Fin janvier 2019

- Je suis désolée pour la dernière fois, Vinnie... j'aurais jamais pu imaginer que ça se passerait comme ça...

Elle ne pouvait pas savoir, il le sait bien. Et même s'il ne lui en veut pas vraiment, pas directement, il se terre davantage encore qu'auparavant depuis ce soir au Bannermann's. Elle voit bien que même les cours et les activités sportives et artistiques qu'il affectionnait tant, il les suit par obligation, s'y traîne presque à reculons.

- Mais tu peux quand même pas rester comme ça... Tu peux pas rester reclus. Je peux pas continuer à te voir dépérir. Tu comprends ?...

Il comprend très bien où elle veut en venir, mais il n'a aucune envie de sortir à nouveau. Il ne veut pas se retrouver à nouveau face à lui et évite comme la peste tous les endroits où il pourrait peut-être se retrouver confronté au visage qui le hante. Baby steps, il est retourné nager, oubliant tout ou presque dans l'eau. Ils sont même retournés une ou fois ou deux à la librairie où il a déjà acheté aussi bien des ouvrages pour ses études, assez pointus, parfois sur commande, que des ouvrages sur les peintres qu'il affectionne particulièrement. Il a souri poliment à la jolie libraire, mais ça s'est arrêté là...

Il n'a pas réussi à sortir à nouveau le soir, en revanche, et ses cauchemars n'ont fait que redoubler. La rousse tente désespérément de lui changer les idées mais ça tourne en boucle dans sa tête, plus encore peut-être que juste après l'événement.

- Et puis...

Il sait d'avance ce qui va suivre. Il est obnubilé par le visage de l'anglais, mais il n'en oublie pourtant pas quel jour on est. Et il sait qu'il n'est pas le seul à qui il faut changer les idées.

- Je sais Nessina...

Alors il a cédé.
Et ce soir-là aucune catastrophe n'a été à déplorer. Il a même eu une drôle de surprise quand il a levé la tête vers la musicienne sur scène. Il trouvait la voix agréable, le jeu fluide, les arrangements buen pensés... il ne s'attendait pas à connaître le visage de celle à qui tout ça appartenait. Et ils sont restés plus longtemps que prévu, pour le plus grand plaisir de sa coloc et amie.

- Je vais faire un tour...

Nessa a souri, elle le laisse faire. Il n'a pas de cours aujourd'hui, mais elle se doute bien d'où il compte se rendre. Ils ont parlé d'elle toute la soirée, et sur le retour aussi. Vincenzo a été touché par la musique de sa libraire et l'écossaise savait que ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne cède à l'envie de lui en parler.

Il s'est rendu à la librairie, dès le lendemain de la représentation donc. Pas très à l'aise, pas très sûr de savoir quoi lui dire. Mais certain qu'il avait envie de partager son ressenti. Il a tourné dans les rayons qu'il connaît par coeur, un bon moment... avant de venir vers elle, les mains vides.

Bonjour... commence-t-il timidement. Je voulais juste euh...

Elle doit avoir l'habitude de sa timidité mais c'est encore un cran au-dessus aujourd'hui.

- C'était sympa hier soir... vraiment sympa... je savais pas que vous vous produisiez...

Il bute sur les mots, l'anglais semble moins naturel que d'ordinaire et son accent italien plus prononcé que jamais, lui qui le dissimule si bien d'ordinaire...

@naya ortega désolée pour l'attente et ce début pas top top =/

C’était une nouvelle journée à la librairie, une journée à priori comme les autres. Naya était toujours contente de venir travailler. Contrairement à beaucoup de gens, elle ne faisait pas la tronche quand elle se levait au matin et quand elle se rendait sur les lieux de son travail. Elle aimait ce qu’elle faisait et elle y mettait toute sa passion, tout son enthousiasme lorsqu’il s’agissait de vendre un livre à un client ou de lui faire découvrir les nouveautés. Il y avait même des clients réguliers qu’elle voyait au moins une fois par semaine. Elle les reconnaissait à force et certains étaient même presque devenus des amis. La jeune femme espérait toujours naïvement qu’un jour, son prince charmant franchirait le seuil de cette porte en faisant tinter la petite clochette au-dessus de ladite porte. Oui, elle était naïve, en effet. Et rêveuse. Sans doute beaucoup trop, mais elle était ainsi et elle n’avait aucune envie de changer. La veille, elle avait donné un petit concert dans le bar qui l’employait quelques soirs par semaine. A côté de la littérature, la musique était sa plus grande passion. En fait, elle rêvait de percer dans la musique, de devenir réellement chanteuse et de pouvoir se produire sur de grandes scènes. Elle ne voulait pas devenir célèbre, elle voulait juste pouvoir vivre de la musique et partager sa passion avec les autres. Alors, en attendant, elle réalisait une infime partie de ce rêve en chantant dans un bar. C’était toujours mieux que rien, après tout. Mieux que de chanter seule dans sa salle de bain ou dans sa voiture.

Elle était en train de ranger un livre lorsqu’elle vit l’un des clients réguliers dans la boutique. Il semblait hésiter sur quelque chose. Naya l’aimait bien. Il était toujours gentil, même s’il était plutôt timide. Et puis, elle aimait bien son petit accent, ça lui donnait un certain charme, un petit truc en plus. Elle vit ensuite le jeune homme approcher d’elle. Sans doute pour lui demander conseil. Elle lui sourit chaleureusement. « Bonjour ! » Le pauvre avait l’air tellement mal à l’aise. Plus que d’habitude. Il devait avoir de sérieux problèmes avec les gens, le contact humain…mais elle n’avait aucune intention de le juger ou d’émettre une quelconque hypothèse sur lui. Elle allait juste essayer de le mettre à l’aise et de savoir ce qu’il tentait de lui dire. Elle pencha légèrement la tête sur le côté, souriant toujours. « Oui ? »
Finalement, le jeune homme reprit la parole, parlant de hier soir. Quoi ? L’espace d’un instant, la jeune femme fut confuse. Elle ne l’avait pas vu hier soir. Hier soir, elle était au bar et… « Oh ! Vous étiez au bar ? » Elle ne voyait que cette explication. Malgré elle, elle se sentit légèrement rougir. Elle avait beau paraître sûre d’elle, au fond, elle était plutôt timide aussi. Du moins, quand il s’agissait de la musique. Elle n’était pas très sûre d’elle à ce niveau. La preuve : elle n’avait encore jamais joué l’une de ses propres compositions en public. Ni devant qui que ce soit, d’ailleurs. « Merci beaucoup ! Ça me fait vraiment plaisir ! » Déjà, le petit moment de gêne s’était envolé, laissant place à un enthousiasme certain. « Vous aimez la musique ? Je dois avouer que c’est ma grande passion. En plus des livres, bien sûr ! » La voilà qui commençait à devenir très bavarde. Il fallait qu’elle se calme, elle ne tenait pas à faire fuir le jeune homme non plus. « C’est vraiment gentil d’être venu me voir. » Nouveau sourire. Même si les compliments la gênaient, elle appréciait avoir des retours. C’était important pour elle.

Elle était en train de ranger un livre lorsqu'il est venu l'interrompre, hésitant. Elle l'a accueilli avec un de ses éternels « Bonjour ! » rayonnants. Nul doute que s'il n'avait pas été gay, il aurait pu craquer pour elle. Elle avait quelque chose de tellement lumineux, cette fille ! Même là, alors qu'il vient la voir sans trouver ses mots, elle arrive à mettre un peu de chaleur entre eux, là où lui s'efforce éternellement de mettre le plus de distance possible, d'ordinaire, entre les autres et lui.

« Oui ? »

Elle l'encourage, il le voit bien. Et il a du mal à trouver les mots, mais la patience de la jeune femme est d'une aide inestimable.

« Oh ! Vous étiez au bar ? »

Il esquisse un sourire, étonné de la voir rougir à son tour. Ils doivent avoir l'air fin, tiens, là, tous les deux embarrassés et écarlates. Il ne pensait pas la voir s'empourprer, à vrai dire, mais quelque part, ça a quelque chose de rassurant. Ca les met un peu au même niveau, et lui permet de ne pas trop se focaliser sur son propre embarras.

« Merci beaucoup ! Ça me fait vraiment plaisir ! Vous aimez la musique ? Je dois avouer que c’est ma grande passion. En plus des livres, bien sûr !
- Bien sûr. »

Le compliment la touche à l'évidence, et son enthousiasme le fait sourire. Il a quelque chose de communicatif, même s'il reste lui-même plus réservé. Mais il s'agit de musique, et il lui est sans doute plus facile de se reconnaître dans cet engouement-là.

« Je peux pas vivre sans ma guitare », s'entend-il répondre, presque trop naturellement, lui-même étonné de livrer cette information-là si tôt dans la conversation, entre deux rayonnages, à une presque inconnue.

Sans sa guitare, ses pinceaux et la mer, mais ça n'est pas le sujet du moment, et il garde ça pour lui.

« C’est vraiment gentil d’être venu me voir.
- J'ai... pas osé hier... Mais je voulais quand même vous le dire... J'arriverai jamais à monter sur une scène, alors je tenais à vous féliciter. Et je suis sincère, vraiment. Vous êtes... rayonnante quand vous êtes là-haut... »

On pourrait croire qu'il essaie de la draguer, mais ça n'est pas le but. Ca n'a rien à voir avec ce type d'attirance, seulement celui d'un autre musicien, touché par le jeu de l'autre. Et par sa lumière, lui qui reste enfermé dans l'obscurité depuis trop longtemps...

Naya était vraiment touchée par la démarche du jeune homme, même si elle se sentait aussi très gênée. Elle ne savait jamais comment réagir face aux compliments, bien trop modeste et trop peu sûre d’elle pour ne pas rougir. Certains diraient sans doute que ça faisait partie de son charme, mais elle ne voyait même pas comment quiconque pourrait croire qu’elle en avait. Elle était sans doute trop exigeante envers elle-même aussi, incapable de se considérer comme vraiment bonne dans un domaine. Pourtant, elle savait que sa voix devait plaire un minimum, sinon jamais on ne l’aurait engagée dans ce bar. Par contre, elle n’interprétait que des chansons déjà existantes, ne se sentait clairement pas à la hauteur de chanter autre chose, persuadée que ses propres compositions étaient bien trop mauvaises pour être entendues par qui que ce soit. Mais ça, c’était une autre histoire et ce n’était pas la question. Le jeune homme face à elle avait l’air encore plus gêné qu’elle et pendant un instant, ils se retrouvèrent donc plantés là comme deux idiots rougissants. La jeune femme ne savait pas trop comment interpréter les paroles de son interlocuteur. Était-il en train d’essayer de lui faire du charme ? Ou ses compliments étaient-ils vraiment sincères, sans la moindre arrière-pensée ? Ne voulant pas penser à de telles choses, elle chassa donc cette idée de son esprit, se concentrant uniquement sur la conversation en cours. Elle apprit ainsi que le jeune était passionné de musique aussi et qu’il aimait apparemment beaucoup trop sa guitare. La blonde ne put s’empêcher de lâcher un petit rire. « Je vois ! Je joue moi-même un peu de guitare, ainsi que du piano. » Dès qu’on parlait de musique, son visage s’illuminait et ses yeux se mettaient à briller. Bien plus que quand on parlait littérature.

« Vous jouez d’un autre instrument ou la guitare est la seule à vos yeux ? » Elle sourit doucement, parfaitement consciente d’avoir comparé un instrument à une femme. Lorsqu’elle remercia le jeune homme d’être venu la voir, elle fut assez surprise par sa réaction. « Vraiment ? Vous n’avez pas osé ? Pourtant, je crois que je ne vous ai jamais mordu depuis le temps que vous venez ici ! » Elle se mit à rire doucement à sa bêtise. Parfois, elle pouvait raconter n’importe quoi quand même. « Mais je… merci infiniment. Ça me touche beaucoup. » Elle se passa une main dans les cheveux, gênée. « Vous savez… je n’ai pas énormément confiance en moi. Il m’a fallu longtemps avant d’oser monter sur scène. Mais je me suis rendue compte que le trac s’envole dès que j’entends la musique et que je chante ma première note. » Oui, elle était toujours morte de peur avant chaque passage, peu importe la taille de la scène ou du public. Ça restait une prestation devant d’autres personnes. « Pourquoi ne pas m’accompagner à la guitare un soir ? Ça pourrait être un premier pas, non ? Bien entendu, je ne vous obligerai à rien ! » Elle ne serait pas vexée s’il refusait, mais évidemment, elle espérait qu’il accepterait. « Vous chantez aussi, du coup ? Vous composez ? » Elle rougit légèrement. « Désolée, je m’emporte un peu. Parler de musique me met souvent dans tous mes états ! » Elle rit doucement. « Je m’appelle Naya, au fait. » Quelle cruche ! Ce n’était pas comme si c’était écrit sur le tag accroché à son haut. Mais en même temps, elle n’était qu’humaine, il lui arrivait d’oublier. « Mais je suppose que vous le savez déjà. » Elle détourna le regard, se sentant vraiment idiote. Franchement, avait-il fallu qu’elle se ridiculise de la sorte ? Devant un client régulier en plus ?

L'embarras est palpable, mais peut-être pas seulement pour lui : sa libraire rougit, et il trouve cela touchant. Ca ne l'empêche pas d'être à peu près aussi écarlate qu'elle, malgré son teint de peau plus sombre, et de ne pas savoir où se mettre. Aborder les gens pour les complimenter n'est pas vraiment dans ses habitudes. Aborder les gens tout court non plus, d'ailleurs, même s'il lui est arrivé de se faire violence une fois ou deux.

« Je vois ! Je joue moi-même un peu de guitare, ainsi que du piano. »

Les yeux de l'italien se mettent instantanément à briller, tout comme ceux de la jeune femme face à lui. Parler musique les emporte visiblement tous les deux, malgré leurs réserves naturelles. Si bien qu'il ne tarde pas à répondre à sa question, malgré l'ambivalence de celle-ci qu'il passe cependant sous silence.

« Vous jouez d’un autre instrument ou la guitare est la seule à vos yeux ?
- Je ne sais que gratter des cordes. Guitare ou basse. Je crois que je serais aussi doué qu'un enfant de trois ans si je tentais de toucher un piano ou autre chose... »

Il esquisse un léger sourire, conscient de son incapacité à jouer de quoi que ce soit d'autre, tout autant que de laisser entendre qu'il se descend lui-même en flèche à cet instant. Mais ça n'était clairement pas comme si l'estime de soi et le courage l'étouffaient, comme il le suggère à son interlocutrice.

« Vraiment ? Vous n’avez pas osé ? Pourtant, je crois que je ne vous ai jamais mordu depuis le temps que vous venez ici ! »

Il rit en même temps qu'elle, un peu contrit cependant. Bien sûr qu'elle ne l'a pas mordu, mais il ne peut pas s'empêcher d'entendre un léger reproche, sans doute inexistant, seul fruit de son propre manque de confiance.

« Mais je… merci infiniment. Ça me touche beaucoup. Vous savez… je n’ai pas énormément confiance en moi. Il m’a fallu longtemps avant d’oser monter sur scène. Mais je me suis rendue compte que le trac s’envole dès que j’entends la musique et que je chante ma première note. »

Elle touche évidemment une corde sensible ne prononçant ces mots, et il s'étonne de ce qu'elle vient de dire. Ah bon ? Elle n'a pas confiance, elle non plus ? Pourtant, comme il l'a vue sur scène, il l'a trouvée tellement naturelle ! Tellement... à sa place. Ce qu'il ne pense pas pouvoir être, jamais. Alors quand elle reprend la parole, il blêmit aussitôt.

« Pourquoi ne pas m’accompagner à la guitare un soir ? Ça pourrait être un premier pas, non ? Bien entendu, je ne vous obligerai à rien ! »

Son enthousiasme le perturbe, il craint de la décevoir, de la vexer, en refusant. Mais lui sur scène ?

« Sur scène ? Moi ?
- Vous chantez aussi, du coup ? Vous composez ? Désolée, je m’emporte un peu. Parler de musique me met souvent dans tous mes états ! »

Il esquisse un sourire face à sa passion sans équivoque. Il ne peut pas vraiment lui jeter la pierre, il a beau être plus réservé, il n'est pas en reste à ce niveau-là. Sinon il ne serait pas là à cet instant, à lutter contre sa timidité pour lui répondre.

« Je n'ai jamais vraiment essayé de chanter, à part sous ma douche » se décide-t-il à lui répondre en souriant. « Mais... oui, j'écris un peu. Je ne crois pas que je sois prêt à faire entendre ça à qui que ce soit en revanche... Et vous ? Vous composez aussi, ou vous ne jouez que des reprises ? »

Est-ce qu'il a jamais prononcé des phrases aussi longues en sa présence ? Il n'en est pas certain. Probablement que non. Probablement qu'il s'est contenté de réponses laconiques, même quand ils ont évoqué la peinture ou les fonds marins, passablement mal à l'aise à chaque fois. Et aujourd'hui n'y fait pas vraiment exception, son malaise ne s'est pas enfui même s'il se montre plus prolixe que d'ordinaire.

« Je m’appelle Naya, au fait. Mais je suppose que vous le savez déjà.
- Oui » sourit-il encore, presque embarrassé à sa place comme elle détourne le regard.

Il se passe une main dans les cheveux puis sur la nuque, signe évident de nervosité, et se présente à son tour - il ne se souvient pas s'il l'a jamais fait.

« Et moi Vincenzo. Vince si vous voulez. Je crois que je me suis jamais vraiment présenté. »

Il en a un peu honte, d'ailleurs. Tout comme il s'en veut un peu de ne pas vraiment répondre à sa proposition de la rejoindre sur scène, mais à vrai dire, il ne sait pas trop comment lui répondre. Jouer avec quelqu'un pourrait être tentant, il doit bien l'admettre, mais devant un public ? Il en est tout bonnement incapable, il en reste convaincu.

Naya était toujours contente de pouvoir échanger sur la musique, sa passion. Alors cette petite conversation était une très bonne surprise et une bonne petite pause dans sa journée de travail. Elle était heureuse que ce jeune homme soit venu l’aborder, alors que manifestement, ça lui avait demandé tout son courage. Il avait l’air tellement peu sûr de lui que ça en était presque touchant. Oui, la jeune femme avait presque envie de lui faire un gros câlin et de le protéger du monde entier. C’était idiot, elle ne savait rien de lui, à part sa passion pour la musique. Néanmoins, il lui paraissait être quelqu’un de bien, de sympathique. Mais encore une fois, qu’en savait-elle ? Elle était naïve, elle voyait toujours le bon en tout le monde et ça lui avait déjà joué des tours quelques fois. De toute façon, elle était bien trop concentrée sur cette conversation pour penser à ce genre de choses. Les compliments du jeune homme lui faisaient plaisir et la firent légèrement rougir aussi. Elle avait toujours du mal avec ça. Elle lui avait confié avoir le trac, elle aussi. Et contrairement à ce qu’elle laissait paraître sur scène, elle était toujours morte de trouille avant de commencer. Mais ensuite, tout s’envolait. Beaucoup d’artistes diraient probablement la même chose et ce serait peut-être le cas de ce jeune homme s’il osait franchir le pas. Elle voulait l’y encourager ou, au moins, lui mettre l’idée dans la tête. Toutefois, lorsqu’elle mentionna le fait de l’accompagner sur scène un soir, elle vit bien son expression changer, voire son teint virer au blanc. « Ben oui, vous ! Vous auriez seulement à jouer, le feu des projecteurs serait sur moi, la plupart du temps. » Elle lui sourit doucement, tentant de se montrer rassurante. Mais comme dit, elle ne comptait évidemment pas l’y obliger. Elle l’y encourageait, lui faisait une proposition, mais rien de plus. Il n’y avait rien de pire que d’être forcé à faire quelque chose qu’on ne voulait pas faire ou pour quoi on ne se sentait pas prêt.

Elle apprit ensuite qu’il composait. Elle l’écouta avec intérêt, jusqu’à détourner brièvement le regard lorsqu’il la questionna à son tour. Elle était comme lui. Elle non plus ne se sentait pas du tout prête à faire écouter ses compositions aux autres. Elle n’osait même pas les faire écouter à sa famille, alors à tout un public ? Impossible ! « Hum…Oui. Mais…comme vous, je ne me sens pas prête à faire écouter mes compositions. » Elle se mordit la lèvre inférieure et commença à jouer nerveusement avec une mèche de ses cheveux. Elle détestait ça. Pourquoi n’avait-elle pas simplement le courage de se lancer ? Elle admirait les personnes qui y parvenaient sans se poser de questions, sans avoir peur…Ou alors, si elles avaient peur, elles le cachaient très bien. « Un jour, peut-être…mais…ce n’est pas prévu pour tout de suite, c’est certain. » Du coup oui, elle ne jouait que des reprises pour le moment. Ne voulant pas rester trop longtemps sur le sujet, elle finit par se présenter. C’était la moindre des choses et elle ne le faisait que maintenant. Parfois, elle avait envie de se mettre des gifles mentales. Puis, finalement, elle apprit le prénom de ce jeune homme qu’elle voyait si souvent sans vraiment le connaître. Un doux sourire se dessina sur ses lèvres avant qu’elle ne tende la main de façon assez théâtrale. « Eh bien, enchantée, Vince ! » C’était un geste inutile à ce stade, mais peu importe. C’était spontané. « Vous n’êtes pas d’ici, si ? Je veux dire…votre prénom est italien, non ? » Et puis, il avait un petit accent. En fait, ses origines étaient évidentes, mais par politesse et parce qu’elle ne voulait pas juste assumer les choses, elle lui avait posé la question. « J’aimerais tellement pouvoir voyager un jour… Je ne suis jamais vraiment partie d’ici. Alors, en attendant, je m’évade grâce aux livres. » Et dans les livres, l’imagination n’avait pas de limites. On pouvait aller n’importe où, n’importe quand.