresques sur celle de l'un, les arrêtes de celle de l'autre. Et oublient presque le reste du monde.


Mais ce n'est pas Rome, et la lumière chaude de la lampe art nouveau a remplacé le violet électrique des néons. Le cadenas autour de son cou semble avoir pris de l'âge sous l'éclairage sépia et les doigts d'Ali s'y attardent.

L'angoisse, pourtant, subsiste et la question passe les lèvres de l'italien. Les regrets. Ceux qu'ils traînent depuis deux ans, comme un boulet à chacune de leurs chevilles. Et avec eux, viennent la rancoeur et la colère. Il la lit dans son regard, avant que la réplique cinglante ne tranche l'air.

« Pourquoi je regretterais, Enzo? Hein, pourquoi? »

L'italien baisse le regard, comme un enfant pris en faute.

« Pourquoi? »

Ses yeux olive s'attardent sur la bouteille quasiment vide, peinent à revenir chercher ceux du britannique et les mots se mélangent dans son esprit. Il ouvre un instant la bouche mais rien ne sort. L'autre le toise de toute sa hauteur et il se sent presque repoussé, l'espace d'un instant.

Et puis la main de l'anglais est venue chercher la sienne et le guider à l’étage, et il s'est laissé faire, docile et parfaitement consentant.

**

Vince ne connaissait pas les lieux, mais sans doute que la lourde porte, de l'autre côté du couloir, renfermait une pièce plus large que ce petit bureau enfumé où ils peinent à avancer sans heurter un meuble. Il s'en contrefiche, cependant, tout ce qui compte, c'est l'autre face à lui, et le désir brûlant dans leurs prunelles. Il ne dit plus rien, c'est leurs mains qui parlent, explorent les corps, et s'acharnent sur leurs jeans trop serrés pour découvrir l'intimité de l'autre, enfin.

Est-ce qu'il s'est laissé choir ou est-ce qu'Ali l'a repoussé sur le canapé ? Il ne saurait le dire mais est-ce bien important ? Non, sans doute que non. L'inquiétude le gagne un instant comme il lui semble voir son amant trembler. Il n'ose pas lui demander si tout va bien, cette fois, se contente de venir chercher un doux baiser, comme s'il pouvait suffire à le rassurer. Et puis les lèvres de l'anglais sont venues gâter son corps de mille baisers. Enzo a eu toutes les peines du monde à retenir les gémissements de plaisir qu'Ali lui procurait, autant qu'à retenir l'extase qui menaçait à chaque instant de l'emporter. Trop longtemps. Il rêvait de ça depuis beaucoup trop longtemps.

Et puis leurs bouches s'étaient à nouveau unies dans un baiser torride et il avait suivi l'anglais au sol au mépris des heurts de ses membres sur les meubles. Un instant, l'hésitation l'a gagné quand les jambes d'Ali se sont relevées sur ses épaules. Un instant, il s'est arrêté dans son élan, le temps de fouiller son jean à la recherche d'un préservatif. Et puis son regard est resté plongé dans celui du britannique dont les jambes retrouvaient déjà ses épaules, tandis que son pouce caressait doucement ses lèvres. Un regard intense, lourd de toutes les interrogations qui subsistaient, de toute la tendresse et la passion qui les habitaient tous deux, aussi.

Ali a simplement hoché la tête, sans sourire ni se laisser manipuler. Et après deux ans d'attente et de regrets, leurs corps se sont enfin mêlés, au milieu des livres et des bibelots anciens.


**

Les vestiges de leurs ébats restaient abandonnés à quelques centimètres d'eux. Étendu près d'Ali, assoupi après l'acte, terrassé par l'alcool autant que les endorphines, Vince émerge d'un sommeil sans rêve au son du gémissement de son amant. Et l'angoisse est revenue le submerger, instantanément. Un mouvement à son côté, l'anglais se recroqueville contre ce bureau qu'ils ont parfois cogné. Et le sang de l'italien se glace à l'idée de voir ses craintes se réaliser.

« Vincenzo ? »

Il se meut à son tour, enfin, et passe un bras autour du corps de l'autre, vient se lover contre lui.

« Io sono qui. »

Il enfouit son visage au creux du cou de celui qu'il a tellement désiré, ferme les yeux, les doigts serrés sur ceux trop blancs du pianiste. Il est là, cette fois, au réveil, et il n'a aucunement l'intention de disparaître.

« Non me ne andro. »

Pas cette fois.

« Non andrò mai via. »

Plus jamais.
C'est un bien grand mot pourtant, jamais. Mais il a le sentiment d'être on ne peut plus sincère à cet instant et il n'a aucune intention de s'éloigner. Et ses doigts serrent ceux de l'anglais un peu plus fort alors qu'il se blottit davantage contre lui, comme pour confirmer un peu plus sa présence. Le film de la nuit se rejoue à l'envers dans sa tête et boucle sur l'image de ce post instagram à l'origine de sa venue ici. Il posera la question, tout à l'heure, c'est une certitude. Mais pour l'heure, il s'enivre encore un peu de son parfum musqué, savoure la douceur de sa chevelure, le sel de la peau de son épaule, la rudesse de l'arrête de sa mâchoire sous ses lèvres maladroites.

Encore quelques instants de douceur, hors du temps, qu'il vole sans vergogne, pour une fois.
Quelques instants de douceur, avant que la dure réalité ne les rattrape. Qu'il ne la devance même. Et il s'en veut presque de poser la question qui passe la barrière de ses lèvres dans un souffle craintif.

« Ali... c'est... c'est qui cet enfant dont tu parlais sur insta ?... »

Il a à peine terminé de prononcer ces mots qu'il voudrait les reprendre, retrouver la quiétude un peu embrumée de leur réveil après l'amour. Mais il est trop tard à présent, il le sait bien. Et il dissimule un peu plus encore son visage au creux du cou du britannique, en espérant que ça ne soit pas déjà la dernière fois.
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